Économie de la joie

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Économie de la joie 7/ Le sabbat du Jubilé nous fait comprendre quand nous devenons notre propre pharaon. Pour apprendre à faire fleurir toute notre beauté

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 03/06/2025

La culture sabbatique, qui est à la base du Jubilé, contient un message anthropologique très important, car elle touche à des éléments décisifs pour l'épanouissement des personnes et des communautés. En effet, le shabbat, et donc l'année sabbatique, est intimement lié à cette profonde couche souterraine de la Bible qu'est la tradition propre à la Sagesse. Sans la sagesse, on ne comprend pas le shabbat, et la sagesse biblique ne vit et ne mûrit pas sans comprendre le shabbat, dans une réciprocité admirable. La sagesse est l'un des fils d'or les plus tenaces de la Bible. Cet esprit qui s'est manifesté en Grèce sous le nom de sophia et philo-sophia, à peu près à la même époque, entre l'Égypte et le Croissant fertile, est devenu la sagesse, qui a atteint des sommets très élevés dans les textes bibliques. La philosophie trouve son origine dans l'émerveillement devant un monde qui pourrait ne pas être et qui pourtant est; la sagesse, quant à elle, naît de la découverte d'une réalité plus profonde que celle qui s'offre aux sens, et qui comporte des mots différents qui nous enseignent le métier de vivre. Grâce à la sagesse, l'homme s'émerveille aussi, mais son émerveillement premier et fondamental naît de la révélation d'un autre monde. Elle inclut la sagesse inscrite dans les temps et les moments de la nature, dans la reconnaissance du nid d'un oiseau, dans la capacité de réparer de ses mains une charrue ou une moto, dans l'apprentissage de la « quantité suffisante » de sel. C'est un mouvement ascendant, bas comme la terre, humble comme l'humus, populaire, qui nous familiarise avec la vie en restant au ras du sol et de là, nous fait respirer, lors d’un jour insolite, un parfum plus intense, celui de la vie qui coïncide avec celui de Dieu et de ses esprits. L'homme biblique rêve d'un Adam différent parce qu'il a été rêvé par un Dieu différent.

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Cette sagesse est le souffle qui a guidé, avec l’aide de l'esprit, la main des auteurs de nombreuses pages bibliques. L'une d'entre elles se trouve dans les Livres des Rois, en particulier dans les récits relatifs à Salomon, fils du roi David. La parabole de son règne et de sa vie ne peut être comprise qu'à la lumière de la sagesse biblique. Dieu avait donné à Salomon précisément la sagesse, en réponse surabondante à ce qu'il avait demandé au début de son règne : « Dieu accorda à Salomon une très grande sagesse et une grande intelligence... Il était plus sage que tous les hommes » (1 Rois 5, 9-11). Grâce à sa sagesse, « Salomon dominait sur tous les royaumes » (1 Rois 5, 1). Les Livres des Rois commencent donc par nous montrer Salomon au sommet de sa splendeur et de sa gloire (1 Rois 4, 20).

Mais en poursuivant leur lecture, nous nous rendons compte que l'apogée de son succès a coïncidé avec le début du déclin de Salomon. En effet, un autre jour, ce roi sage perdit sa sagesse, le grand talent de sa vie : « Quand Salomon fut vieux... son cœur ne resta pas attaché au Seigneur, son Dieu... Salomon fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur et ne suivit pas pleinement le Seigneur » (1 Rois 11,4-6).

La Bible ne nous dit pas pourquoi le déclin moral de son roi le plus sage a commencé. Peut-être garde-t-elle le silence pour nous transmettre un message important et universel : beaucoup de sages s'égarent sans s'en rendre compte, ils quittent le droit chemin en pensant, pendant de nombreux kilomètres, qu'ils continuent à marcher dans la bonne direction. Si nous lisons ensuite ces chapitres sur la décadence de Salomon à la lumière de la sagesse et du shabbat, un indice important sur ce déclin peut émerger - même s'il n'est pas le seul. Nous devinons en effet que la décadence a peut-être commencé lorsque Salomon a décidé d'achever son chef-d'œuvre, le temple de Jérusalem : « Salomon commença la construction du temple et l'acheva » (1 Rois 6,14). Et c'est là qu'intervient également la culture jubilaire et donc celle du shabbat qui la fonde. L'inachèvement et l'imperfection sont en effet des dimensions fondamentales de l'humanisme biblique. Moïse, après avoir libéré le peuple d'Égypte, son œuvre la plus grande, mourut sans atteindre la terre promise. Les patriarches, David, sont des hommes imparfaits et présentés comme tels dans la Bible, tout comme les figures matriarcales et de nombreuses femmes de la bible. Ce sont des personnages merveilleux, parce qu'ils sont imparfaits, pleins de défauts, d'erreurs et de limites. La sainteté biblique est différente de la sainteté catholique, car elle est perfection dans l'imperfection.

Et maintenant venons-en à nous. Lorsqu’un jour nous découvrons ce qui nous semble être notre plus grande mission, le chef-d'œuvre de notre existence, cette découverte-révélation fantastique s'accompagne de la conviction que l'épanouissement de notre vie, sa réalisation, consiste à accomplir cette vocation, que notre bonheur réside dans son accomplissement. Aussi, à partir de ce moment, nous orientons vers cet objectif toutes nos énergies les plus grandes et les plus belles - il ne pourrait en être autrement, il est bon qu'il en soit ainsi, surtout quand on est jeune. Mais un autre jour, bien plus tard, nous pressentons parfois quelque chose de nouveau. À savoir que dans ce chef-d'œuvre que nous sommes en train de construire, notre salut cache aussi notre défaite. Nous comprenons, vaguement au début, que cette mission merveilleuse était devenue au fil du temps une « malédiction de l'abondance », que la grâce extraordinaire de notre jeunesse était en train de devenir notre condamnation. Lorsque cette intuition nous vient, qui par nature n'est jamais assez évidente, nous maudissons souvent le passé, le don et la mission dont nous nous sentons soudainement serviteurs ou esclaves, nous les percevons comme des maîtres qui nous ont trompés et volé notre vie. Jusqu'à ce qu'un autre jour, vraiment merveilleux, nous comprenions que ce piège renfermait aussi une bénédiction, celle qui, dans la douleur, nous a permis de comprendre ce que nous percevons désormais comme le grand secret de la vie. C’est alors qu’une nouvelle prière naît en nous : nous apprenons à remercier vraiment Dieu, ou du moins la vie. C'est le jour du shabbat du cœur. Un shabbat spécial et invisible, tout intime et secret, qui s'épanouit naturellement comme une belle fleur en son temps, si et quand la graine a été semée sur un sol fertile qui l'a accueillie et préservée. Il arrive comme une lumière forte et douloureuse, qui éclaire davantage l'avenir que le passé, car il indique la seule voie possible pour continuer à bien vivre, en oubliant les fruits passés et futurs.

