L’arbre de vie

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L’arbre de vie – Tout homme appelé est un « émigré et un hôte »

Par Luigino Bruni

Publié dans Avvenire le 27/04/2014

Logo Albero della vitaPlus tard, j’ai compris, et je n’ai pas encore fini de l’apprendre, que c’est seulement en étant pleinement dans ce monde que l’on apprend à croire.” Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission

La première fois que le mot “marché” apparaît dans la Genèse (23,16), c’est dans l’achat d’une tombe en garantie de la Terre promise. Le premier morceau de terre de Canaan qui devient propriété d’Abraham est un champ qu’il achète pour y ensevelir son épouse Sara. Dieu lui avait promis la «propriété » (ahuzzà : 17,8) de la terre promise, mais l’unique terre qu’il réussit à avoir en  «propriété » (ahuzzà : 23,4) est une tombe.

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Souvent, celui qui répond à un appel et se met sincèrement en route entrevoit la terre promise, l’habite, l’aime, et cependant, celle-ci ne devient pas sa propriété. Sara meurt en terre de Canaan, mais elle meurt alors qu’elle est encore étrangère et hôte de ce pays. « Je vis avec vous comme un émigré (ger) et un hôte (tosab) » (23,4), dira Abraham quand il entamera avec les Hittites la négociation pour la terre où ensevelir son épouse, cette même terre – le champ et la caverne de Makpéla – où seront ensevelis Isaac, Rébecca, Léa et Jacob. Cette première propriété funéraire nous dit donc beaucoup de la vocation d’Abraham, mais elle nous dit beaucoup aussi de l’aventure que connaît tout homme qui cherche à suivre une voix, un appel : être un étranger, marcher sur une terre qui n’et pas la sienne, vivre sous la tente mobile de l’Araméen errant, c’est, pour l’essentiel, la condition de celui qui répond à l’appel, ou qui s’efforce de le faire.

Si Sara et Abraham n’ont été propriétaires que d’une tombe, alors la terre promise doit, certes, être habitée, aimée, enrichie, mais elle ne doit pas être possédée. Ce récit ne fait pas que nous indiquer l’importance de la sépulture des corps dans cette culture et, de manière générale, dans toute l’antiquité – il suffit de penser au mythe grec d’Antigone. Elle nous dit aussi que traverser des terres promises sans les posséder, exprime au plus haut point la gratuité qui constitue ce qu’il y a de plus vrai dans toute vocation. Abraham, en achetant une terre aux Hittites pour en faire la tombe de Sara, transforme ce territoire en un “lieu” qui avec le temps deviendra sacré. Cependant, le message le plus profond que nous livre l’histoire de la tombe de Sara, c’est de ne pas faire d’une propriété ou d’un lieu la terre promise, car celle-ci reste toujours devant nous.

D’autre part, le processus de tractation entre Abraham et le propriétaire du champ est très intéressant et révélateur de toute une culture moyen-orientale et de ses pratiques contractuelles, dont les traces ont totalement disparu des souks de Damas et de Téhéran. Le prix de vente émerge comme un détail presque marginal à l’intérieur d’une conversation où s’alternent les offres généreuses, les éloges et les marques de reconnaissance de la dignité et de l’honorabilité de la contrepartie : « Écoute-nous, mon seigneur.  Dieu a fait de toi un chef au milieu de nous, enterre ta morte dans le meilleur de nos tombeaux. » (23,6). Et Abraham réplique : « Si réellement la morte qui m’a quitté doit être avec vous dans un tombeau… intercédez pour moi auprès d’Ephrôn fils de Çohar afin qu’il me donne la caverne de Makpéla … Qu’il me la cède pour sa pleine valeur » (23, 8-9). Ephrôn semble être disposé à lui donner le terrain même gratuitement : « Non, mon seigneur, écoute-moi : le champ, je te le donne ! La caverne qui s’y trouve, je te la donne ! Au su des fils de mon peuple je te la donne » (23,11). Alors, Abraham « se prosterna devant le peuple » et dit : « si seulement tu voulais m’écouter ! Je te donnerais le prix du champ ! Reçois-le de moi. » (23,13). Ce n’est qu’à ce stade du dialogue que le prix apparaît : « Mon seigneur, écoute-moi. Une terre de quatre cents sicles d’argent, qu’est-ce entre toi et moi ? » (23,15). Abraham pesa les quatre cents « sicles d’argent au prix du marché » (23,16), et c’est ainsi que « les fils de Heth garantirent à Abraham la propriété funéraire du champ et la caverne qui s’y trouvait » (23,20) – un sicle (shekel) était une mesure de poids d’environ 11 grammes. Un prix élevé, si on le compare au prix payé par Jérémie pour un champ (17 sicles d’argent – Jr 32,9), ou aux trente pièces d’argent versées à Juda pour prix de sa trahison (ce pouvaient être des deniers romains [3,9 grammes] mais aussi des sicles, qui étaient alors d’un usage beaucoup plus courant à Jérusalem).

En dépit de la complexité de ses symboles, dont la plupart sont désormais trop éloignés de nous, ce dialogue “économique” entre Abraham et Ephrôn nous dit également que les échanges économiques sont des rencontres entre des personnes, et qu’ils sont vraiment humains quand nous ne les amputons pas de toutes les dimensions de l’humain, en particulier de celle de la parole. « La première marchandise qu’on échange au marché, c’est la parole », me disait un jour un ami africain. Cet homme vit sur un continent où existent et résistent encore des marchés qui ne sont pas occupés par la logique du capitalisme individualiste et financier qui est en train de transformer le monde en un hypermarché sans hommes, sans rencontres, sans paroles, sans honneur ni reconnaissance de l’autre et de son visage. On doit “honorer” ses dettes, mais, dans les marchés, on peut et on doit avant tout honorer les personnes ; sinon, la vie économique devient triste, et nous avec elle. Cependant, cette ancienne rencontre commerciale nous dit aussi qu’un contrat, avec paiement de la « pleine valeur  », peut être un instrument plus approprié que le don, et il l’est normalement, pour obtenir des biens importants de personnes avec lesquelles nous ne sommes pas déjà dans une relation de dons réciproques. Pour que le don soit bon et moralement supérieur aux contrats, en termes de relations, il faut qu’il existe de bonnes raisons de l’offrir et de le recevoir, comme nous le rappelle d’ailleurs Isaïe : « Celui qui se conduit selon la justice, qui parle sans détour, qui refuse un profit obtenu par la violence, secoue les mains pour ne pas accepter un présent » (33,15). Les dons faits sans bonnes raisons justifiant leur gratuité, sont les « présents » dont parle Isaïe, c’est-à-dire les cadeaux dépourvus de gratuité du roi-pharaon.

Des jeux de hasard à l’exploitation de la terre, notre monde regorge de gains « obtenus par la violence », qui deviennent ensuite des « présents » que les associations ne devraient pas accepter ; elles devraient au contraire « secouer les mains », ce qui se fait encore trop rarement. Un contrat peut être alors un bon instrument, y compris pour acquérir le premier morceau de terrain en garantie de la terre promise, pour ensevelir dignement une épouse. Les expériences économiques et sociales les plus innovantes en faveur des pauvres, que nous avons suscitées tout au long de notre histoire, ont toujours été et demeurent un entrecroisement de dons et de contrats, de gratuité et de devoirs, de règles monastiques et de grâce, d’obligations et de liberté, de contrats au service de dons et de dons au service de contrats.

Mais la Genèse nous suggère aussi que le contrat, comme le don, est profondément  ambivalent (n’oublions pas que l’ambivalence est une clé de lecture indispensable, pour pénétrer les textes bibliques et aussi dans la vie). En effet, trois chapitres plus loin (26, 29-34), nous découvrons que le second “contrat " d’achat et vente, dans la Genèse, est celui qui permet à Jacob d’acquérir le droit d’aînesse en échange d’un « plat de lentilles ». Même dans cet achat et vente, le droit d’aînesse contre un plat de lentilles, le contrat est considéré légitime par la Bible (le droit d’aînesse ne sera pas rendu à Esaü), mais là, il y a une condamnation morale explicite du prix, qui est trop bas : « Esaü méprisa son droit d’aînesse » (25, 34). Abraham avait apprécié le champ dans lequel il avait enseveli son épouse, et avait payé un prix fort ; Esaü, en se contentant de trop peu, avait montré le peu d’estime qu’il avait pour son statut. Les prix devraient indiquer des valeurs, et quand ils ne le font pas, ces prix sont faux, aujourd’hui comme hier.

Le monde a toujours souffert de prix trop élevés qui excluaient des multitudes de pauvres de l’accès à des biens importants. Mais notre capitalisme, aujourd’hui, souffre aussi de prix trop bas ; des matières premières et des denrées sont échangés à des prix inférieurs à la valeur d’un « plat de lentilles », des prix qui n’indiquent pas une valeur ni des valeurs, parce qu’ils sont le fruit de spéculations et de considérations égoïstes et myopes qui n’intègrent pas, dans leur calcul, l’usage futur que nos enfants et petits-enfants feront de ces ressources, un futur que notre capitalisme estime pour moins qu’« un plat de lentilles ».

Au terme de l’extraordinaire aventure d’Abraham, notre père à tous et dont je me suis senti aimé en revivant cette aventure, le mot de la fin doit être pour tous ces émigrants qui, comme Abraham et Sara, sont morts et continuent de mourir en terre étrangère, mais sans avoir les “sicles” nécessaires pour acheter une tombe pour leurs épouses.
C’est aussi pour eux qu’Abraham a acheté la tombe de Makpéla, en garantie d’une terre sans propriétaires, la terre promise.

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L’arbre de vie – Tout homme appelé est un « émigré et un hôte »

Par Luigino Bruni

Publié dans Avvenire le 27/04/2014

Logo Albero della vitaPlus tard, j’ai compris, et je n’ai pas encore fini de l’apprendre, que c’est seulement en étant pleinement dans ce monde que l’on apprend à croire.” Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission

La première fois que le mot “marché” apparaît dans la Genèse (23,16), c’est dans l’achat d’une tombe en garantie de la Terre promise. Le premier morceau de terre de Canaan qui devient propriété d’Abraham est un champ qu’il achète pour y ensevelir son épouse Sara. Dieu lui avait promis la «propriété » (ahuzzà : 17,8) de la terre promise, mais l’unique terre qu’il réussit à avoir en  «propriété » (ahuzzà : 23,4) est une tombe.

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La Promesse n’a pas de propriétaire

L’arbre de vie – Tout homme appelé est un « émigré et un hôte » Par Luigino Bruni Publié dans Avvenire le 27/04/2014 “Plus tard, j’ai compris, et je n’ai pas encore fini de l’apprendre, que c’est seulement en étant pleinement dans ce monde que l’on apprend à croire.” Dietrich Bonhoeff...
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L’arbre de vie – L’âpre montée d’Abraham et d’Isaac, nos épreuves

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 20/04/2014

Logo Albero della vita"Après avoir disposé le bois et lié Isaac sur l’autel, au dessus de la brassée, Abraham immobilisa ses bras, retroussa ses manches, et le pressa sous ses genoux. Dieu, assis sur la hauteur du trône, vit que leurs deux cœurs n’en faisaient plus qu’un, il vit les larmes d’Abraham tombant sur Isaac et celles d’Isaac tombant sur l’autel baigné de leurs pleurs" (Louis Ginzberg, Les légendes des juifs, Vol. II).

Derrière chaque fils se cache une mystérieuse gratuité. Même derrière Isaac, aussi unique et extraordinaire que ce soit : "ta femme Sara enfantera un fils" (17, 19). Abraham rit en lui-même… « Sara peut-elle enfanter à quatre-vingt dix ans ?" (17, 17).

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Il ne pouvait croire à une promesse qui viole les lois de la nature (que cette même Voix avait données au monde et à la vie). Sara aussi rit en elle-même au chêne de Membré : " Vieille comme je suis, connaîtrais-je encore le plaisir?" (18, 12). Et Elohim aussi rira en prononçant le nom du fils : « <Isaac> (17, 19), Jishaq, qui veut dire « (Dieu) rira ».

Abraham et Sara savaient qu’Isaac était tout un don de première Voix. Tout le reste ils le découvrent en le vivant. Nous, lecteurs et relecteurs de ces textes, nous connaissons l’histoire de l’"épreuve" du Mont Moria, avec l’ange et le bélier. Pas eux : Abraham, Isaac, les serviteurs, Sara… ne savaient pas ce qui leur serait arrivé l’instant d’après celui qu’ils vivaient. Si nous ne prenons pas au sérieux la réalité humaine de ces antiques récits et de leurs protagonistes, nous finissons par les prendre pour de belles fables édifiantes ou des récits éthiques, passant ainsi à côté de leur force anthropologique, sociale, spirituelle. Les prendre au sérieux veut dire suivre Abraham, revivre avec lui ses expériences, aussi "ignorants" que lui, offrir comme lui un fils et comme lui le retrouver. Seule une lecture "incarnée" de la Bible peut vaincre les trompeuses consolations et les idéologies.