Dans ces moments rares et nécessaires, on comprend enfin une loi humaine mystérieuse, l'une des plus vraies, que seule la fréquentation de la sagesse peut nous révéler. Lorsque la vie nous a donné de grands talents, et un plus grand et plus précieux que tous, il arrive qu’au temps de notre maturité son exercice commence à nous priver de quelque chose d'essentiel, surtout si ce talent s'appelle vocation - religieuse, artistique, scientifique, familiale... Nous nous trouvons en effet, soudainement et sans préavis, à un carrefour décisif. C'est le carrefour qui sépare la route large et descendante où nous pourrions continuer à poursuivre les succès obtenus jusque là, de l'autre route, beaucoup plus petite, accidentée et ascendante, qui s'appelle l'auto-subversion. C'est une deuxième petite route humble qui vous dit : « Ne profite pas entièrement ton succès, ne continue pas à exploiter tes talents, laisse une partie de ton cœur en friche. Laisse-le aller librement dans son plus beau moment, et recommence à zéro, pauvre et nu comme au premier jour de ta jeunesse. C'est pour toi la seule façon de terminer ton chemin sur terre en toute légèreté. Célèbre le shabbat ». C'est le jour où sœur Giovanna comprend qu'elle doit redevenir Giovanna pour pouvoir continuer à être véritablement et différemment sœur Giovanna ; où Mario, le poète, comprend que Mario vaut plus que le poète. Nous nous rendons compte que cette vocation-talent qui nous a permis de voler quand nous étions jeunes, est soudainement devenue un fardeau à l'âge adulte, et que pour continuer notre chemin, nous devons simplement la jeter à la mer, après l'avoir remerciée. Nous retournons dans les lieux précédant notre vocation, à la recherche de ce qui était là au début, car nous savons que cela doit encore être là.

C'est le jour où le papillon remercie la chenille, le ressuscité remercie le crucifié. Et ils ne reviendraient jamais en arrière. Nos vocations, notre talent et notre plus grande mission s'accomplissent si un jour nous découvrons cette chasteté différente qui ne nous fait pas consommer notre vocation/talent jusqu'au bout, même lorsque nous restons dans la maison de toujours. Et nous comprenons que cet inachèvement est simplement l'accomplissement de la vocation. Et peut-être nous réconcilions-nous aussi avec le fait que cette communauté, devenue moins lumineuse et prophétique que celle dans laquelle nous étions entrés quand nous étions jeunes, accomplit en réalité sa mission.

Le centre de ce shabbat réside alors dans une nouvelle forme de chasteté, car nous ne pouvons plus utiliser nos talents pour nous-mêmes, car si nous continuons à le faire, nous devenons le pharaon de notre vie, et nous l'éteignons. Ainsi, après avoir passé notre vie à rechercher la pureté et peut-être la chasteté, nous nous rendons compte que la chasteté vraiment essentielle est autre et très différente. C'est celle que nous devons vivre envers nous-mêmes, qui nous permet de ne pas nous dévorer nous-mêmes en mettant toute notre âme et notre beauté au service d’un rendement - la chasteté, c'est ne pas dévorer la beauté des autres, nous le savons, mais c'est d'abord ne pas dévorer notre propre beauté. Nous comprenons que le septième jour est enfin arrivé, le septième temps sabbatique, celui de la véritable gratuité, et nous disons : shabbat shalom ; que la terre à ne pas exploiter et à laisser enfin reposer après 49 ans est notre cœur, et que l'esclave à libérer, c'est nous. Et puis commencent de nombreuses découvertes, toutes issues de ce shabbat du cœur. Que notre plus belle symphonie est celle qui est inachevée, que notre véritable chef-d'œuvre est celui que nous n'avons pas réalisé sous la forme que nous avions imaginée et souhaitée, que le plus beau livre est celui que nous n'avons pas écrit et que nous n'écrirons jamais. Ce shabbat est un non-travail tenace qui consiste à se laisser travailler ; c'est le temps de la douceur, d'accepter et d'accueillir la main du bon berger qui caresse l’échine de notre cœur. C'est alors qu’advient le temps du don de la sagesse adulte.

Seule la sagesse peut nous enseigner cette logique. Nous sommes plus grands et plus beaux que les plus belles et les plus grandes choses que nous pouvons faire, nous sommes plus grands et plus beaux que nos talents, nos missions, nos chefs-d'œuvre, voire notre vocation. Car nous avons été créés par amour et non par utilité, ni même pour être utiles au Royaume de Dieu et à ses temples. Tout cela, c'est le shabbat qui nous l'enseigne.

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Économie de la joie 7/ Le sabbat du Jubilé nous fait comprendre quand nous devenons notre propre pharaon. Pour apprendre à faire fleurir toute notre beauté

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 03/06/2025

La culture sabbatique, qui est à la base du Jubilé, contient un message anthropologique très important, car elle touche à des éléments décisifs pour l'épanouissement des personnes et des communautés. En effet, le shabbat, et donc l'année sabbatique, est intimement lié à cette profonde couche souterraine de la Bible qu'est la tradition propre à la Sagesse. Sans la sagesse, on ne comprend pas le shabbat, et la sagesse biblique ne vit et ne mûrit pas sans comprendre le shabbat, dans une réciprocité admirable. La sagesse est l'un des fils d'or les plus tenaces de la Bible. Cet esprit qui s'est manifesté en Grèce sous le nom de sophia et philo-sophia, à peu près à la même époque, entre l'Égypte et le Croissant fertile, est devenu la sagesse, qui a atteint des sommets très élevés dans les textes bibliques. La philosophie trouve son origine dans l'émerveillement devant un monde qui pourrait ne pas être et qui pourtant est; la sagesse, quant à elle, naît de la découverte d'une réalité plus profonde que celle qui s'offre aux sens, et qui comporte des mots différents qui nous enseignent le métier de vivre. Grâce à la sagesse, l'homme s'émerveille aussi, mais son émerveillement premier et fondamental naît de la révélation d'un autre monde. Elle inclut la sagesse inscrite dans les temps et les moments de la nature, dans la reconnaissance du nid d'un oiseau, dans la capacité de réparer de ses mains une charrue ou une moto, dans l'apprentissage de la « quantité suffisante » de sel. C'est un mouvement ascendant, bas comme la terre, humble comme l'humus, populaire, qui nous familiarise avec la vie en restant au ras du sol et de là, nous fait respirer, lors d’un jour insolite, un parfum plus intense, celui de la vie qui coïncide avec celui de Dieu et de ses esprits. L'homme biblique rêve d'un Adam différent parce qu'il a été rêvé par un Dieu différent.

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Économie de la joie 6/ - Avec l'Année Sainte, nous redécouvrons la loi du repos voulu par Dieu qui nous libère des poids imposés par la vie courante.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 20/05/2025

« Si Dieu existe, il a aujourd'hui davantage besoin de quelqu'un qui, s'il ne peut pas dire qui il est, dit au moins qui il n'est pas. Dans le sens d'une destruction (ou d'une tentative de destruction) de l'idole métaphysique et impériale que nous prenons pour Dieu. La foi peut se passer de cette opération, mais elle peut aussi succomber devant ce Dieu illusoire. »

Paolo de Benedetti,Quel Dieu ?

Il existe une relation profonde entre le Jubilé et les béatitudes. Les béatitudes sont le shabbat de l'Évangile, le Jubilé de toute la Bible, l'année sabbatique de l'histoire, elles sont ce temps différent vers lequel tendent, prophétiquement, tous les autres temps. Elles sont l'annonce d'une autre joie, d'une terre promise libre et non-occupée par nos affaires et nos armes. Elles sont le « la terre du non-encore », qui juge depuis deux mille ans notre « terre du déjà » et qui la jugera toujours pour essayer de la convertir et de l'appeler à aller plu loin. Les béatitudes sont la carte pour atteindre le royaume et en sont aussi la porte, celle de ce royaume qui traverse, comme une promesse, les différentes béatitudes de Luc et de Matthieu. Elles parlent donc de cette vie, et non pas de la vie future, elles ont la saveur des fruits de notre terre d'aujourd'hui. Toute leur portée prophétique et infinie réside dans le fait qu'elles concernent « les réalités de notre terre », c'est là leur paradoxe, car elles nous parlent de nos pauvres, de nos persécutés pour la justice, de nos doux, de nos artisans de paix ; et c'est leur caractère terrestre qui nous déroute et fait qu’on les oublie, sans parler des railleries dont elles sont entourées, aujourd'hui tout comme hier.

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Il est très simple de faire disparaître la prophétie des béatitudes : il suffit de les lire comme une annonce de la vie future, de la vie au-delà de la mort - les pauvres ici-bas sont misérables, mais au paradis ils seront enfin bénis. La véritable force paradoxale et extraordinaire des béatitudes réside plutôt dans le fait de penser qu'elles sont dites et écrites pour notre vie d’ici-bas, sous le soleil, pour le temps présent, pour toi, pour moi. Le royaume est une promesse pour cette terre : « ... car le royaume des cieux est à eux », un verbe conjugué au présent (« est ») et non au futur (« sera »). Il suffit de mettre ce verbe au futur pour dénaturer des béatitudes - le « verbe » dans les évangiles est un terme essentiel. Les béatitudes sont, dans l'Évangile, un mécanisme d'autoprotection contre toute tentative de faire de l'Église un club de citoyens respectueux des règles et de paisibles bien-pensants, parce que, depuis deux mille ans, elles continuent d'appeler « bienheureux » tous ceux que nous rejetons continuellement au nom de nos principes.

Le christianisme s’est investi dans de nombreuses réalités évangéliques, mais très peu dans les béatitudes. Il les a aimées, méditées, priées, chantées, mais elles ne sont pas devenues l'humanisme des chrétiens, encore moins de la Christianitas - qu'auraient pu être l'Europe et le monde, leur économie et leur politique, si la civilisation chrétienne s’était construite sur les béatitudes !Au contraire, elles ont été considérés comme une exception au sein même de l'Évangile, comme si elles étaient des invitées dans la maison d'un ami. Les chrétiens ne sont pas devenus le peuple des béatitudes ! Tout l'Évangile a été dès ses débuts un cri inaudible et un grande œuvre inachevée, nous le savons, nous le voyons, dans l'histoire et chaque jour. Mais les béatitudes sont par excellence inachevées, le comble de ce cri inaudible. Tout l'Évangile attend depuis deux millénaires d'être pris vraiment au sérieux par les communautés et les sociétés, mais au sein de l'Évangile, les béatitudes sont celles qui attendent et gémissent le plus. Les pauvres, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et sont persécutés, les pacifiques, les doux ne sont pas appelés « bienheureux », y compris par les chrétiens. On n'entre pas dans la logique des béatitudes et dans leur ciel différent sans habiter leur paradoxe, sans entrer dans la logique invisible du royaume, un royaume qui perd son sel et son levain quand on veut l'expliquer et le vivre en sortant de son paradoxe essentiel, qui commence par ce « heureux les pauvres », qui est le premier de la liste parce qu'il résume tous ceux qui le suivent. En effet, le royaume est la clé pour entrer dans le « bienheureux les pauvres, car le royaume des cieux est à eux » (Luc 6,20). En dehors du Royaume, non seulement les béatitudes ne sont pas comprises, mais elles sont perverties, comme le savent bien ceux qui cherchent à soulager la détresse des plus démunis et qui sont parfois gênés par des interprétations perverses de l'expression « heureux les pauvres ».