À l’appel d’une voix, mettons-nous donc en route avec confiance vers une terre promise sans savoir si et quand nous y arriverons ; un fils nous est enfin donné, mais voilà qu’il nous faut l’abandonner dans le désert ; un autre fils nous est donné, qu’il nous faut perdre de nouveau ; nous suivons Caïn dans les champs et c’est là qu’un frère nous tue ; nous voilà portant une croix jusqu’au Golgotha, nous y sommes crucifiés, et la résurrection nous laisse le souffle coupé.

« "Abraham, Abraham". Il répondit : "Me voici". Il reprit : "Prends Isaac ton fils bien aimé, va dans le pays de Moria, et offre-le en holocauste sur le mont que je t’indiquerai" » (22, 1-2). La Genèse ne fait rien dire à Abraham. Elle dit seulement qu’il partit "de bon matin" (22, 3), comme il était parti "de bon matin" pour éloigner Ismaël et Agar au désert. Et comme en ce jour lointain de son premier appel à Ur en Chaldée, Abraham répond en partant encore, en suivant la voix. Il se mit en chemin vers le mont Moria avec la même foi-confiance que celle de son départ pour la terre promise. Il est fidèle à la voix et à lui-même celui qui se met en route dans les aurores et les nuits de la vie. La foi-fidélité-confiance consiste à croire que la voix qui avait promis le bonheur peut être la même qui demande le fils qu’elle a donné.

Le vieil Abraham part encore, en reconnaissant en ces paroles la première voix. Et si nous voulons aujourd’hui nous faire redonner un fils, si nous voulons continuer une histoire de salut, il nous faut revivre ce récit en marchant avec et comme Abraham. Au moins une fois dans notre vie.

Il refait le voyage salvifique d’Abraham cet entrepreneur, Giulio, qui après avoir cru en l’entreprise familiale héritée de ses parents, alors qu’elle commençait enfin à porter du fruit et qu’il entrevoyait des jours sereins, reçoit de son client le plus important une demande de pot-de-vin pour continuer en affaires. Giulio refuse, et en rentrant chez lui après cet entretien malhonnête, il sait seulement qu’il a bien fait d’écouter en lui cette voix : "Mieux vaut fermer l’entreprise que de se corrompre et d’être injuste". Il n’en sait pas davantage, mais c’est déjà beaucoup, suffisant pour continuer la montée de la vie, même sans rien savoir de plus, ni que des anges viendront, ni qu’il s’agit "seulement" d’une épreuve.

Elle refait la montée muette d’Abraham, Giovanna, tenancière d’un bar qu’elle avait repris dans un centre-ville et qui en avait retiré les machines à sous par amour des pauvres de la ville et de ses enfants. Mais alors que le bar, au prix de gros efforts, commence à être rentable, voilà qu’on vient lui imposer la taxe mafieuse. Elle refuse car une voix lui dit "mieux vaut le feu au bar que de perdre son âme". Elle écoute et ne connaît que ces paroles en son for intérieur, cette seule comptabilité morale.

Elle aussi est amie d’Abraham, Anna, cette jeune maman qui, après avoir recouvré la santé au terme d’un traitement long et épuisant, découvre sa rechute lors d’une visite de contrôle : elle n’en veut pas à la vie, elle l’accueille plutôt, docile et tenace, et rentre à la maison sans savoir ce qui adviendra sur le mont qui l’attend. Dans ces aventures authentiques, l’ange ne vient, s’il vient, que lorsqu’on a tout fait sans savoir ce qui adviendrait. Ces anges n’annoncent pas leur arrivée.

L’histoire d’Abraham nous dit que l’impossible et l’incroyable peuvent – non pas doivent – advenir si l’on sait aller jusqu’à la dernière parole de notre vie. Alors seulement on s’aperçoit, de temps en temps, que ce qui semblait la dernière n’était que l’avant dernière, et qu’avant de la prononcer on ne pouvait la connaître : cette parole était donnée. La valeur morale et spirituelle de la montée avec et à la manière d’Abraham réside dans le fait d’avoir pris avec soi le fils, le bois et le feu, d’avoir préparé l’autel et de s’être préparé à "mourir" avec ce fils sur cet autel même.

Toutefois, Abraham est aussi le compagnon et l’allié de tous ceux auprès de qui l’ange n’est pas arrivé : l’enfant n’a pu être sauvé, l’entreprise a fait faillite, le bar a été brûlé, la maladie a vaincu. Abraham nous aime de sa foi forte et docile sur son parcours depuis la tente de Sara jusqu’au moment où la voix de l’ange a retenu son bras. Cette voix n’ajoute rien à la valeur de la foi d’Abraham, mais elle nous révèle la logique et la nature d’Elohim. Si Abraham avait déjà su au sujet de l’ange, son expérience n’aurait été que " fiction", le fils redonné n’aurait pas été le fruit de sa foi, mais une pauvre prime pour le faire partir plus vite de bon matin.

Celui qui dans la vie a pu au moins une fois "mourir" et "renaître", sait que la résurrection n’advient que si l’on a su mourir. Au cœur de nos hivers nous ne savons pas si et quand arriveront les printemps. Nous sommes comme ces peuples antiques qui, après le couchant, ignoraient si le soleil serait réapparu au bout de la nuit. Même après mille résurrections, nôtres et d’autrui, quand nous sommes devant un mont et une montée, on se remet en marche aussi "ignorants" que la première fois, conscients de devoir seulement marcher. Pas même Dieu, du moins le Dieu de la Bible, ne pouvait savoir si Abraham serait parvenu au sommet et aurait préparé l’autel : il le découvrit, émerveillé et sans doute ému, quand Abraham empoigna le couteau. C’est cette stupeur qui rend unique chaque instant de la vie, qui donne une valeur immense au temps, à l’histoire, à notre liberté et responsabilité.

Ce n’est pas sur la logique d’Abraham que se sont construits l’Europe, l’Occident, la modernité, le capitalisme. Le règne de la technique, l’utilitarisme économique, les calculs coûts-profits, sont fils d’Ulysse, des grecs et puis des modernes. Pas d’Abraham. Mais si le monde ne meurt pas, si les bonnes entreprises et les familles continuent de fleurir, c’est parce qu’Abraham continue de vivre en beaucoup, que son écho peut-être résiste en tous. Nous nous sentirions plus aimés par la vie, moins seuls sur les monts Moria de l’existence, si nous étions davantage conscients d’être fils d’Abraham chaque fois que nous restons fidèles jusqu’au bout à une voix, une promesse, un pacte, à notre conscience, au meilleur de nous-mêmes. Racontons-nous donc les uns aux autres l’histoire du mont Moria, d’Elohim, d’Isaac, de Sara, de l’autel, de l’ange, du bélier. Surtout ne cessons jamais de nous raconter Abraham.

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L’arbre de vie – L’âpre montée d’Abraham et d’Isaac, nos épreuves

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 20/04/2014

Logo Albero della vita"Après avoir disposé le bois et lié Isaac sur l’autel, au dessus de la brassée, Abraham immobilisa ses bras, retroussa ses manches, et le pressa sous ses genoux. Dieu, assis sur la hauteur du trône, vit que leurs deux cœurs n’en faisaient plus qu’un, il vit les larmes d’Abraham tombant sur Isaac et celles d’Isaac tombant sur l’autel baigné de leurs pleurs" (Louis Ginzberg, Les légendes des juifs, Vol. II).

Derrière chaque fils se cache une mystérieuse gratuité. Même derrière Isaac, aussi unique et extraordinaire que ce soit : "ta femme Sara enfantera un fils" (17, 19). Abraham rit en lui-même… « Sara peut-elle enfanter à quatre-vingt dix ans ?" (17, 17).

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La vraie fidélité est à l’Inattendu

L’arbre de vie – L’âpre montée d’Abraham et d’Isaac, nos épreuves Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 20/04/2014 "Après avoir disposé le bois et lié Isaac sur l’autel, au dessus de la brassée, Abraham immobilisa ses bras, retroussa ses manches, et le pressa sous ses genoux. Dieu, assis sur la ha...
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L’arbre de vie – Loi et prophétie, les trames de la Genèse

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 13/04/2014

Logo Albero della vita"La première femme à user d’une ceinture fut la mère d’Ismaël, qui voulut cacher sa grossesse à Saraï" (livre des dictons sur les prophètes).

Dans la Bible le premier envoi d’un ange advient pour consoler une servante-mère, Agar, chassée par sa patronne. Saraï, malgré la Promesse, reste stérile et cherche une solution : "elle dit à Abram : ‘Voici que Yahweh m'a rendue stérile; viens, je te prie, vers ma servante; peut-être aurai-je d'elle des fils’ (16, 2). Saraï "prit donc Agar l'Egyptienne, sa servante…  et la donna à Abram pour être sa femme" (16, 3).

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 Saraï vieillit et ne croit plus en la vérité de l’appel ; elle trouve une issue prévue par la loi (comme  dans le code babylonien de Hammurabi), une issue non conforme à la promesse. Mais quand Agar "vit qu’elle avait conçu, elle regarda sa maîtresse avec mépris" (16, 4). Quelque chose n’allait pas dans cette solution simple en apparence : cet enfant ne deviendra pas le ‘fils de Saraï’ ; il restera seulement le fils d’Agar (et d’Abram). Chaque fils est don et mystère, et réalisation d’une promesse.
"Alors Saraï la maltraita, et Agar s'enfuit de devant elle" (16, 6). Agar part au désert, et c’est en ce lieu toujours riche de grands symboles qu’advient une annonciation : "Je multiplierai extrêmement ta postérité ; on ne pourra la compter, tant elle sera nombreuse…  Tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom d'Ismaël, parce que Yahweh a entendu ton affliction" (16, 10-11). Agar retourne dans la maison d’Abram, et les humiliations continuent. Et quand Saraï (entretemps devenue Sara), en son sein flétri, donna naissance à Isaac, elle dit de nouveau à son mari : "Chasse cette servante et son fils". Abram (devenu Abraham) obéira a Sara, mais ce choix "déplut beaucoup aux yeux d'Abraham" (21, 11).

Chassée pour la seconde fois, Agar ne revient plus, quitte la scène, mais n’est jamais sortie du livre de la vie où les nombreuses Agar continuent de pleurer à haute voix, d’être chassées… et de parler avec Dieu. "Et il la renvoya. Elle s'en alla, errant dans le désert de Bersabée. Quand l'eau qui était dans l'outre fut épuisée, elle laissa l'enfant sous l'un des arbrisseaux, et elle s'en alla s'asseoir vis-à-vis, à une portée d'arc ; car elle disait : ‘je ne veux pas voir mourir l'enfant’. Elle s'assit donc vis-à-vis, éleva la voix et pleura" (21, 14-16). Dans le désespoir de cette lamentation nous entendons les pleurs des servantes de la terre d’hier et d’aujourd’hui, de toutes les femmes humiliées par d’autres hommes et femmes au pouvoir, les pleurs et les silences des victimes, de tous les exilés traversant les déserts et les mers. Mais dans ce désert Agar de nouveau rencontre YHWH : "Dieu entendit la voix de l'enfant, et l'ange de Dieu appela du ciel Agar, en disant : ‘Qu'as-tu Agar? Ne crains point, car Dieu a entendu la voix de l'enfant dans le lieu où il est ! " (21, 17).

Nombreux sont les messages que nous délivrent ces chapitres pleins de beauté, d’humanité, de douleur. Le premier concerne les conflits et les voies de leur résolution. Sara jamais ne reconnaît Agar comme un ‘tu’ : dans le texte elle ne l’appelle jamais par son nom, mais toujours et seulement ‘servante’ ; seul YHWH l’appelle Agar. On ne sort pas réellement d’aucun conflit sans la reconnaissance de l’autre. Le matriarcat de Sara, la patronne, l’emporte ici sur la solidarité entre femmes qui tant de fois a joué et se déclenche au-delà même des positions sociales. L’usage du pouvoir nu, qui expulse la plus faible et en fait une victime, interrompt le conflit mais ne le résout pas. La ‘non solution’ de Sara est encore souvent pratiquée dans nos institutions et entreprises.

Mais ce message n’est pas le seul que nous délivrent ces épisodes de la Genèse. Parvenu en Canaan, à son retour d’Égypte, Abram entre en conflit avec son neveu Lot : "la contrée ne leur suffisait pas pour habiter ensemble; car leurs biens étaient trop considérables" (13, 6). Les biens et l’abondance, objet de la promesse de JHWH, deviennent cause d’un conflit familial. Mais Abram trouve une solution : "Qu'il n'y ait pas, je te prie, de débat entre moi et toi, ni entre mes bergers et tes bergers; car nous sommes des frères. Sépare-toi donc de moi. Si tu vas à gauche, je prendrai la droite; et si tu vas à droite, je prendrai la gauche" (13, 8-10). Abram évite ici le conflit par un acte de générosité : il laisse Lot choisir la meilleure terre (13, 10). Il n’est pas rare que ce soit justement les dons reçus par vocation (mission, terre, succès, talent…) qui soient cause de conflit et de rivalité avec des compagnons de voyage. Et quand le territoire (l’entreprise, le projet, la communauté…) est trop petit pour l’abondance des biens et des talents, le salut peut venir d’une séparation, de l’engagement sur des routes diverses.