Nous sommes hors de cette terre différente qu’est le royaume. Si nous sommes honnêtes, nous le savons bien, et peut-être en souffrons-nous parfois, lorsque nous sommes saisis par un mal profond et subtil, par la nostalgie d’une autre maison. Mais nous pouvons au moins l'apercevoir de loin, si nous ne cessons pas d'y aspirer, en nous nourrissant de glands, peut-être dans des restaurants étoilés. On réalise alors que les béatitudes se comprennent à la lumière du shabbat et que le sens chrétien du shabbat se révèle à la lumière des béatitudes, dans une admirable réciprocité. Si, en effet, le Dieu de la bible et le Dieu de Jésus a voulu un jour différent tous les sept jours, si ce jour-là il a imprimé une loi qui renverse celle des six autres jours, alors les pauvres, les affligés, les endeuillés, ceux qui sont les plus malheureux selon les catégories ordinaires et les jours ordinaires de la vie, peuvent être heureux, et ils le sont, dans ce monde à l'envers qu’est le jour du shabbat. Il y a un jour où les rejetés, les vaincus et les perdants peuvent être appelés bienheureux : c'est le septième jour, et c'est un vrai nom, pas un tranquillisant. Le Jésus historique a critiqué et sapé la lettre du shabbat - il suffit de lire les évangiles pour s'en rendre compte - non pas pour nier l'une des perles de la Torah et des prophètes, mais pour affirmer une vision radicale et eschatologique du septième jour. Son shabbat, le jour véritablement et radicalement différent, est celui de ses béatitudes. Il ne s'agit pas d'une question de culte, de règles, de normes, ni d'un jour différent qui, une fois passé, est oublié dans la pratique des six autres, mais d'un jour qui arbitre tous les jours de l'histoire. Un autre monde, une autre société, une autre économie, une terre nouvelle, hors des murs, où nous pouvons installer notre poste de guet et, de là, observer notre temps, le juger sur la base de nos béatitudes oubliées, puis l'appeler à se transformer dans l'attente de ce royaume où les pauvres sont appelés bienheureux parce qu'ils le sont vraiment. Shabbat n'est pas l'exception qui confirme la règle, mais l'exception qui a le pouvoir de faire exploser la règle, s’il est vraiment pris au sérieux dans toute son ampleur.

Depuis la tour de guet du Shabbat, nous pouvons deviner que « Bénis soient les pauvres » est aussi la bénédiction des enfants et celle des mourants, ce qui nous rappelle qu’une vie digne de ce nom ne doit jamais oublier l'énorme et stupéfiante vérité du commencement et de la fin, et orienter ensuite tout son cours à la lumière de l’alpha et de l’oméga. Lors de notre dernier shabbat, nous entendrons à nouveau la voix de l'ange de la mort : « Heureux les pauvres » - et ceux qui ont réussi à préserver la vraie pauvreté jusqu'à la fin se verront bénis avec ce très beau nom.

Si les béatitudes sont le dévoilement du royaume des cieux, elles sont donc essentielles, sachant que que le cœur de l'annonce de Jésus réside dans l'attente continuelle de la venue imminente de son royaume. Le chrétien est quelqu'un qui se couche le soir avec l'espoir que le lendemain le royaume arrivera enfin, que le Ressuscité reviendra, et qui, dès qu'il se réveille, s'attriste s'il n'est pas encore arrivé. Puis il continue à espérer, à travailler dans l'attente et, le lendemain, il se rendort avec le même rêve d'espoir : c'est l'espérance chrétienne.

Tout le royaume des cieux se trouve dans le court laps de temps du septième jour, parce que la logique du shabbat change la nature du temps et le lie à l'espace. De même que l'entrée dans le jour du shabbat - acte marqué sur l'axe du temps - rompt le rythme linéaire du temps et le fait devenir autre chose, de même le franchissement du seuil du temple - acte marqué sur l'axe de l'espace - fait entrer le croyant dans un autre temps qui n'est plus régi par l'impitoyable loi de Kronos. Le Shabbat est le temple du temps. C'est pourquoi il a sauvé le peuple d'Israël en exil : ces déportés, expatriés et privés de leur temple détruit, entraient chaque semaine dans le temple en entrant dans le jour du shabbat - « Shabbat shalom ».

La prophétie de François, avec son œconomia différente, ne peut être comprise que si nous la regardons en demeurant dans cette première béatitude, en positionnant notre âme entre « bénis soient les pauvres... » et « ... car le royaume est à eux ». François voulait devenir un habitant de ce royaume de l'Évangile, et pour cela il a épousé la plus grande pauvreté, qu'il considérait comme le bon moyen de le trouver et d'y entrer. Tel est le miracle de François, tel est son paradoxe et le scandale de sa fécondité. Si nous ne l’abordons pas à la lumière du Royaume et des Béatitudes, nous déformons son mystère et nous finissons par dire que François était pauvre mais pas « démuni », qu'il aimait la pauvreté mais pas la « misère », qu'il était quelqu'un qui allait vers les pauvres « pour les aider » - en ce sens la splendide parabole du Bon Samaritain ne nous aide pas à comprendre François. L'Évangile meurt chaque fois que nous voulons le ramener dans la logique du bon sens, de la prudence, de l'équilibre, de la juste mesure. Nous le faisons tous les jours, et en fait tous les jours l'évangile meurt, et ressuscite rarement .

Le Jubilé est vraiment le temps des béatitudes. Ce jour pourrait, devrait être vraiment différent. Il nous est donné pour comprendre que nous oublions les béatitudes en ne remettant pas les dettes, en ne libérant pas les esclaves, en laissant nos désirs fous asphyxier de plus en plus la terre. Et ensuite, chaque soir, continuer à rêver à l'avènement d'un autre royaume. Sans jamais s'arrêter.

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Économie de la joie 6/ - Avec l'Année Sainte, nous redécouvrons la loi du repos voulu par Dieu qui nous libère des poids imposés par la vie courante.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 20/05/2025

« Si Dieu existe, il a aujourd'hui davantage besoin de quelqu'un qui, s'il ne peut pas dire qui il est, dit au moins qui il n'est pas. Dans le sens d'une destruction (ou d'une tentative de destruction) de l'idole métaphysique et impériale que nous prenons pour Dieu. La foi peut se passer de cette opération, mais elle peut aussi succomber devant ce Dieu illusoire. »

Paolo de Benedetti,Quel Dieu ?

Il existe une relation profonde entre le Jubilé et les béatitudes. Les béatitudes sont le shabbat de l'Évangile, le Jubilé de toute la Bible, l'année sabbatique de l'histoire, elles sont ce temps différent vers lequel tendent, prophétiquement, tous les autres temps. Elles sont l'annonce d'une autre joie, d'une terre promise libre et non-occupée par nos affaires et nos armes. Elles sont le « la terre du non-encore », qui juge depuis deux mille ans notre « terre du déjà » et qui la jugera toujours pour essayer de la convertir et de l'appeler à aller plu loin. Les béatitudes sont la carte pour atteindre le royaume et en sont aussi la porte, celle de ce royaume qui traverse, comme une promesse, les différentes béatitudes de Luc et de Matthieu. Elles parlent donc de cette vie, et non pas de la vie future, elles ont la saveur des fruits de notre terre d'aujourd'hui. Toute leur portée prophétique et infinie réside dans le fait qu'elles concernent « les réalités de notre terre », c'est là leur paradoxe, car elles nous parlent de nos pauvres, de nos persécutés pour la justice, de nos doux, de nos artisans de paix ; et c'est leur caractère terrestre qui nous déroute et fait qu’on les oublie, sans parler des railleries dont elles sont entourées, aujourd'hui tout comme hier.

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Les Béatitudes, « shabbat évangélique » qui ouvre un temps nouveau hic et nunc

Les Béatitudes, « shabbat évangélique » qui ouvre un temps nouveau hic et nunc

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Économie de la joie 5/ - L'Année Sainte, un moment propice pour se souvenir de sa propre libération et devenir des libérateurs pour les autres

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 06/05/2025

La liberté est un bien sui generis. Nous aimons beaucoup de choses, mais ce que nous aimons est beau et bon si et parce que nous sommes libres. Et si nous ne sommes pas libres, nous sacrifions tous les autres biens, jusqu’à la vie même, pour devenir libres, tout en sachant que nous ne le serons jamais pleinement ni définitivement, parce que le chemin de l'existence consiste à passer continuellement d'une libération à une autre. Il existe en effet un lien profond entre liberté et libération. Même si nous n'en sommes pas toujours conscients, ce que nous vivons comme une liberté - liberté de, liberté au moyen de, liberté pour, liberté avec... - est le résultat d'une libération, de plusieurs libérations. On est libre parce qu'on est libéré, depuis cette première libération stupéfiante et essentielle du ventre maternel, qui se poursuit avec les nombreuses libérations de l'enfance et de la jeunesse (de l'ignorance, de la dépendance économique, matérielle, affective). Puis tout au long de la vie, lorsque la libération prend la forme d'une sortie des « pièges de la pauvreté », là où nous conduit la main de la vie, des autres et/ou la nôtre. Jusqu'à la libération finale par la main de l'ange de la mort. En pleine maturité, nous découvrons alors que cette nostalgie qui nous surprend certains soirs, ou qui s'insinue dans un rêve récurrent, n'est rien d'autre qu'un profond désir de libération. Nous nous apercevons que nous aspirons à être libérés par quelqu'un. Et nous nous rendons finalement compte que même dans ce qui nous semblait, et peut-être était, une libération de soi, il y avait la présence invisible d'une autre main qui soutenait la nôtre : « Le pont-levis est de l'autre côté, et c'est depuis l'autre rive qu'ils doivent nous dire que nous sommes libres » (Jacob Taubes). L'essence de la foi se trouve dans la connaissance, ou du moins l'espoir, que non seulement la vie est un don, mais que la liberté l'est aussi. Et il en est ainsi même si c'est la main d'une personne concrète qui nous a libérés, ou si c'est nous - cette « libération de seconde main », qui attribue nos délivrances à Dieu, est un don collatéral à celui de la foi, parce qu'il nous libère des grandes dettes spirituelles et morales envers nos libérateurs terrestres : nous leur sommes reconnaissants, mais nous ne nous sentons pas redevables envers eux. Se sentir libéré nous libère ensuite de l'orgueil démesuré de notre autosuffisance et de notre toute-puissance, qui sont en train de devenir la religion la plus répandue de notre époque, où l'ego devient le seul croyant, le seul prêtre et le seul dieu. Le marché capitaliste adore cette nouvelle « religion » de masse, qui a déjà pris la place du christianisme en Occident.

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La libération est aussi l'autre nom du Jubilé et de l'année sabbatique qui en est la racine. Libération des esclaves par leurs maîtres, des débiteurs par leurs créanciers, de la terre par notre joug. Dans la Bible, derrière chaque délivrance, il y a toujours un écho de la grande délivrance de l'esclavage d'Égypte. Chaque shabbat est un mémorial de cette libération, chaque année sabbatique et chaque jubilé voient Moïse renaître, la mer se rouvrir, le peuple retrouver sa liberté et entrevoir pour la première fois la terre promise sur la ligne profonde de l'horizon. Toute la Bible nous parle du Jubilé, chaque livre en est imprégné. Y compris le petit Livre de Jonas, là où l'on ne s'y attendrait pas.

Jonas a refusé l'ordre de Dieu qui l’avait envoyé à Ninive. Il s'enfuit, s'embarque dans la direction opposée vers Tarsis. Un forte tempête éclate et le bateau est sur le point de couler. Mais, par un phénomène de « bouc émissaire » (René Girard), Jonas est jeté à la mer par les marins comme victime sacrificielle, pour apaiser les dieux de l'eau. En fait, les marins le considèrent comme la cause du mal qui s'est abattu sur eux, et Jonas se convainc qu'il est bien, par sa désobéissance à Dieu, à l'origine du malheur qui s'annonce. Jonas se retrouve dans les vagues mais ne meurt pas, car un poisson femelle (daga en hébreu) l'abrite dans son bon ventre et, après trois jours, le ramène sain et sauf sur le rivage. Comme lors de la libération d'Égypte, les eaux deviennent le lieu d'un salut extraordinaire : c’est à nouveau une autre délivrance de la mort qui semblait certaine.