Mais là ne s’arrêtent pas les questions difficiles, paradoxales et tragiques de ces grandes narrations. Sara veut dire princesse. Le nom d’Agar au contraire évoque la migration. Agar est Égyptienne, peut-être (selon quelques midrash) fille de pharaon ; et l’Égypte n’est pas seulement image d’exil et d’esclavage : elle est aussi le pays où Saraï émigrera avec Abram pour fuir la sécheresse de la  terre promise. C’est là que Saraï fut livrée au harem du pharaon, lequel, ayant découvert le subterfuge (non pas sœur mais femme d’Abram), la renvoya (12, 19). Saraï elle aussi a donc été émigrante, servante, victime, renvoyée. Quant à Agar, elle est servante et victime, mais reçoit la première visite de l’ange, et, comme les grands rois et les prophètes, elle parle avec Dieu, qui lui annonce une grande descendance. Sara et Agar s’échangent leurs rôles ; elles s’estompent l’une dans l’autre. Les victimes et les esclaves demeurent, comme aussi les patrons et les puissants. Mais ces magnifiques chapitres de la Genèse veulent nous dire quelque chose de plus profond.

Dans la tragi-comédie de la vie les personnages portent toujours plusieurs masques, et chaque personne cache plusieurs personnages. L’histoire d’Agar nous enseigne que si nous voulons comprendre quelque chose du mystère de la Bible et de la vie, il nous est indispensable de lire l’histoire du salut du point de vue non seulement de Sara et Isaac, mais aussi d’Agar et Ismaël. Ce n’est qu’en la lisant de ces deux points de vue ensemble que ‘s’ouvrent les écritures et que nous en est donnée l’intelligence’.

La Genèse, et d’une certaine manière toute la Bible, apparaît alors traversée par la tension radicale entre loi et prophétie, devoir et liberté, institution et charisme. Les lois institutionnelles du droit d’aînesse et du patriarcat sont reconnues, et sur elles se fondent le peuple et la Loi ; mais il leur arrive d’être diminuées, affaiblies, parfois même renversées par la prédilection pour des cadets (Abel, Jacob, Joseph, David…), avec des esclaves qui parlent avec Dieu et un patriarche obéissant à sa femme. La trame horizontale des patriarches et des rois s’entrecroise avec la trame verticale des exclus d’hier, d’aujourd’hui, de toujours. Et c’est dans leurs trous que passe la ‘navette’ de l’histoire, que se tisse la vie. L’histoire peut être interprétée du point de vue des pères et des héritiers, mais tout acquiert davantage de vérité et de beauté quand on se met aussi du côté des vaincus, en prêtant attention et miséricorde aux chemins interrompus.

La reconnaissance de ce vital et inextricable entrecroisement ‘Saraï-Agar’ et ‘Isaac-Ismaël’ ne doit cependant pas nous empêcher d’accomplir un exercice spirituel plus important encore : choisir et décider à quel point de vue nous donnons priorité. Il n’est jamais indifférent que nous regardions nos vies et sur nos villes d’abord du point de vue de Sara ou de celui d’Agar. Si le regard d’Agar nous atteint le premier, alors le regard le plus fécond sur le monde n’est pas celui des princesses et des puissants, mais celui qui vient des périphéries bibliques et existentielles. Celles où habitent Agar, Noémie, Dinàh, Marie, et tant d’autres sœurs d’hier, d’aujourd’hui, de toujours.

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L’arbre de vie – Loi et prophétie, les trames de la Genèse

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 13/04/2014

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Dans la Bible le premier envoi d’un ange advient pour consoler une servante-mère, Agar, chassée par sa patronne. Saraï, malgré la Promesse, reste stérile et cherche une solution : "elle dit à Abram : ‘Voici que Yahweh m'a rendue stérile; viens, je te prie, vers ma servante; peut-être aurai-je d'elle des fils’ (16, 2). Saraï "prit donc Agar l'Egyptienne, sa servante…  et la donna à Abram pour être sa femme" (16, 3).

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Agar et ses nombreuses sœurs

L’arbre de vie – Loi et prophétie, les trames de la Genèse Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 13/04/2014 "La première femme à user d’une ceinture fut la mère d’Ismaël, qui voulut cacher sa grossesse à Saraï" (livre des dictons sur les prophètes). Dans la Bible le premier envoi d’un ange advient...
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L’arbre de vie – Abram, sans voir, crut et devint juste. Et il devint Abraham, le père.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 06/04/2014

Logo Albero della vita"Leur énergie fit de certains de grands hommes, pour d’autres ce fut leur sagesse, leur espérance, leur amour. Mais Abraham fut le plus grand de tous" (Søren Kierkegaard, Crainte et appréhension).

Après Babel, la ville fortifiée où l’humanité avait cherché un salut trompeur après le déluge, sans diversité ni dispersion féconde sur la terre, l’alliance et le salut continuent avec Abram, qui quitte la maison paternelle et se met en route, en se fiant à une voix qui l’appelle.

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Foi et confiance : toute foi est confiance en une promesse. Noé nous avait sauvés en construisant une arche et en y demeurant en compagnie de sa famille et des animaux dans l’attente du retrait des eaux. Abram, au contraire, répond à l’appel de la même voix en se mettant en route vers une terre promise : " Va-t-en de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai " (12, 1). Son histoire ne commence pas par un appel à construire une arche ni, comme pour Moïse, à libérer son peuple de l’esclavage. Pour répondre, Abram doit seulement croire en la promesse d’une terre, et s’en aller vers elle ; il doit quitter la maison de son père Tèrah et se mettre en route vers une terre qui lui est annoncée comme un lieu de bénédictions et de bonheur, mais inconnue. Abram – le premier hébreu de la Bible – reçoit donc un appel au bonheur, à la fécondité, à la floraison : "Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai et rendrai grand ton nom, et tu seras une bénédiction… en toi seront bénies toutes les familles de la terre" (12, 2). C’est un appel à la vie, la promesse d’un avenir où continuent l’Adam, l’Eden, l’arc-en-ciel de Noé. Abram et sa femme Saraï se mettent en route ensemble, non pas vers la terre sûre des pères, mais vers la terre inconnue des fils. La première vocation d’Abram est de croire totalement en une promesse, de se mettre en route. En cela consiste avant tout sa justice.

Noé était juste et c’est pourquoi une mission décisive lui fut confiée. Il n’est pas dit d’Abram qu’il fut juste avant d’être appelé, mais qu’il est devenu juste pour avoir cru en la promesse : "il crut, et cela lui obtint la justice" (15, 6). Noé était juste et donc il crut ; Abram crut et devint juste.

Certaines personnes sont appelées à accomplir une mission de salut, à construire une arche : elles la construisent, sauvent beaucoup de gens et ce faisant se sauvent aussi. Mais à d’autres cette même voix fait une promesse de bonheur et de plénitude, et ce qui les rend justes c’est de continuer inconditionnellement et obstinément de croire toute leur vie en cette promesse. Ces ‘appelés’ se mettent en route vers une terre non pas pour sauver quelqu’un ou quelque chose, mais parce qu’en cette promesse ils voient, ou savent entrevoir, des bénédictions, du bonheur, des fruits, des ‘fils’ aussi nombreux que les constellations. Pour ces vocations, c’est après que viennent les arches à construire (elles viennent toujours si la vocation est authentique) ; mais il n’y a ni altruisme ni sacrifice dans le ‘croire et partir’ : on se fie en la bonté d’une ‘voix’ qui appelle, et l’on croit que le plus grand bonheur est dans la réalisation de cette promesse.

Toute vocation suppose un acte radical de confiance en une voix qui appelle, même quand on ignore qui appelle. La justice-bonté d’Abram n’est pas d’abord le fruit des vertus : elle est croire en une promesse, et continuer de croire et de marcher. Beaucoup de maladies spirituelles et communautaires naissent du fait qu’on transforme bénédictions et salut en perfectionnisme éthique, qu’on change la promesse en une morale, et qu’au lieu de marcher on examine ses (propres) vertus et les vices (des autres). C’est ainsi qu’on s’égare.

La vocation d’Abram contient donc elle aussi une grammaire universelle des vocations, qu’elles soient religieuses, civiles, professionnelles, artistiques, entrepreneuriales. Il arrive dans la terre de Canaan et y trouve les cananéens : la terre promise est habitée par d’autres. Il n’y trouve ni fruits ni abondance, mais une disette qui le fait émigrer en Égypte. En Canaan il séjourne en "étranger" (17, 8) ; il ne voit pas venir les fils aussi nombreux que les étoiles du ciel, mais arrivent inexorables sa vieillesse et celle de sa femme.

La terre promise par la voix qui appelle se révèle toujours différente de ce qu’on imaginait. Une vocation n’est pas un contrat mais un pacte, une alliance, avec les surprises, les déceptions, les épreuves, l’inconfort, parfois le désespoir, toujours le pardon et la possibilité de recommencer. La juste fatigue des appelés (bien plus nombreux qu’on ne le pense) consiste à marcher encore quand ils trouvent une terre promise aride et peuplée par d’autres, quand sur cette terre on leur enlève des proches et des biens (14, 12). La justice d’Abram fut de répondre au premier appel et de continuer de marcher quand la promesse lui paraissait si lointaine qu’il se trompait peut-être; il continua de croire que cette terre et le sein stérile de Saraï pouvaient encore engendrer, fleurir en bénédictions. Abram trouva une terre différente de celle qu’il imaginait au moment de l’appel, mais il fut juste et le plus grand de tous parce qu’il continua de croire que la terre promise serait celle que YHWH lui montrerait et pas une autre.

En toute vocation être juste consiste à savoir reconnaître dans une terre aride une terre promise, et dans un sein stérile des fils à naître. Je connais beaucoup d’entrepreneurs justes qui ont suivi une voix, ont cru en une promesse, puis ont trouvé et trouvent une terre aride et ne voient venir ni enfants ni petits-enfants. Ceux qui s’en sont sortis, et en ont sauvé d’autres, sont ceux qui ont su découvrir dans cette aridité la primeur de la terre promise ; mais surtout ceux qui ont continué de marcher, de planter plus avant la tente, sans se fabriquer, par délusion, une autre terre que celle promise.

Abram reçoit l’appel à l’âge de 75 ans (les années bibliques signifient beaucoup de choses ; toutes sont importantes et positives en général), mais à 99 ans il devient Abraham : " marche devant ma face et sois irréprochable…  On ne te nommera plus Abram, mais ton nom sera Abraham, car je te fais père d'une multitude de nations" (15, 1-5). Il y avait déjà eu un appel, mais quelque chose de nouveau survient : Abram devient Abraham et Saraï devient Sara (17, 15). Après 14 ans l’appel au bonheur et à la terre promise devient appel à une Alliance entre YWHW et tout un peuple, en vue d’une bénédiction universelle (en lisant et étudiant ces premiers chapitres de la Genèse, je suis comme emporté par les bénédictions, par un regard plein de bonté sur le monde et sur les hommes, qui m’aime et me nourrit). Cette nouvelle rencontre révèle l’appel, elle renouvelle et qualifie la première promesse. Mais surtout elle change le nom, et avec lui le vrai sens du premier appel. Abram n’avait pas été irréprochable (qu’on lise le chapitre 13 sur Sarai en Égypte) ; Abraham le deviendra.

Il y a donc un moment crucial pour le (bon) développement de toute (vraie) vocation. On est parti un jour en suivant la voix d’une bénédiction ; on est parvenu en terre inconnue ; on a mené de bons combats ; mais il manquait encore le sens profond de cette promesse. Un second appel survient alors dans le premier : Abram meurt, et Abraham naît. On comprend que la première terre, les troupeaux et les fleuves généreux n’étaient pas la vraie promesse. Et l’on devient ‘irréprochable’, non pas en vertu d’une perfection éthique, mais parce que l’irréprochabilité est don et exigence profonde de vérité au service de la promesse. Abram était père de famille ; Abraham devient père d’un peuple, d’un grand nombre, de "toutes les familles de la terre". Et l’on continue de marcher, même quand le chemin monte en une sorte de procession silencieuse avec un fils-victime vers un sommet-autel, même quand l’arc-en-ciel disparaît et que s’éteint la multitude des étoiles. On trouve le salut et l’on reste juste dans la poursuite du chemin, en continuant de regarder devant, les yeux toujours fixés sur l’horizon.

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L’arbre de vie – Abram, sans voir, crut et devint juste. Et il devint Abraham, le père.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 06/04/2014

Logo Albero della vita"Leur énergie fit de certains de grands hommes, pour d’autres ce fut leur sagesse, leur espérance, leur amour. Mais Abraham fut le plus grand de tous" (Søren Kierkegaard, Crainte et appréhension).

Après Babel, la ville fortifiée où l’humanité avait cherché un salut trompeur après le déluge, sans diversité ni dispersion féconde sur la terre, l’alliance et le salut continuent avec Abram, qui quitte la maison paternelle et se met en route, en se fiant à une voix qui l’appelle.