L'histoire de Jonas a beaucoup à nous apprendre au sujet de la culture du Jubilé. Il y a deux leçons principales à en tirer. Tout d'abord, alors qu'il fait l'expérience de la délivrance dans le ventre du poisson, Jonas prie : « Dans ma détresse, j'ai crié vers le Seigneur, et il m'a exaucé ; des profondeurs des enfers, j'ai crié, et tu as entendu ma voix... Ma prière t'est parvenue... Le salut vient du Seigneur » (Jonas 2, 3-10). La Bible nous dit que Jonas était un prophète et qu'il savait donc déjà comment prier. Mais la première et unique prière que nous trouvons dans son Livre vient après avoir échappé à la mort. Nous trouvons donc dans cette prière de Jonas une grammaire de l'art de recommencer à prier après une grande épreuve qui a emporté soit la foi, soit la prière, souvent les deux. Jonas prie parce qu'il a fait l'expérience d'une délivrance, et ensuite - condition suffisante - il attribue cette délivrance à son Dieu. Il découvre le visage de Dieu comme libérateur et l'appelle ensuite par son premier nom. À l'âge adulte - l'histoire de Jonas est aussi une initiation des prophètes à la vie adulte - beaucoup de gens qui ont eu une jeunesse fervente et pieuse cessent de prier ; la prière ne revient que si l'on fait l'expérience d'une délivrance et d'un libérateur. Car après avoir été libéré (d'une maladie grave, d'un deuil qui semblait interminable, d'une dépression, d'un remords dévorant...), quelque chose de vraiment important commence dans l'âme, une authentique résurrection. On se surprend à prier sans s'en rendre compte, la gratitude s'épanouit naturellement en prière du cœur - la résurrection est le centre de la foi chrétienne car il n'y a pas de foi, ni de prière, sans résurrection. Lorsque la conscience d'avoir été sauvé par quelqu'un se fait jour, une toute nouvelle et merveilleuse saison de l'existence commence. La vraie gratitude naît, on comprend ce qu'est la gratuité, on découvre une autre réciprocité, le temps de la bonne humilité commence, que les autres reconnaissent même s'ils en ignorent la racine.

C'est pourquoi le Jubilé peut devenir un temps pour recommencer à prier, dans une foi adulte, ou pour découvrir de nouvelles dimensions de la prière. Et même si nous ne parvenons pas à faire cette expérience de libération - ces expériences ne s'achètent pas sur le marché, elles ne se commandent pas : elles arrivent, elles sont toutes un don - nous pouvons quand même essayer deux chemins qui produisent les mêmes fruits. Le premier consiste à nous souvenir des délivrances que nous avons vécues au cours de notre existence : l'une d'entre elles une fois rencontrée, franchir cette porte et nous retrouver dans le nouveau temps de la prière, ou du moins de l'humilité. Car se souvenir aujourd'hui d'un événement décisif d'hier et l'appeler par son nom (libération), c'est comme le revivre une deuxième fois. L'autre possibilité est d’engager des actes de libération pour les autres, d'essayer de libérer quelqu'un de l'esclavage. Jouer le rôle de Dieu, l'imiter en tant que libérateur. Le Jubilé sera vain si nous ne tentons pas au moins une de ces libérations, si nous ne franchissons pas une de ces portes.

Enfin, la conclusion du livre de Jonas nous révèle une autre dimension importante de la culture jubilaire. Après avoir été sauvé par le poisson et avoir prié, Jonas obéit finalement à l'ordre de Dieu et va prêcher à Ninive pour annoncer au peuple : « Encore quarante jours et Ninive sera détruite » (Jonas 3, 4). La ville - surprenant même Jonas, qui en sera très fâché - croit à la parole de Jonas et se convertit : « Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, grands et petits » (3,5). Le roi publie alors un décret appelant à une grande pénitence générale de tout le peuple, où nous trouvons un détail extraordinaire : « Hommes et bêtes, troupeaux et brebis ne goûteront rien, ne paîtront rien, ne boiront pas d'eau. Hommes et bêtes se couvriront de toile à sac. » (3, 7-8).

Même les animaux « se couvrent d'un sac », donc leur pénitence devient, elle aussi, nécessaire à la conversion et au pardon. Un passage très prophétique, qui devrait nous parler très fort aujourd'hui, plus qu'hier. Les animaux - et les plantes et toute la création - n'étaient pas responsables des péchés de Ninive, tout comme ils ne sont pas responsables aujourd'hui de la dégradation écologique de notre planète. Mais nous ne pourrons pas nous sauver et les sauver sans l'implication de toutes les espèces vivantes dans la résolution du problème. Nous, les humains, avons généré le problème, mais, par une solidarité objective et réelle de toute la création, nous ne sortirons pas de cette très grave crise environnementale si les animaux et les plantes ne « portent pas le sac » eux aussi. Le mal est désormais commun, le bien devra l'être aussi. Ceux qui ont tenté une solution vraie et sérieuse à un problème collectif et communautaire savent que l'analyse des fautes passées peut aggraver la crise si, un jour, tous ensemble, innocents et coupables, nous ne décidons pas de nous « revêtir de toile à sac » et de regarder enfin vers l'avenir. Cette participation des animaux à la conversion de Ninive est une parfaite expression de la culture du shabbat : si le « septième jour » les animaux participent aussi au repos de la création, si ce jour-là l'animal s'arrête aussi de travailler, alors ces deux œuvres et ces deux destins sont entrelacés et inséparables, pour le bien et pour le mal.

La bonne nouvelle, c'est que les animaux et les plantes portent déjà la toile à sac. Les arbres et les océans absorbent une grande partie du CO2 que nous produisons, atténuant les dommages qui, sans eux, auraient déjà rendu la planète invivable (pour nous). Eux, les innocents, sont déjà revêtus de toile à sac, ils ont commencé la pénitence de la terre.
Mais nous, les humains, quand ferons-nous de même ?

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Économie de la joie 5/ - L'Année Sainte, un moment propice pour se souvenir de sa propre libération et devenir des libérateurs pour les autres

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 06/05/2025

La liberté est un bien sui generis. Nous aimons beaucoup de choses, mais ce que nous aimons est beau et bon si et parce que nous sommes libres. Et si nous ne sommes pas libres, nous sacrifions tous les autres biens, jusqu’à la vie même, pour devenir libres, tout en sachant que nous ne le serons jamais pleinement ni définitivement, parce que le chemin de l'existence consiste à passer continuellement d'une libération à une autre. Il existe en effet un lien profond entre liberté et libération. Même si nous n'en sommes pas toujours conscients, ce que nous vivons comme une liberté - liberté de, liberté au moyen de, liberté pour, liberté avec... - est le résultat d'une libération, de plusieurs libérations. On est libre parce qu'on est libéré, depuis cette première libération stupéfiante et essentielle du ventre maternel, qui se poursuit avec les nombreuses libérations de l'enfance et de la jeunesse (de l'ignorance, de la dépendance économique, matérielle, affective). Puis tout au long de la vie, lorsque la libération prend la forme d'une sortie des « pièges de la pauvreté », là où nous conduit la main de la vie, des autres et/ou la nôtre. Jusqu'à la libération finale par la main de l'ange de la mort. En pleine maturité, nous découvrons alors que cette nostalgie qui nous surprend certains soirs, ou qui s'insinue dans un rêve récurrent, n'est rien d'autre qu'un profond désir de libération. Nous nous apercevons que nous aspirons à être libérés par quelqu'un. Et nous nous rendons finalement compte que même dans ce qui nous semblait, et peut-être était, une libération de soi, il y avait la présence invisible d'une autre main qui soutenait la nôtre : « Le pont-levis est de l'autre côté, et c'est depuis l'autre rive qu'ils doivent nous dire que nous sommes libres » (Jacob Taubes). L'essence de la foi se trouve dans la connaissance, ou du moins l'espoir, que non seulement la vie est un don, mais que la liberté l'est aussi. Et il en est ainsi même si c'est la main d'une personne concrète qui nous a libérés, ou si c'est nous - cette « libération de seconde main », qui attribue nos délivrances à Dieu, est un don collatéral à celui de la foi, parce qu'il nous libère des grandes dettes spirituelles et morales envers nos libérateurs terrestres : nous leur sommes reconnaissants, mais nous ne nous sentons pas redevables envers eux. Se sentir libéré nous libère ensuite de l'orgueil démesuré de notre autosuffisance et de notre toute-puissance, qui sont en train de devenir la religion la plus répandue de notre époque, où l'ego devient le seul croyant, le seul prêtre et le seul dieu. Le marché capitaliste adore cette nouvelle « religion » de masse, qui a déjà pris la place du christianisme en Occident.

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La vraie liberté est toujours un don. Le Jubilé aide à la comprendre

La vraie liberté est toujours un don. Le Jubilé aide à la comprendre

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Économie de la joie 4/ - De l'exil du peuple juif à Babylone émerge la simplicité d'une foi authentique, qui s'affine et se dépouille au fil du temps.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 23/04/2025

Dans la vision prophétique d’Ézéchiel, la maison de Dieu se transforme en fleuve, symbole d'une spiritualité qui dépasse la matérialité des lieux sacrés et se transforme en une eau vivifiante, toute terrestre et concrète.

La vie spirituelle commence dans une simplicité absolue - « Et il n'y eut qu'une voix ». Bientôt, cependant, elle se complique à mesure qu'elle s'enrichit, car cette simple première voix de la jeunesse devient un culte, une religion, un temple, des objets sacrés, des dogmes. Mais à la fin, après un longue période, si la vie suit son cours et ne nous projette pas hors de la route dans un virage particulièrement difficile et traître, nous redevenons simples et pauvres. Et là, pieds nus, on comprend enfin que tout ce qui compte dans la vie, c'est de tenter de devenir plus petit et plus simple pour essayer de passer par le chas de l'aiguille de l'ange - parce que les objets religieux et l'attirail que nous portons sur nous nous en empêchent. Ne passeront que cette première voix subtile, peut-être un ami fidèle, et une parcelle de vérité sur nous-mêmes. Nous occupons une bonne partie de notre vie à chercher Dieu dans les temples et les lieux sacrés, pour nous rendre compte, presque toujours trop tard ou à la fin, que ce que nous cherchions se trouvait tout simplement à la maison, dans les simples tâches quotidiennes... de l’évier à l’armoire. Mais nous ne pouvions pas le savoir avant d'avoir franchi cette porte étroite.

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Nous poursuivons notre étude du Jubilé biblique. Selon une ancienne tradition juive, la vision grandiose du temple par le prophète Ézéchiel a eu lieu « l'année du Jubilé » (Talmud Arakhin 12b,6). En effet, le Talmud y cite le début du chapitre 40 d’Ézéchiel, qui contient le récit de cette stupéfiante théophanie, centre de gravité de toute la Bible : « La vingt-cinquième année de notre déportation, au début de l’année, le dix du mois, quatorze ans après la chute de la ville [Jérusalem], en ce jour même, la main du Seigneur se posa sur moi. Il m’emmena là-bas. » (Ézéchiel 40, 1). Un événement situé sur les axes du temps et de l'espace avec la solennité d'un testament - parce qu'en réalité il s’agit bien d’un testament.

Cette tradition talmudique, en situant la vision du temple d’Ézéchiel dans une année jubilaire, nous dit quelque chose de très utile pour comprendre la nature et la culture du Jubilé. Quelques coordonnées historiques sont peut-être nécessaires. Ézéchiel, l’un des plus grands prophètes, a accompli sa mission en exil, puisqu'à l'âge de vingt-cinq ans il s'est retrouvé à Babylone lors de la première déportation (en 598 av. J.-C.), celle qui a touché les forces vives et l’élite intellectuelle. Il faut donc toujours garder à l'esprit un autre élément essentiel. Parmi les paroles que la Bible nous a laissées sur le Jubilé et la culture sabbatique qui en est la racine, beaucoup ont été écrites ou achevées pendant l'exil babylonien. Elles auraient été très différentes, certainement moins prophétiques, sans Ézéchiel, sans ce qu'on appelle le « second Isaïe » (l'auteur, entre autres, des « chants du serviteur de YHWH »), et, quoique d'une manière différente, sans Jérémie. Les règles du Jubilé font partie de la Loi, mais ne peuvent être comprises sans les prophètes. Car le Jubilé réunit en fait la Loi et l’Esprit, l’institution et la prophétie, le déjà et le pas encore. Ézéchiel avait prophétisé la destruction du temple des années avant qu'elle n'ait lieu, et avait fait de cette destruction future le centre de son message prophétique, qui représente un sommet, peut-être le sommet, de la prophétie biblique. À Babylone, il n'y avait pas de temple, il y avait les sanctuaires d'autres dieux, faux et menteurs. À Jérusalem, le temple du seul vrai Dieu serait détruit, prophétisait le jeune Ézéchiel, et c'est ce qui s'est passé. C'est à Ézéchiel, qui était aussi prêtre (sans temple), qu'est revenue la tâche décisive de devoir enseigner au peuple que le vrai Dieu, contrairement aux idoles, n'a pas besoin de l'enceinte sacrée du temple pour être présent et agir. La réalité de l'absence de temple en exil et de sa destruction dans la patrie est devenu un fait théologique et éthique : le temple n'est pas nécessaire à la foi, il peut même facilement devenir un obstacle à celle-ci. L'exil a été une immense destruction créatrice de la foi d'Israël. De retour dans leur pays, ces exilés sont revenus diminués, pauvres et anéantis par la plus grande défaite théologique et politique, mais il s'est produit chez eux quelque chose d'extraordinaire qui a marqué le début d'une nouvelle ère religieuse : celle de l'esprit, de Dieu présent hors du temple et en tout lieu, autrement dit l'ère de la vraie laïcité, de la religion de la terre. Dans cette vision du temple, Ézéchiel dépasse en un instant des millénaires de religion matérielle qui avait besoin de voir des statues et des images dans des temples et des sanctuaires pour sentir la présence de la divinité. Ils ne pouvaient pas le savoir, mais à Babylone, ces déportés ont commencé à adorer Dieu « en esprit et en vérité ».