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Vers la terre des fils

L’arbre de vie – Abram, sans voir, crut et devint juste. Et il devint Abraham, le père. Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 06/04/2014 "Leur énergie fit de certains de grands hommes, pour d’autres ce fut leur sagesse, leur espérance, leur amour. Mais Abraham fut le plus grand de tous" (Søren Kie...
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L’arbre de vie – Dispersés et sauvés hors de la Tour des empires

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 30/03/2014

Logo Albero della vita"De très nombreuses années furent consacrées à la construction de la tour, qui devint si haute qu’il fallait une année entière pour monter au sommet. Aux yeux des constructeurs une brique devint plus précieuse qu’un être humain ; si un ouvrier tombait et mourait, personne ne s’en souciait, mais si tombait une brique, tous pleuraient parce qu’il fallait une année pour la remplacer. Ils étaient si impatients d’achever leur œuvre qu’ils ne permettaient pas aux femmes fabriquant les briques d’interrompre leur travail, même pour un accouchement : elles accouchaient en façonnant des briques, se drapaient le bébé dans le dos et continuaient de fabriquer des briques" (L. Ginzberg, Les légendes des juifs).

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Après l’Arche les hommes construisirent Babel, une ville fortifiée avec en son centre une haute tour. Le livre de la Genèse (6, 5) nous donne les dimensions de l’arche de Noé (longue de 132 m, large de 22 et profonde de 13), disant seulement de Babel que le sommet de la tour aurait voulu toucher le ciel (11, 4). Certaines traditions se sont fondées sur cette indication (peut-être aussi sur le souvenir des pyramides d’Égypte et de la gigantesque ziqqurat de Babylone) pour imaginer les grandioses hauteurs de cette tour, bien plus grande que l’arche qui avait sauvé les pères et mères des constructeurs de Babel. Les entreprises édifiées en réponse à un appel et pour sauver ne sont en général ni plus hautes ni plus puissantes que celles des constructeurs d’empire.

Nombreuses sont les explications qui au cours du temps se sont stratifiées sur Babel : de l’exil à Babylone elles remontent aux souvenirs des briques de l’esclavage en Égypte ("faisons des briques", 11, 3), et à la critique sans fin de l’idolâtrie ("faisons-nous un nom", 11,4).

L’histoire de Babel est une critique radicale de tout empire, et donc du pouvoir. La Genèse dit du fondateur de Babel (Nimrod) : (10, 8). Babel est symbole de la ville fortifiée, mais elle est surtout symbole de l’empire. Elle n’est pas une critique radicale de tout pouvoir (Adam et Noé eurent aussi du pouvoir), mais du pouvoir qui ne sert pas à sauver. Aujourd’hui encore le pouvoir salvifique de Noé et le pouvoir des empires de Babel continuent de cohabiter, de s’entrecroiser dans nos villes et institutions. Certains exercent le pouvoir reçu des citoyens ou des actionnistes au sein d’un pacte-alliance (politique, économique, familial, éducatif…) en vue d’un salut ; d’autres l’exercent pour dominer et en tirer revenus et privilèges – l’empire. Un pouvoir sauve, un pouvoir tue. Ils cohabitent presque toujours dans les mêmes organisations, institutions, entreprises, parfois dans les mêmes services et les mêmes bureaux, où constructeurs d’arche et constructeurs de Babel sont assis côte à côte.

La confrontation Noé-Babel nous donne cependant d’autres paroles et messages de vie. Surtout sur le travail. Constructeurs d’arche ou de tour, c’était des travailleurs, et ils étaient solidaires entre eux – sans solidarité dans le travail aucune œuvre ne commence, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Cette solidarité apparaît fortement dans le cas de Babel, où il est explicitement question d’une action collective, de groupe, en communauté de travail : <Ils se dirent l’un l’autre : "Allons ! Construisons une ville et une tour"> (11, 4). Il y a un <allons>, un encouragement et une exhortation réciproques en vue d’une œuvre. Mais toutes les solidarités et coopérations ne sont pas bonnes, et tout ce qui est travail n’est pas bon : le travail des ouvriers et ingénieurs de Babel n’est pas béni, et il est dispersé. Il est bon que certaines œuvres soient dispersées. Celles des très puissants empires de la mafia, de la pornographie, des jeux de hasard, des entreprises empoisonneuses, des guerres, de la prostitution, ne sont pas bénies et il nous faut les disperser. Les travaux des empires sont travail d’esclave, aujourd’hui comme hier. Les formes d’esclavage et d’empire changent mais leurs signes et leurs fruits restent les mêmes.

L’erreur radicale de Babel fut de chercher le salut en s’enfermant entre semblables : ils avaient tous <une seule langue et les mêmes mots> (11, 1). La cité-tour fut construite <de peur que nous ne soyons dispersés sur la surface de la terre> (11, 4). Or se disperser était justement l’ordre donné aux sauvés du déluge : <multipliez-vous et répandez-vous sur la terre> (11, 4). Au contraire la communauté des hommes se déplaça vers l’orient et parvint dans une vallée où elle s’arrêta (11, 2) : ils cherchèrent le salut non dans une marche, mais dans une halte à l’abri du risqueBruegel Torre Babele 1563 rid de la multiplicité et de la vie qui foisonne. Cette communauté fit une tour-empire (11, 4) parce que déjà (11, 1) elle ne parlait qu’une seule langue, avec les mêmes mots : c’est cette unique langue, cette seule "lèvre", qui produit la fortification de Babel. La construction des empires est l’acte ultime des groupes humains qui perdent la biodiversité, qui s’aplatissent en un seul langage, dans l’appauvrissement de la langue et de la pensée, qui deviennent "un" non pas après mais avant le multiple ; une unité qui nie la diversité.

La grave erreur de Babel fut de penser que le salut consistait à bâtir de hautes murailles, à donner vie à une communauté cum-moenia (murs communs) au lieu de cum-munus (dons-devoirs réciproques). Notre histoire a toujours été une alternance et un entrecroisement de cité-murs et de cités-dons, mais la civilisation a vécu des jours sombres quand les murs ont tué les dons.

Dieu intervient alors pour sauver les habitants de Babel d’un pseudo salut. Babel aussi est une histoire de salut : JHWJ continue, obstinément, de sauver une humanité qui, obstinément, continue de chercher son salut en se trompant de modes et de lieux.

Avec l’arche le salut fut une construction ; avec Babel le salut fut une destruction, une dispersion. La première dispersion salutaire advient dans les familles, qui ‘sauvent’ leurs fils en les aidant à "se disperser" dans le monde, à prendre leur envol, sans les "consumer" en rapports "incestueux". Beaucoup d’entreprises s’en sortent parce qu’elles savent s’arrêter face à la tentation de l’empire, ne se retranchent pas en temps de crise, mais se remettent en route et se risquent dans l’exploration de territoires inconnus. De nombreuses communautés (et beaucoup d’entreprises) trouvent le salut quand leurs dirigeants évitent de s’entourer de semblables (même langue et mêmes mots), d’expulser ceux qui parlent d’autres langues ; quand ils comprennent à temps qu’ils doivent cesser de croître en "hauteur" et en puissance, et ont la sagesse et le courage d’éparpiller des morceaux d’empire, pour recommencer, libres et bénis, à marcher vers une terre. Le grand message du mythe de Babel est donc une invitation à ne pas tomber dans les pièges du communautarisme (pathologie de la communauté), retranchés dans des murs fermés à toute diversité.

Sont abondamment bénis le peuplement de nouveaux mondes, la variété et la biodiversité des langues, des cultures, des talents, des vocations. La corolle de la fleur est féconde par la dispersion de ses spores. La tentation de Babel survient quand on sort des déluges ou quand on en craint d’autres. Au lieu de se disperser, de sortir, de regarder avec espoir devant et autour de soi, au lieu s’allier avec des ‘différents de soi’ pour des échanges et rencontres à mutuel avantage, on quitte la tente et l’on construit la tour. Mais de telles tours ne font pas naître d’enfants. C’est la tente, la bonne maison de l’humain. Aujourd’hui en Europe, dans l’après (ou l’avant ?) déluge, la tentation de Babel revient. Il nous faut espérer encore dans le salut d’une dispersion. Dans la vallée de Babel les hommes ne comprirent pas que le "ciel" à atteindre n’était pas là-haut mais devant eux, sur les routes du multiple. Ils ne comprirent pas qu’une pauvre tente nomade est plus forte qu’une tour haute comme le ciel.

Hors de l’Eden, dans le jardin de l’histoire, une seule langue est insuffisante pour des paroles de vie. On ne répond pas au besoin d’unité ni à la saudade de la ‘maison’ en refusant les dispersions dans le multiple, mais en les rencontrant, en les accueillant. La nouvelle langue de l’Adam ne se trouve pas en revenant en arrière ou en bloquant l’histoire dans des tours de semblables, mais en suivant une voix, un arc-en-ciel, une étoile, un juif errant.

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L’arbre de vie – Dispersés et sauvés hors de la Tour des empires

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 30/03/2014

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Pas de ciel au-dessus de Babel

L’arbre de vie – Dispersés et sauvés hors de la Tour des empires Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 30/03/2014 "De très nombreuses années furent consacrées à la construction de la tour, qui devint si haute qu’il fallait une année entière pour monter au sommet. Aux yeux des constructeurs une bri...
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L’arbre de vie – Là où est l’arche du juste, le mal est défait

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 23/03/2014

Logo Albero della vitaDans l’arche trouvèrent aussi refuge deux personnages d’un genre très spécial. Parmi ceux qui demandèrent refuge à Noé se présenta la Tromperie, mais elle fut repoussée parce qu’elle n’avait pas de compagnon : dans l’arche, en effet, les animaux ne pouvaient entrer qu’en couple. Elle se mit donc en quête d’un consort et rencontra le Malheur, qui s’unit à elle à condition de s’approprier ce qu’elle aurait gagné. Ils furent donc tous deux admis dans l’arche. Quand ils la quittèrent, la tromperie s’aperçut  que tout ce qu’elle réussissait à grappiller disparaissait aussitôt, et en demanda l’explication à son compagnon. Celui-ci lui répondit : "N’avons-nous pas convenu que tout gain de ta part deviendrait mien ?". Ainsi la tromperie resta-t-elle à mains nues. (Midrash aux Psaumes, dans Les Légendes des Juifs).

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La première grande œuvre, la première entreprise que nous raconte la Genèse, n’est pas la tour de Babel, mais une grande arche de salut et d’alliance construite par un « homme juste » (6, 9). C’est dans la justice de Noé que s’enracinent la dignité et la valeur civile et éthique de toute technique, de toute économie et de toute construction humaine.

L’histoire de Noé, dont le nom signifie "repos", héritier de Seth (le nouvel Abel), est parmi les plus belles, populaires et longues histoires du livre de la Genèse (des chapitres 5 à 10). Sa figure apparaît quand l’humanité, désormais hors de l’Eden, s’est éloignée de la vocation première de l’Adam, quand les fils de Caïn et de Lamek l’ont emporté sur ceux de Seth. Dieu (YHWH) « vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal » (6, 5). Et « YHWH se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre, et il fut affligé dans son cœur » (6, 6).

Dieu fait alors venir le « déluge » (6, 17). Conjointement aux êtres humains, mystérieusement, sont aussi détruits les animaux et les plantes, réunis au triste sort des hommes, comme si le Créateur, face à la corruption humaine, ne peut plus "voir" sa création belle et bonne, comme si la terre ne peut plus être "belle et bonne" depuis que cette chose "très belle et très bonne" qu’est l’Adam se corrompt, s’égare, perd sa vocation. Donc la création aussi meurt, pour renaître dans l’espérance et l’attente d’un nouvel Adam encore digne de la cultiver et de s’en occuper dans le respect de la réciprocité. Dans l’arche de l’Alliance (‘l’arche’ (teba) sera aussi le "panier" dans lequel Moïse fut sauvé : là encore alliance et salut des "eaux"), Noé reçoit l’ordre de faire entrer un couple de chaque espèce d’animaux, d’oiseaux, de reptiles, outre lui-même, sa femme, ses trois fils et leurs épouses : le salut de l’arche est aussi pour ses constructeurs.

Il est beau et important que le corbeau puis la colombe – qui se pose docile sur le bras de Noé – soient les premiers alliés de l’être humain dans la nouvelle terre, où l’alliance est établie avec la famille et la descendance de Noé, mais aussi « avec tout être vivant qui est avec vous : le bétail, les oiseaux et toutes les bêtes sauvages qui sont avec vous » (9, 10). Dans un contexte de perversion et de corruption, la mort n’a pas la dernière parole : un juste occupe le centre de la scène, le seul juste resté sur la terre (7, 1). Et c’est avec ce juste que Dieu stipule un pacte, une « Alliance » (6, 18), une parole qui avec Noé entre dans le monde et n’en sortira plus.

Avec l’histoire de Noé nous avons la première grammaire de toute vocation authentique : une personne reçoit un appel ; puis vient une réponse ; puis une arche ; et enfin un non-héros. Cet appel est adressé à un "tu", à un nom. Ce "tu" est un juste ; et donc il répond. Quand arrive l’appel, surtout l’appel décisif de la vie, le juste répond, en tout contexte et à tout âge : à 20, 50, et même 80 ans, jusqu’à 600 ans (les "années" de Noé : 7, 6). Noé ne répond pas en parole ; il ne parle pas avec Dieu, mais « il marchait » avec lui (6, 9). Les justes marchent, tout simplement : ils ne parlent pas, mais ils font, aiment, donnent la vie, et leur parole devient leur œuvre ; "ils parlent" en construisant une arche de salut. La vocation n’est pas une question de psychologie ; il ne s’agit pas de ressentir mais d’être, de construire pour le salut.

Le premier signe que Noé est juste est sa réponse à l’appel. Le second, le signe décisif, c’est la construction d’une arche, qui confère contenu et vérité à cet appel personnel. On doit toujours s’interroger sur l’authenticité d’une vocation qui ne ressent pas aussi l’appel à construire une arche : sans un devoir de "construction", une vocation se réduit à une simple expérience de "consommation", qui ne sauve personne, pas même l’appelé. Derrière "des appels sans arche de salut" s’est toujours cachée beaucoup d’auto-induction en erreur, et même de névroses. C’est par ceux et celles qui répondent à l’appel du salut que les communautés humaines, les entreprises et le monde se sortent chaque jour de situations dégradantes, corrompues et de crises radicales. Par une seule personne même, car une seule suffit pour une histoire de salut. Le salut de beaucoup vient de celui qui entend l’appel à se sauver lui-même et à sauver, et qui surtout construit une arche. Il crée une œuvre d’art, fait naître une coopérative, une entreprise, un syndicat, une association, un mouvement politique. Il forme et veille sur une famille, un fils, un métier ; il sait porter au long des jours une croix féconde.

Dans toutes les histoires de salut individuel et collectif on trouve un "juste" et une "arche". Un des spectacles spirituels, moraux et esthétiques les plus fascinants sur terre est la présence de personnes qui ont reçu une vocation et d’œuvres qui en sont nées (en apparence parfois "muettes"). La terre est pleine de gens qui construisent "des arches" pour sauver leur génération. Ces œuvres, ces arches, se distinguent clairement des autres œuvres, grandes et petites, qui peuplent elles aussi la terre et l’économie.

La conclusion du récit de Noé nous dévoile un signe distinctif des arches de salut. Ayant accompli sa mission, Noé redevient un homme comme les autres. À la différence de Gilgamesh et des protagonistes de nombreux récits sumériens et akkadiens du déluge, Noé n’est pas un héros, ni un demi-dieu : il est simplement un homme comme les autres, mais un homme juste. Après l’achèvement de son œuvre, la Genève nous le montre en paysan qui plante sur terre la première vigne, s’enivre de son vin (ambivalence du vin et de la vie), se dévêt dans sa tente (9, 20-21) et fait la risée de Cam, un de ses fils (9, 22). Le voilà paradigme de tous les porteurs de charismes authentiques, de qui construit une arche et ne se prend pas pour un héros, mais pour un "crayon" (Mère Theresa), et qui comprend quand finit sa mission.

Tôt ou tard, au cours de leur vie, de nombreux justes perçoivent l’appel à construire une arche de salut, pour eux-mêmes et pour beaucoup. Cet appel se manifeste sous des formes diverses, mais si la vie croit et murit dans la justice, arrive un jour le moment crucial où le "juste" comprend que, sans construire une arche, il ne peut sauver son peuple ni se sauver lui-même. Dans d’autres cas, non moins significatifs, quelqu’un devient juste parce qu’en un moment capital de sa vie il perçoit la voix d’un appel, y répond, construit une arche et cela devient son salut (puis celui de beaucoup). C’est l’arche que construit Noé. D’autres cherchent une arche pour se sauver et en sauver d’autres, mais sans entendre ou reconnaître la voix d’un appel. Interpelé par la souffrance du monde, on commence une œuvre, mais sans en bien comprendre le sens.  On travaille, attendant qu’une voix se fasse entendre. Cette voix-sens peut arriver pendant la construction, mais il se peut qu’on continue de travailler en l’attendant toute la vie. L’arche est alors cette voix et cet appel, et ce Noé "sans voix" n’en est pas moins juste. Il peut exister, et il y a, des arches sans appel, mais pas d’appel sans arche.

Un horizon cosmique conclut l’histoire de Noé, une fête de la terre : « J'ai mis mon arc dans la nue, et il deviendra signe d'alliance entre moi et la terre » (9, 13). Chaque fois qu’un juste construit une arche, la première alliance se renouvelle. Nous nous sauvons encore et avec nous le monde. Noé le juste continue de vivre au milieu de nous, la terre entière est en fête ; avec en don un nouvel arc-en-ciel.

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L’arbre de vie – Là où est l’arche du juste, le mal est défait

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 23/03/2014

Logo Albero della vitaDans l’arche trouvèrent aussi refuge deux personnages d’un genre très spécial. Parmi ceux qui demandèrent refuge à Noé se présenta la Tromperie, mais elle fut repoussée parce qu’elle n’avait pas de compagnon : dans l’arche, en effet, les animaux ne pouvaient entrer qu’en couple. Elle se mit donc en quête d’un consort et rencontra le Malheur, qui s’unit à elle à condition de s’approprier ce qu’elle aurait gagné. Ils furent donc tous deux admis dans l’arche. Quand ils la quittèrent, la tromperie s’aperçut  que tout ce qu’elle réussissait à grappiller disparaissait aussitôt, et en demanda l’explication à son compagnon. Celui-ci lui répondit : "N’avons-nous pas convenu que tout gain de ta part deviendrait mien ?". Ainsi la tromperie resta-t-elle à mains nues. (Midrash aux Psaumes, dans Les Légendes des Juifs).

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Et Noé reconstruisit l'arc-en-ciel

L’arbre de vie – Là où est l’arche du juste, le mal est défait Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 23/03/2014 Dans l’arche trouvèrent aussi refuge deux personnages d’un genre très spécial. Parmi ceux qui demandèrent refuge à Noé se présenta la Tromperie, mais elle fut repoussée parce qu’elle n’a...
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L’arbre de vie – La question au cœur de l’histoire : "Où est ton frère ?"

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 16/03/2014

Logo Albero della vita"Tu es toujours celui des pierres et des frondes, homme de mon temps. Tu étais dans la carlingue avec tes mâles ailes, tes méridiens de mort. Je t’ai vu, menant le char de feu aux potences, à la roue de torture. Je t’ai vu : c’était toi, avec ta science exacte vouée au massacre, sans amour, sans le Christ. Tu as tué encore, comme toujours, ainsi que tes aïeux, de même que les bêtes lorsqu’elles t’aperçurent. Et le sang a la même odeur que le jour où le frère dit à son frère: « Allons vers les champs » (Salvatore Quasimodo).

Si le premier homicide de l’histoire a été un fratricide, alors tout homicide est un fratricide. Mais Elohim n’abandonne pas l’Adam, il le revêt de peaux (3, 21). L’humain ne part pas seul : c’est une famille qui quitte l’Eden, le premier voyage humain dans les douleurs de l’histoire n’est pas qu’un voyage : c’est un chemin parcouru ensemble.

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Outre le don des peaux, le grand don qu’est le fait de voyager ensemble permet d’affronter la nuit du temps et les temps de la nuit. Pouvoir traverser ensemble, ‘les yeux dans les yeux’, l’heure du malheur ou de l’erreur : voilà le quignon de pain et la gorgée d’eau qui nous sauvent de la mort au désert, même celui de la crise du travail, de l’entreprise et donc de la vie.

La désobéissance n’efface pas la bénédiction sur la création et sur l’Adam. Au couple humain est donné un fils, Caïn. Même Caïn est un don ; un futur homicide reste un fils. Le second est Abel. Tous deux sont travailleurs, pasteur Abel, cultivateur Caïn, ce récit pouvant être l’écho du conflit entre les derniers nomades et les premiers agriculteurs, vaincu par les sédentaires. Tous deux font des offrandes à Dieu et pour des raisons pour une part encore mystérieuses, Dieu n’agréa pas les dons de Caïn. Celui-ci souffrit de ce manque de reconnaissance ("son visage s’assombrit", 4, 5), lui le premier né, et ne put dominer sa souffrance-envie-colère. Il invite Abel à se rendre aux champs et là il le tue. C’est le grand tournant, le grand silence de la création.

La grammaire de l’entrelacement des dons, obligations et attentes de réciprocité, prétentions…  est essentielle dans tout discours sur la vie humaine. La mort est une réponse "horizontale"  à une frustration mûrie dans une relation "verticale". Dieu désapprouve les dons de Caïn mais ce n’est pas contre lui que Caïn se rebelle (comme dans les mythes grecs) : sa violence se déchaîne contre un frère innocent. Nous ‘souffrons’ tous d’un besoin vital de reconnaissance, d’estime, de gratitude ; mais c’est jour après jour que l’on acquiert la douceur, en contrepoison de la méchanceté envers les pairs (des frères aux collègues de travail) qui nous semblent être injustement préférés. Le "délit" de fratricide nous accompagne tant que nous échouons dans cet exercice.

La mort entre dans le monde par la main d’un frère. Et quand Caïn rentre seul des champs il s’entend demander : "Où est ton frère ?". Depuis ce jour cette question fait partie de l’histoire, et restera toujours la question radicale de toute éthique et de toute responsabilité. Caïn n’avait pas été gardien et n’avait donc pas été responsable (n’avait-il pas répondu : "Je ne sais pas ; suis-je le gardien de mon frère?"). Alors ce chapitre ne nous parle pas seulement du premier fratricide : en contrechamp s’y révèle aussi la première loi de toute fraternité.

Caïn continue de parler avec Dieu, de dialoguer avec lui, même après le fratricide. Même fratricide, on reste l’Adam.  La dernière parole de Caïn est un appel à l’aide pour ne pas mourir : "Tu me chasses de cette terre… quiconque me trouvera me tuera". Yahweh dit : " non " et il mit un signe sur Caïn, "afin que quiconque le rencontrerait ne le tuât pas" (4, 14). Nous ne savons pas ce qu’était ce signe, ce symbole. C’était en tout cas un signe de vie. Même un homicide reste ce qu’il est : image d’Adam, d’Elohim, de qui l’a crée et engendré. Que de fois les mères de fils devenus assassins ont serré sur leur cœur une vieille photo de leur fils enfant, image ancienne mais vivante, pour qu’en leur sein il ne meure pas ! Un assassin reste un fils. Il doit donc vivre.

Au contraire au cours de l’histoire le signe de Caïn n’a pas été respecté. On a continué à tuer, à mettre en pratique le code de vengeance de Lamek.  Le commandement de ne pas tuer s’adresse alors aux fils de Caïn, mais aussi à qui voudrait venger Abel. Seul le signe de Caïn peut briser la logique du "Talion" et mettre en crise la justice des équivalences et des vengeances : une vie sacrifiée ne se rétablit pas par une autre mort mais par une autre vie. Le chapitre se clôt en effet par un hymne à la vie, par un autre enfant, Set. "Dieu – s’exclame Ève – m’a donné un autre fils à la place d’Abel que Caïn a tué" (4, 25). Et comme une lignée descendra de Caïn, ainsi de Set aussi, le nouvel Abel, viendra une lignée, qui s’entrecroisera pour toujours avec celle de Caïn. De Caïn descendra Lamek, le premier bigame et tueur d’enfants, mais de Set descendra Noé le juste.

Nous sommes héritiers de Caïn mais aussi fils et héritiers de Set. Mais surtout nous sommes tous héritiers d’Abel. Le premier frère assassiné est encore vivant. Telle est la force de l’Écriture. Chaque fois que nous le rencontrons, l’incarnons, le revivons, ce chapitre 4 nous fait ressentir la tentation de Caïn. Mais plus fort, en nous et dans le monde, Abel revit vraiment. La force éternelle de la parole le ressuscite mille fois.

Abel est encore vivant dans les victimes de l’histoire ; il revit chaque fois qu’on tue un innocent, un doux, un non-violent. Il meurt encore et nous continuons à éprouver la souffrance innocente de cette mort. Mais Abel revit chaque fois que nous choisissons la douceur face à la violence, qu’elle soit notre ou d’autrui,  et quand nous préférons succomber en justes plutôt que de finir assassins : "Même si tu lèves la main pour me tuer, moi je ne lèverai pas la mienne pour te tuer". Telles sont les paroles que, dans la version coranique du récit, Abel adresse à Caïn quand il comprend qu’il va le frapper (Sura 5, 28).

La terre est pleine des ‘lieux d’Abel’. Leur rachat et leur diminution mesurent le progrès humain et spirituel de toute civilisation et du monde dans son ensemble. Demandons-nous : pendant les deux millénaires et demi qui nous séparent de ce chapitre 4 de la Genèse, les ‘lieux d’Abel’ ont-ils augmenté ou diminué ? Ce calcul n’est pas simple. Quelques-uns ont été éliminés, mais d’autres sont nés : les trottoirs et les hôtels cinq étoiles où perdure la "traite des esclaves", les salles de jeux et les vidéos-loteries, de nombreux centres de premier ‘accueil’ des immigrés, la cellule où finit prisonnier qui n’est que victime en fin de compte, les nombreux camps de réfugiés et d’emprisonnement des guerres oubliées, les usines mortifères où des enfants travaillent pour ne pas mourir, des maisons pour vieillards où tristes et seuls ils attendent la mort.

Efforçons-nous davantage de regarder le monde en nous mettant du côté des victimes, du point de vue d’Abel et de ses lieux. Visitons-les, aimons-les, et nous verrons les choses bien autrement que ne les voient Caïn et ses lieux innombrables. Nous verrons par exemple qu’il n’est pas vrai que Caïn est vainqueur, et que les vainqueurs sont toujours les violents et les assassins. Il y a la victoire de Caïn, mais aussi le triomphe d’Abel le non-fratricide. L’histoire parle de violents qui tuent et de doux qui succombent, mais le sang l’Abel est la semence féconde qui fait naître les nombreux Noé sauveurs du monde, aujourd’hui encore. Dans ce monde sauvé et peuplé des fils de Set, vivent aussi les fils de Caïn, qui continuent de frapper Abel et de recevoir le ‘signe’ pour ne pas mourir.

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L’arbre de vie – La question au cœur de l’histoire : "Où est ton frère ?"

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 16/03/2014

Logo Albero della vita"Tu es toujours celui des pierres et des frondes, homme de mon temps. Tu étais dans la carlingue avec tes mâles ailes, tes méridiens de mort. Je t’ai vu, menant le char de feu aux potences, à la roue de torture. Je t’ai vu : c’était toi, avec ta science exacte vouée au massacre, sans amour, sans le Christ. Tu as tué encore, comme toujours, ainsi que tes aïeux, de même que les bêtes lorsqu’elles t’aperçurent. Et le sang a la même odeur que le jour où le frère dit à son frère: « Allons vers les champs » (Salvatore Quasimodo).

Si le premier homicide de l’histoire a été un fratricide, alors tout homicide est un fratricide. Mais Elohim n’abandonne pas l’Adam, il le revêt de peaux (3, 21). L’humain ne part pas seul : c’est une famille qui quitte l’Eden, le premier voyage humain dans les douleurs de l’histoire n’est pas qu’un voyage : c’est un chemin parcouru ensemble.

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Nous sommes tous héritiers d’Abel

L’arbre de vie – La question au cœur de l’histoire : "Où est ton frère ?" Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 16/03/2014 "Tu es toujours celui des pierres et des frondes, homme de mon temps. Tu étais dans la carlingue avec tes mâles ailes, tes méridiens de mort. Je t’ai vu, menant le c...
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L’arbre de vie – Avec la perte de l’innocence commence le temps de l’éthique.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 09/03/2014

Logo Albero della vita"Le jasmin de la maison s’est complètement fané sous la pluie et les tempêtes des derniers jours ; ses fleurs blanches sont disséminées sur les flaques sombres et boueuses et sur le petit toit du garage. Mais quelque part en moi il continue à fleurir librement, exubérant et tendre comme toujours" (Etty Hillesum)

La symphonie de la vie, centrée sur l’être humain et ses relations de réciprocité, s’interrompt brusquement quand surgit la douleur et puis la mort. Dans le chapitre 3 de la Genèse comme dans les chapitres de nos vies.

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Les codes symboliques de la narration, déjà nombreux, deviennent ici très riches et puissants,  en partie empruntés et mêlés à des mythes médio-orientaux plus antiques. Nous avons perdu à jamais beaucoup de ces symboles, trop "anciens" ; d’autres, nous les avons ajoutés au cours des siècles, en plâtrant d’idéologie les traits et les premières couleurs des fresques d’origine. Ces grands textes nous parlent encore "dans la brise du matin" si, comme leurs protagonistes, nous nous mettons à nu devant leur essentialité et nous laissons interroger : "Adam, où es-tu ?".

Le premier coup de théâtre est l’entrée en scène du serpent et sa parole à la femme. Ils parlent des fruits de "l’arbre de la connaissance du bien et du mal". Ces fruits – avait dit Elohim à Adam - "tu n’en mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement" (2, 17). Nous nous trouvons en réalité non pas devant un interdit mais un avertissement, une promesse : l’homme doit se garder d’en manger sinon il mourra. Le serpent réfute cette première promesse, et en formule une autre très différente : "Vous n’en mourrez pas du tout. Au contraire Elohim sait que le jour où vous en mangerez vos yeux s’ouvriront, vous deviendrez comme Elohim, connaissant le bien et le mal" (3, 4-5). Le serpent achève ici son dialogue. Mais ses paroles ont été efficaces : la femme se fie à sa promesse, regarde l’arbre différemment, et ses fruits lui apparaissent bons, beaux et désirables ; elle en mange et en offre à l’homme. Aucun des deux ne meurt, leurs yeux s’ouvrent et ils se voient nus, honteux de leur nudité. À première vue le texte semble donner tort à la promesse de Dieu ("vous mourrez") et raison à celle du serpent ("leurs yeux s’ouvrirent").

Le serpent est aussitôt appelé le "plus rusé" des animaux de la création (3, 1). Il faisait partie lui aussi de cette création belle et bonne, et Adam connaissait son intelligence puisqu’il lui avait donné son nom. Tous les usages que l’on fait de l’intelligence ne sont pas en faveur de la vie et du bien. Nous sommes entourés de gens qui emploient les grands dons de l’intelligence pour détruire, détourner le fisc, séduire et exploiter les faibles, escroquer, perfectionner les machines à sous et les mines antipersonnel. La terre est pleine de cette intelligence dévoyée. L’intelligence du serpent côtoie la bonne intelligence de la vie. Elle se manifeste comme un discours, un logos : le serpent séduit et convainc par la parole, en dévoyant cette parole qui avait créé le monde, l’homme, la femme, le serpent. Telle est la force de la parole : elle peut créer mais aussi détruire. La Parole qui crée est cependant plus forte et plus profonde que celle qui détruit.

L’histoire abonde en paroles créatrices, mais aussi en paroles qui par leur seule force ont détruit des vies, des réputations, entreprises, mariages et provoqué des suicides. Savoir distinguer les ruses du serpent des bonnes intelligences de la vie est un art fondamental et difficile ; mais l’arbre de notre vie fleurit si nous sommes dans les conditions sociales, éthiques et spirituelles nécessaires pour apprendre et perfectionner cet art. L’histoire des personnes et des institutions est traversée de rencontres décisives avec ces diverses formes d’intelligence. Nous avons tous vu des personnes "très bonnes et très belles" perdre le fil d’or de la vie, pour n’avoir pas su démasquer la ruse du serpent sous les promesses de grands gains et de prêts faciles, ou pour avoir suivi des logiques séduisantes fatales à la confiance sur laquelle leurs entreprises et leur vie étaient fondées.

Depuis "le jour" de la rencontre avec le serpent, la bonne intelligence de la vie et celle du serpent vivent côte à côte, entremêlées dans le cœur de chacun, même des meilleurs. On apprend à vivre en sachant reconnaître cette intelligence rusée dans nos raisonnements d’abord (sa lumière brouillée ne fait pas vivre mais mourir), puis dans ceux des autres ; et aussi en faisant très attention à ne pas commettre l’erreur, fréquente chez les responsables de communauté ou d’entreprise, de toujours la suspecter chez certains collaborateurs, qu’on n’écoute donc pas et qu’on exclut, alors qu’on ne voit chez d’autres que la bonne et sage intelligence. En fait l’entrelacement des deux intelligences réside en chacun et en tout. Mais n’oublions pas que l’intelligence de la vie est plus forte, vraie, tenace, et en fin de compte victorieuse.

Mais un autre coup de théâtre semble donner raison aux paroles du serpent : "Voilà qu’Adam est devenu comme l’un d’entre nous, sachant le bien et le mal" (3, 22). L’homme et la femme ont perdu à jamais l’innocence de l’Eden et l’enchantement de la première création ; mais le texte nous suggère qu’ils ont aussi, paradoxalement, gagné quelque chose d’important : ils sont entrés dans l’âge de l’éthique (la connaissance du bien et du mal) et de la responsabilité, et ils doivent maintenant répondre de leurs choix ("Adam, où es-tu ?")  (3, 9).

Mais il est alors possible de déduire de ce récit de la Genèse quelque chose d’important, de surprenant. Une fois hors de l’Eden, nous pouvons retrouver l’intégrité, l’harmonie, l’unité du paradis perdu, en habitant l’amour-souffrance des lieux fondamentaux de l’humain : "la souffrance de l’enfantement", "vers ton mari ton désir te portera, mais il dominera sur toi " (3, 16), "c’est à la sueur de ton front que tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que retournes à la terre, parce que c’est d’elle que tu as été tiré " (3, 17-19). Du premier Eden nous sommes "sortis" pour toujours, mais Adam n’est pas mort ; Elohim lui a donné une seconde chance : l’histoire. Alors la vocation de l’humanité n’est pas de retourner en arrière à un premier Eden qui n’existe plus, en cherchant une pureté et une innocence loin des lieux trop humains de la souffrance que sont l’enfantement, les relations entre pairs, le travail, la mort. C’est justement en aimant, grâce à la bonne intelligence de la vie, ces splendides et douloureuses réalités humaines, qu’on peut retrouver l’harmonie première du jardin. Sinon l’histoire serait duperie, et le monde condamnation. Au contraire, l’histoire est marche vers la maison, et chacun porte avec soi en ‘dot’ le patrimoine de souffrance et d’amour construit en chemin. Telle est la première grande dignité de l’amour humain, des familles, du travail, et aussi du retour d’Adam à l’Adamah.  À chacun - et à toute l’humanité – de chercher alors à atténuer la souffrance du monde.

C’est cela qui nous sauve : mettre au monde des enfants et les faire grandir, tomber amoureux, nous respecter mutuellement, travailler, et réapprendre à chaque génération à mourir – la notre doit encore le faire. La fatigue-amour des labeurs quotidiens nous a sauvés : les enfants, le travail, et le dernier grand pas. Voilà nos routes pour entrevoir le jardin d’une nouvelle terre : nouvelle Ève et nouvel Adam, dans la brise du jour.

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L’arbre de vie – Avec la perte de l’innocence commence le temps de l’éthique.

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 09/03/2014

Logo Albero della vita"Le jasmin de la maison s’est complètement fané sous la pluie et les tempêtes des derniers jours ; ses fleurs blanches sont disséminées sur les flaques sombres et boueuses et sur le petit toit du garage. Mais quelque part en moi il continue à fleurir librement, exubérant et tendre comme toujours" (Etty Hillesum)

La symphonie de la vie, centrée sur l’être humain et ses relations de réciprocité, s’interrompt brusquement quand surgit la douleur et puis la mort. Dans le chapitre 3 de la Genèse comme dans les chapitres de nos vies.

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Pour aller chez soi, habiter l'humain

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L’arbre de vie – Et Dieu dit : il n’est pas bon que l’homme soit seul

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 02/03/2014

Logo Albero della vita"La mort viendra et elle aura tes yeux"
(Cesare Pavese)

"Il n’est pas bon que l’homme soit seul". La création s’accomplit quand cette ‘chose très belle et très bonne’, Adam, se révèle une réalité plurielle, devient personne. C’est un rythme passionnant et très riche qui, dans le second chapitre de la Genèse, va d’Adam (l’être humain) à l’homme et la femme.

D’abord Adam  est placé dans le jardin d’Eden, il en prend soin et le cultive : il travaille donc. Deux arbres ont un nom : ‘l’arbre de la vie’ et ‘l’arbre de la connaissance du bien et du mal’.

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 Les fruits de l’arbre de la vie et des autres arbres peuvent être mangés par Adam, mais pas ceux du second arbre. Et à ce point Elohim s’exclame : "il n’est pas bon qu’Adam soit seul". Et puis : "je vais lui faire une aide qui lui soit semblable" (2 : 18). Pour la première fois, dans une création encore toute bonne et belle, nous nous trouvons devant un "il n’est pas bon", qui concerne la solitude, une carence relationnelle. Commence alors un des passages les plus suggestifs et féconds de la Genèse. Devant Adam passent en revue les animaux des champs et les oiseaux du ciel. Adam leur donne un nom, entre donc en rapport avec eux, les connaît et en découvre la nature et le mystère ; mais au terme de cette procession de la création non-humaine, Adam n’est pas satisfait : il n’a trouvé aucune créature qui soit à son côté comme un ‘pair’.

Le récit prend alors un virage et pousse le lecteur sur un autre plan : à entrer dans une dimension nouvelle de l’humanité. Entre en scène l’ezer kenegdo, une expression hébraïque qui, en parlant du regard et des yeux, peut se traduire ainsi : ‘quelqu’un avec qui on peut croiser les yeux d’égal à égal’ ; un vis-à-vis qui est devant soi, au même niveau, ‘yeux dans les yeux’. C’est la première rencontre humaine. Les premiers yeux qui virent d’autres yeux, à la fois égaux et différents : "Cette fois oui, c’est ça !" (2 : 23). Et c’est aussi le commencement de l’homme et de la femme : auparavant il n’y avait qu’Adam, le terrestre (adamah, c’est la terre).

L’histoire ne commence pas avec le péché, mais avec des yeux qui se croisent entre égaux. L’ezer kenegdo, c’est la femme, ishàh,  qui se trouve en face de ish (l’homme), comme ish est en face de ishàh. Or "le terme ‘homme’ [ish] a, en plus de ‘femme’ [ishàh], la lettre ‘yod’, tandis que ‘femme’ a, en plus de ‘homme’, la lettre ‘he’. Si nous unissons ces deux lettres qui distinguent les deux noms, nous obtenons יה  c'est-à-dire Yah, qui est la forme brève du tétragramme sacré du nom de Dieu" (Franco Galeone). La vraie nature humaine est donc relationnelle, contenue et déployée dans cette relation mâle-femelle (1 :27) fondatrice et génératrice des autres.

L’Eden et ses arbres et ses fruits ne suffisent pas au bonheur d’Adam, pas plus que les animaux qui, n’étant pas ses égaux, ne peuvent combler sa solitude (pourtant aujourd’hui, une certaine culture aux chiffres d’affaires impressionnants nous les présente en parfaits substituts aux yeux de l’autre). Ils ne peuvent que l’accompagner, de cette  compagnie quelquefois précieuse qui aide à vivre, d’autant meilleure qu’elle s’insère dans les relations humaines. Pour son plaisir Adam peut se suffire à lui-même, mais ish/ishàh est indispensable au bonheur, et sont surtout nécessaires ces yeux particuliers qui nous accueillent à la naissance, les derniers que nous verrons sur cette terre, ceux qui fermeront les nôtres, et ceux que nous voudrions revoir en premier ‘en les rouvrant’.

Mais il nous faut l’entraînement de toute la vie  pour que les yeux que nous cherchons soient ceux de l’autre, et non le reflet des nôtres dans ses pupilles. Ce n’est que dans la vraie rencontre et reconnaissance de l’autre, de ce qui est vraiment sien, que son regard peut nous redonner le meilleur de nous-mêmes. Une des plus graves formes de misère et de privation est ce manque de quelqu’un qui nous regarde ainsi, qui nous reconnaît et nous révèle à nous-mêmes ; ce manque est fréquent là où abondent richesse et pouvoir, là où sont rares les regards aimants entre égaux.

Cette description de ‘homme et femme’ surprend par sa hauteur de vue infiniment au dessus de son temps. L’auteur sacré ne voyait autour et derrière lui que soumission et infériorité de la femme ; mais l’inspiration a élevé son chant sur la réciprocité homme-femme. Chant d’amour mais aussi jugement critique sur le monde d’hier et d’aujourd’hui, fruit de désordre, déviation, décadence.  Mais au commencement il y avait l’ezer kenegdo. L’histoire humaine en dehors de l’Eden a été non seulement la négation d’Adam par Caïn, mais aussi l’infidélité à la réciprocité primordiale de l’ezer kenegdo de la part de tant de ‘Adam’ qui ont profané la parité morale, l’égal respect, la liberté, la dignité des femmes.

Cependant les hommes et les femmes ont collaboré. La femme a toujours été la première aide de l’homme, et vice-versa. Mais sur les places et dans nos maisons les regards ne se sont pas croisés entre égaux. Les disparités ont été trop fortes – et le sont encore en trop de lieux – en ce qui concerne le travail, l’éducation, les droits, les institutions, et bien souvent le bonheur. N’oublions pas, toutefois, que même dans les sociétés les plus masculines, il y a toujours eu, ici et là, un homme et une femme dont les regards se sont croisés d’égal à égal. Beaucoup de filles ont trouvé le salut en voyant passer, parfois, entre les yeux de leurs parents ce regard originel de l’Eden. Elles continuent de le voir, de le chercher, de lutter pour le faire devenir culture, politique, droit.

La question de la relation ish-ishàh est au cœur de toute civilisation, de la notre aussi. Quelques bonnes réponses commencent à venir, mais les trompe l’œil continuent, comme cette pratique courante dans les grandes entreprises de simuler la parité en dignité en "concédant" à quelques femmes des fonctions de commandement dans des organisations où culture, langage, tests de sélection, primes et règles du jeu ont été entièrement formulés par des ish sans ishàh.  Un énorme travail nous attend, passionnant et capital : repenser à la lumière de la réciprocité ish-ishàh non seulement le langage, mais aussi les systèmes pénal, éducatif, politique, financier et de recouvrement des impôts. À défaut de cette réciprocité fondamentale, les femmes souffrent beaucoup, mais aussi les hommes, parce que le bonheur de tous est dans la réciprocité entre pairs. En perdant le regard de l’autre entre égaux, nous perdons le sens de la limite, nous nous égarons, devenons patrons ou sujets, ne comprenons plus qui nous sommes, et s’ensuivent mille désordres moraux et spirituels.

Que de demandes et de défis l’humanisme de l’ezer kenedo adresse à notre économie et à notre société ! Pensons au travail : Adam gardait et cultivait le jardin même au temps de la solitude. On peut travailler seul. Mais le travail ensemble entre égaux, hommes et femmes, est la plus pleine expérience humaine, lieu d’excellence éthique. Les fruits du travail, fussent-ils salaires de millionnaires, ne sont pas vrai bonheur sans le partage à la maison,’ les yeux dans les yeux’ ; tout au plus procurent-ils confort et plaisir. Les yeux de qui nous aimons multiplient nos salaires, rendent supportable le joug du chômage, alors que leur absence appauvrit les meilleurs salaires.

" Il n’est pas bon que l’homme soit seul " est donc une parole adressée à notre travail. Nous avons travaillé et travaillons dans les usines, les champs, les mines et nous sommes restés humains du fait de l’avoir fait ensemble, côte à côte, yeux dans les yeux entre pairs, même dans les pleurs ou la colère. La culture du travail et ses nouvelles formes d’organisation risquent de nous ramener au temps d’Adam le solitaire, en raison des nouvelles technologies (sans yeux à regarder ni corps à toucher), mais avant tout d’une vision anthropologique qui, pour augmenter le bien-être et réduire les blessures, élimine les rencontres entre pairs ou les stérilise par des procédures. Ainsi recrée-t-on autour de l’individu-travailleur des Eden artificiels peuplés d’arbres et de serpents, mais sans joie de vivre.

Tout refus ou incapacité de croiser les regards entre pairs fait que nous nous contentons de regards plus bas, que nous attendons moins de nous-mêmes et des autres, et que les fruits de l’Arbre de la vie restent verts. "Ish" retourne triste dans l’Eden vide de regards humains, et l’on y entend résonner encore : "Il n’est pas bon que l’homme soit seul ".

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L’arbre de vie – Et Dieu dit : il n’est pas bon que l’homme soit seul

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 02/03/2014

Logo Albero della vita"La mort viendra et elle aura tes yeux"
(Cesare Pavese)

"Il n’est pas bon que l’homme soit seul". La création s’accomplit quand cette ‘chose très belle et très bonne’, Adam, se révèle une réalité plurielle, devient personne. C’est un rythme passionnant et très riche qui, dans le second chapitre de la Genèse, va d’Adam (l’être humain) à l’homme et la femme.

D’abord Adam  est placé dans le jardin d’Eden, il en prend soin et le cultive : il travaille donc. Deux arbres ont un nom : ‘l’arbre de la vie’ et ‘l’arbre de la connaissance du bien et du mal’.

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Parité : c’est ainsi que tout a commencé

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L’Arbre de vie – Les "imprudences" qui nous sauvent de Caïn

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 23/02/2014

Logo Albero della vita"J’ai confronté ses paroles antiques et mes vieilles demandes aux vicissitudes de l’histoire, de la culture, des coutumes. En somme je me suis servi de ma foi judéo-chrétienne comme clé de lecture, et cela a confirmé ma conviction que cette clé est aujourd’hui la seule possible". (Sergio Quinzio).

Au commencement il n’y a pas Caïn. Il y a une chose ‘bonne et belle’, qui le sixième jour, avec Adam, devint ‘très bonne et très belle’ (Genèse 1,31). La bénédiction couvre le monde créé. Le commencement (bereshit en hébreu) de la terre, des êtres vivants et de l’homme, est bonté et beauté, et cela nous dit quelle est la vocation plus profonde et plus belle de la terre, des vivants, de l’homme et de la femme.

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 Cela nous dit que la terre est vivante parce qu’elle habite un rapport d’amour et de réciprocité ; vivants sont les montagnes, les pierres, les fleuves, sinon ces autres êtres que nous appelons vivants seraient sous l’emprise de la mort, et le peu de vie qui resterait serait trop triste (elle ne peut qu’être triste pour qui ne sait plus voir). Le premier chapitre de la Genèse est un chant sublime à la vie et à la création, dont l’être humain, Adam, est le sommet. Et toutes ces créatures sont bonnes, très bonnes, belles et bénies par la surabondance de l’amour qui les a voulues.

Pourtant la réalité historique de l’époque de sa rédaction (6ème-5ème siècle avant J.C.) et de notre temps, était et est un spectacle de luttes, d’homicides, de mort. La grandeur de ce texte est donc d’abord sa capacité, stupéfiante à mes yeux, de ne pas laisser prévaloir le tableau quotidien des relations humaines tel que les auteurs sacrés le voyaient. Ils eurent au contraire la force et l’inspiration de faire parler d’abord l’harmonie, la bonté, la beauté, les bénédictions des créatures et de la plus belle et meilleure d’entre elles : Adam. Cette positivité anthropologique (et ontologique) ne se trouve pas dans les récits de la création du Proche Orient ou de l’Inde, contemporains ou antérieurs à celui de la Genèse, où le monde naît de violences, de luttes entre dieux, de décadences et dégénérescences. Au contraire la première parole de l’humanisme biblique sur l’homme est bonté-beauté (tov). Le mal peut être terrible et fou, mais, si grand et dévastateur soit-il, le bien est plus profond et plus fort que lui.

La plupart de ces premiers passages de la Genèse  furent écrits pendant l’exil à Babylone, ou quand sa mémoire était encore très vive et douloureuse. Les exils ne s’achèvent pas sans la foi et l’espérance que le bien est plus grand et profond que les maux actuels.

Dans cette chose bonne et belle il y avait déjà Caïn et Lamek, les frères qui vendirent Joseph, les habitants de Sodome, le veau d’or, les Benjamites de Gàbaa. Mais nous y étions aussi, avec les camps de concentration, les fosses, les goulags, les mille massacres d’innocents, les marchands de pauvres et de jeux de hasard, les guerres de religion, le 11 septembre, les jeunes tués à Kiev, et tous les maux et les exterminations que nous commettons et que probablement nous commettrons demain. Mais avant et avant tout, il y avait cette chose très belle et très bonne, "à peine le fis-tu moindre qu’un Dieu" (psaume 8) : il y avait une bénédiction, prononcée pour toujours, et que tous nos péchés ne peuvent effacer. Cette chose très belle et très bonne tombe malade et dégénère, mais aucune maladie de l’âme et du corps ne peut détruire cette beauté et cette bonté primordiales.  Il faut beaucoup de souffrance et d’amour agapè pour continuer à croire en ce bereshit, mais cette foi tenace et têtue est le seul moyen de nous guérir de ces maladies, de ne pas succomber au cynisme et au nihilisme toujours aux aguets dans nos civilisations, surtout en temps de crise et d’exil.

La vie ne meurt pas, ni la flamme en nous, tant que nous n’oublions pas qu’avant Caïn il y a Adam, même si l’histoire se fait voir du point de vue de Caïn et de ses descendants. Et s’il y est avant, il peut y être après, parce que l’obscurité du huitième jour ne peut assombrir l’aurore lumineuse du sixième – voilà le principal message et le grand acte d’amour issus de la Genèse et de l’Alliance. La véritable espérance ne se laisse pas convaincre que le premier chapitre de la Genèse n’est qu’un mythe consolateur, un paradis à jamais perdu, une théologie ‘fumée dans les yeux des peuples’, des fables du soir pour enfants, la première fiction.

Croire à cette première parole sur le monde et sur l’homme, c’est, au contraire, ne pas croire aux légions des cyniques, aux nombreux amis de Job qui veulent nous convaincre que la première et dernière parole sur l’homme est celle de Caïn. Sur ce pessimisme anthropologique radical nous avons construit des contrats sociaux léviathaniques, le droit pénal et les tribunaux, les impôts et leur recouvrement, les banques, le fonds monétaire, l’euthanasie pour les enfants.

Une économie qui partirait du primat d’Adam sur Caïn et Lamek prendrait au contraire pour fondement l’éthique des vertus, qui s’enracine dans le primat du bien sur le mal, et ne se laisserait pas coloniser par une sous espèce d’utilitarisme aux commandes. Elle considérerait les travailleurs comme des personnes capables d’abord de bien et de beau, et imagineraient des organisations où grandiraient les talents et la beauté, et pas seulement le cynisme et l’opportunisme de visions et théories qui ne font que multiplier les fils de Caïn. Elle mettrait en œuvre plus de récompenses (esprit de l’Adam) que de primes d’incitation (esprit de Caïn). L’homme réel est un mélange de Caïn et d’Adam, mais l’humanisme biblique nous dit le primat d’Adam. Si Caïn avait sur nous la première et dernière parole, aucun pardon et aucun recommencement ne seraient vrais.

Celui qui prend au sérieux cette première parole sur l’homme, ou la reçoit en don, parcourt les rues avec dans l’âme un autre regard. Il voit que le monde est plein de belles et bonnes choses. Il s’émerveille des couchers de soleil, des étoiles, des montagnes enneigées, mais sait aussi découvrir la bonté et la beauté chez ses collègues, ses voisins, le vieillard mourant, le malade en phase terminale, la foule des déformés par l’excès de misère ou de richesse, la grand-mère qui redevient l’enfant avec ses poupées, Dimitri ivre et puant dans le métro, Lucie qui ne s’est pas réveillée du coma, Caïn qui continue de nous frapper. Aucune forêt amazonienne, aucune cime alpine ne peut atteindre la beauté-bonté de Marie, clocharde à Roma Termini.

Quelques uns de ces ‘regards’ suffisent à nous faire renaître chaque matin, à nous relever de toute crise. C’est parce que ces regards ont existé et continuent d’exister que nous sommes encore vivants, et nous n’avons pas été ‘détruits’ parce qu’il y en a eu ‘au moins un’ dans notre ville. Des yeux qui nous ont regardés nous aussi peut-être sans que nous nous en soyons rendu compte, à commencer par ce premier regard de femme qui nous a accueillis à notre naissance. Les charismes sont surtout le don au monde de ces regards divers qui, en nous regardant et en prononçant notre nom, nous font devenir ce que vraiment nous sommes déjà. Par leur existence, ils sauvent Adam de la main fratricide de Caïn.

Ces regards maïeutiques (‘deviens ce que tu es’) ont existé et existent aussi dans les entreprises et les marchés. Je les ai rencontrés souvent : dans cet entrepreneur qui a redonné sa confiance à un salarié après une faute grave, ce travailleur qui a pardonné à un collègue sa tromperie, cette accolade entre associés après des années de profondes blessures mutuelles. On les rencontre aussi en temps d’exils et de crises, au prix d’imprudences de grande valeur. Regards imprudents par amour, jamais naïfs, toujours vrais et salutaires, capables de miracles quand ils croisent d’autres regards aux mêmes yeux. "Et il vit que c’était une chose très bonne et fort belle".

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L’Arbre de vie – Les "imprudences" qui nous sauvent de Caïn

Par Luigino Bruni

Paru dans Avvenire le 23/02/2014

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Au commencement il n’y a pas Caïn. Il y a une chose ‘bonne et belle’, qui le sixième jour, avec Adam, devint ‘très bonne et très belle’ (Genèse 1,31). La bénédiction couvre le monde créé. Le commencement (bereshit en hébreu) de la terre, des êtres vivants et de l’homme, est bonté et beauté, et cela nous dit quelle est la vocation plus profonde et plus belle de la terre, des vivants, de l’homme et de la femme.

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Regards en temps d’exil

L’Arbre de vie – Les "imprudences" qui nous sauvent de Caïn Par Luigino Bruni Paru dans Avvenire le 23/02/2014 "J’ai confronté ses paroles antiques et mes vieilles demandes aux vicissitudes de l’histoire, de la culture, des coutumes. En somme je me suis servi de ma foi judéo-chrétienne comme clé de ...
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Introduction – L’arbre de vie / 1

Par Luigino Bruni

Paru dansAvvenire le 16/02/2014

Logo Albero della vita"N’avez-vous pas entendu parler de ce dément qui dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au marché et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! » – Comme il y avait justement là beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, il déchaîna un énorme éclat de rire" (F. Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra).

Il y a des périodes de l’histoire où les peuples perçoivent que les vieilles choses sont passées, qu’un certain ‘monde’ s’achève ; on brûle alors d’un grand désir de nouveauté. La période que nous vivons en est une. Elle l’est certainement pour l’Europe, qui traverse une grande nuit culturelle, qui tôt ou tard passera, sans que nous en sachions ni le coût ni l’issue.

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Il nous faut commencer un’ voyage au bout de la nuit’. Nous ne l’entreprendrons qu’en espérant ensemble que cette nuit débouchera sur une aurore. La solitude, la tristesse, l’évitement réciproque, l’indifférence à l’égard des pauvres, ne peuvent être les dernières paroles de l’homme, ni celles de notre génération. Nous ne le voulons pas ; nous ne pouvons pas l’accepter.

Nous mettre en chemin, c’est ne pas attendre passivement le jour nouveau, mais avancer vers l’orient à la rencontre du lever du soleil, et anticiper sa venue. Cette marche est un travail, culturel aussi, et de la pensée, un travail douloureux : il va en effet à l’encontre du courant de pensée des inscrits sur le livre de paie de ceux qui, sur les solitudes, les tristesses et les évitements réciproques, se font d’abondants profits et toujours plus de rentes. Ce capitalisme passera parce qu’en sa dernière saison il n’a pas été capable (ni lui ni nous en lui) d’orienter vers les biens (bonnes choses) les plus forts désirs des êtres humains, et s’est contenté des marchandises. Mais quand on efface de l’horizon tout ce qui ne se vend pas, les désirs eux-mêmes s’abaissent au rang de marchandises, et l’on finit par ne plus désirer que ce qu’on trouve dans les marchés. 

Dire Europe et Occident, c’est dire ‘humanisme judéo-chrétien’, dans ses diverses déclinaisons, bourgeonnements, maladies, réactions, mais surtout dans ses abondants et extraordinaires fruits de civilisation. Cet humanisme a des codes fondateurs précis. L’un d’eux, le plus profond et fécond, est le grand code biblique qui, de la Genèse à l’Apocalypse, nous a équipés pour des millénaires en paroles pour politique et amour, mort et économie, espoir et malheur. Nos paroles aujourd’hui sont fatiguées, sans voix parce qu’usées et réduites à ‘poursuite de vent’ (Qohelet), et il nous faut donc partir à la recherche de paroles plus grandes que nous et que notre âge. Quelques unes de ces paroles de vie se trouvent dans la littérature, la poésie, l’art, dans les grands mythes et récits populaires qui nous ont sauvés pendant les guerres et les nombreuses famines, et continuent de le faire.

Mais il est d’autres Paroles, histoires et récits plus grands et plus profonds. Ce sont les paroles bibliques, qui ont nourri et inspiré notre civilisation, qui ont été relues et vécues encore et encore par des centaines de générations, qui ont inspiré nos plus belles œuvres d’art, les rêves d’enfants et d‘adultes, qui nous ont redonné espoir pendant nos nombreux exils et esclavages, d’hier et d’aujourd’hui. Quelles histoires de libération sont plus grandes que celles de l’exode, quelles blessures plus fécondes que celle de Jacob, bénédiction plus désespérée que celle d’Isaac, éclat de rire plus sérieux que celui de Sarah, contrat plus injuste que celui d’Ésaü, obéissance plus salutaire que celle de Noé, péché plus lâche que celui de David contre Urie le Hittite, malheur plus absolu que celui de Job, pleurs plus fraternels que ceux de Joseph, paradoxe plus grand que celui d’Abraham sur le mont Moriah, cri d’enfantement plus déchirant que celui de la croix, désobéissance plus respectueuse de la vie que celle des sages femmes d’Égypte. S’il y en a, dites le moi. Je n’en ai pas encore trouvé.

De nombreuses raisons font ‘plus grands’ ces histoires et ces récits. L’une d’elle est leur radicale ambivalence qui, bien accueillie et comprise, permet d’éviter les dichotomies présentes à la racine de toute idéologie. Ces histoires nous disent par exemple que la ‘fraternité-sororité’ est toujours proche du ‘fratricide’, bifurcations si fréquentes dans les histoires des personnes et des peuples. La bible nous invite à nous mettre au carrefour de ces deux voies, conscients que les deux sont toujours possibles et qu’il est de notre responsabilité de faire prévaloir les raisons de la fraternité sur celles du fratricide.

Ces grands récits, surtout, nous gratifient de paroles qui nous manquent pour prier, penser, ressentir et aimer. Quand nous sommes à court d’histoires et de grandes paroles, nous les empruntons aux bavardages et aux fictions, petites briques juste bonnes à construire de pauvres maisonnées, des baraques en attente de rémission. Les briques de l’esclavage en Égypte, elles, permettent de construire des voies de libération. La Bible a toujours inspiré de nombreuses œuvres littéraires et artistiques, parfois même le droit et la politique. Mais pas l’économie moderne, parce que, sauf en de très rares exceptions (Genovesi, Wicksteed, Viner et quelques autres), elle ne s’est pas laissé inspirer par le Livre des livres. La vie économique est restée pendant trop de siècles ‘sous la tutelle’ de textes sacrés (sur le crédit, les intérêts…) et, une fois atteinte sa majorité, elle a voulu et cherché ailleurs sa liberté.

Mais aujourd’hui, après quelques siècles, un nouveau dialogue est possible, et nécessaire je crois, dans la liberté et la réciprocité. La Parole biblique a beaucoup de paroles de vie à dire à notre économie, et donc à notre vie. Elle peut nous dire des choses inédites, vu que depuis trop longtemps on ne lui a plus demandé de parler, de nous parler. Mais s’il est vrai que la lecture de la Bible peut enrichir l’économie, il est tout aussi vrai que de nouvelles demandes ‘économiques’ peuvent faire dire à ces textes des choses nouvelles. L’histoire humaine a toujours été un dialogue entre de nouvelles demandes et de nouvelles réponses ; et si d’un côté la Parole a fait avancer l’humain, d’un autre, et sur un autre plan, l’histoire des hommes a permis de saisir dans les écritures des sens toujours nouveaux (en cela réside la grande dignité de l’histoire). Le jour où la Bible reviendra parler sur les places, dans les entreprises, les marchés, il y aura grande joie dans ces lieux de vie ; et le texte biblique lui-même s’en enrichira, et offrira de nouvelles réponses, jamais dites encore faute de demandes. Sans la nourriture des places et des marchés, sans l’humus de la vie et du labeur quotidiens, il manque au grand Livre de quoi devenir aussi l’arbre de la vie.

Après ce préambule et avec un profond sens de responsabilité intellectuelle et éthique, je commencerai dimanche prochain, non sans battements de cœur mais avec grand enthousiasme, un commentaire de quelques livres bibliques. Le premier sera le livre de la Genèse, dont la richesse nous entretiendra pendant plusieurs semaines de ses ‘histoires’ extraordinaires. Je m’efforcerai de faire dire à ces textes anciens, en les questionnant, des paroles économiques et civiles contemporaines, mais ce sont les questions que nous poseront ces textes qui seront les plus intéressantes et aujourd’hui nécessaires. L’essentiel du défi consistera à ne pas rendre actuelles ces pages antiques, mais à nous faire plutôt leurs contemporains. Nous les lirons à travers les millénaires de l’histoire, en compagnie de tant de croyants et non-croyants, qui ont dialogué avec la Bible, qui en l’enrichissant ont enrichi le monde. Bach a rendu plus lumineuse la Passion de Matthieu ; Jacob est meilleur après Rembrandt ; et Joseph plus beau après Thomas Mann. S’il n’en était pas ainsi, l’histoire ne serait qu’un inutile arrière plan pour la représentation théâtrale d’un manuscrit inerte, ces livres anciens ne seraient plus vivants.

Si nous voulons nous en sortir il nous faut imiter les sages femmes d’Égypte : refuser d’obéir aux ordres homicides des nouveaux pharaons, et sauver les enfants. Et nous aurons encore une terre.

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Introduction – L’arbre de vie / 1

Par Luigino Bruni

Paru dansAvvenire le 16/02/2014

Logo Albero della vita"N’avez-vous pas entendu parler de ce dément qui dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au marché et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! » – Comme il y avait justement là beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, il déchaîna un énorme éclat de rire" (F. Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra).

Il y a des périodes de l’histoire où les peuples perçoivent que les vieilles choses sont passées, qu’un certain ‘monde’ s’achève ; on brûle alors d’un grand désir de nouveauté. La période que nous vivons en est une. Elle l’est certainement pour l’Europe, qui traverse une grande nuit culturelle, qui tôt ou tard passera, sans que nous en sachions ni le coût ni l’issue.

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Voyage au bout de la nuit

Introduction – L’arbre de vie / 1 Par Luigino Bruni Paru dansAvvenire le 16/02/2014 "N’avez-vous pas entendu parler de ce dément qui dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au marché et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! » – Comme...