En effet, la vision d’Ézéchiel commence par un nouveau temple et se termine par l'image merveilleuse et puissante d'un fleuve, dans l'une des pages les plus sublimes de toute la littérature antique, qui nous laisse encore sous le charme : « L’homme me fit revenir à l’entrée de la Maison, et voici : sous le seuil de la Maison, de l’eau jaillissait vers l’orient, puisque la façade de la Maison était du côté de l’orient… L’homme me fit sortir par la porte du nord et me fit faire le tour par l’extérieur, jusqu’à la porte qui fait face à l’orient, et là encore l’eau coulait du côté droit... c’était un torrent que je ne pouvais traverser ; l’eau avait grossi, il aurait fallu nager : c’était un torrent infranchissable. Alors il me dit : "As-tu vu, fils d’homme ?" » (Ez 47,1-6). Le temple devient une source, puis un fleuve. Une synthèse de l'humanisme biblique. L'eau de l'esprit qui féconde la terre n'est pas donnée pour laver les égouts du sang des sacrifices sous l'autel du temple. Et comme la Loi, le temple est aussi un pédagogue, qui doit un jour s'effacer pour laisser place au contact immédiat avec l'eau vive. La place sera le nouveau nom du temple. Ici le jeune prêtre Ézéchiel meurt et ressuscite dans le vieux prophète.

En réalité, nous savons que malgré la vision d’Ézéchiel et les passages des Évangiles, de Paul et de l'Apocalypse qui la confirment, l'homo religiosus d'hier et d'aujourd'hui a mille fois oublié le sens profond de cette prophétie. Les chrétiens aussi ont enfermé Dieu dans les lieux sacrés, lui ont consacré des choses et des personnes, et ont oublié la vision d’Ézéchiel. Parce que la culture religieuse aime les sanctuaires plus que les fleuves, les messes plus que les places, l'odeur de l'encens plus que celle des cuisines ou des usines. Ainsi, chaque jour, nous transformons la foi en bien de consommation, le temple en canapé, le Jubilé en passage de porte, la religion en zone de confort, et Dieu revient enchaîné dans ces lieux étroits que nous lui préparons sans lui en demander la permission. La Bible le sait, ses prophètes le savent certainement, et c'est pourquoi elle a conservé pour nous la vision d'un prophète mûri par les ans, à qui, vers la fin de sa mission (il avait alors plus de cinquante ans, dont vingt-cinq passés en exil), l'Esprit a fait voir le nouveau temple-fleuve dans la nouvelle Jérusalem - et sa prophétie s'est accomplie. Le temple se dissout pour devenir une eau qui irrigue et désaltère la terre.

Revenons enfin au Jubilé. C'est dans ce contexte de la source universelle et séculière du temple que nous trouvons des indications d’ordre économique : « Ayez des balances justes, un épha juste, un bath juste… Voici la contribution que vous prélèverez : un sixième d’épha par homer de blé et un sixième d’épha par homer d’orge… Dix bat correspondent à un homer… On prélèvera un mouton par troupeau de deux cents têtes des pâturages d’Israël lors de l’holocauste et des sacrifices de paix » (Ez 45,10-15). Si le temple devient une source d’eau, si le lieu de la religion est la rue, on ne peut s'étonner que pour le Talmud ce soient des règles jubilaires. Ainsi, au cœur de ces chapitres consacrés à l'une des plus grandes théophanies bibliques, Ézéchiel nous parle de balance, d'épha, de bat, de homer (unités de poids et de mesure), de pièces de monnaie, de moutons, il nous parle d'impôts, car c'est bien d'impôts qu'il s'agit.

Quel est le rapport entre les impôts et les eaux de la source sortie du temple ? Nous savons que dans le monde antique, y compris en Israël, le temple était aussi le centre de collecte et d'utilisation des impôts, en particulier de la dîme sur les produits agricoles. Mais pourquoi parle-t-on également d’impôts à propos de cette source nouvelle qui n'est pas le temple ? La réponse est simple. Dans la Bible, l'impôt n'est ni un vol, ni une usurpation, ni un instrument de guerre et encore moins un devoir : c'est la réciprocité, l'expression de la règle d'or et de la loi de communion qui doit inspirer la vie du peuple. En effet, nous ne comprenons pas la Bible si nous n’associons pas la sortie d'Égypte aux impôts, la Loi de Moïse aux pièces de monnaie, les anges et les visions aux contrats et aux dettes, l'argent de Juda et du bon Samaritain au tombeau vide. Mais nous, qui avons oublié la Bible et les évangiles, nous pensons que les piliers de la foi sont les paroles célestes, les prières, les apparitions, et nous considérons donc l'économie et la finance comme des réalités de second ordre, relevant des « choses d’ici-bas », comme les travaux de main d’œuvre ou les services de la table. Nous réduisons la foi et l'économie à presque rien, toutes deux déformées et perverties, et nous les plaçons ensuite dans un royaume de ténèbres où Mammon devient Dieu, et Dieu devient Mammon. Au contraire, la Bible nous répète sans cesse que les impôts relèvent du shabbat, qu'ils ont la même importance que le jubilé, le glanage de Rut, le buisson ardent et la mer ouverte : «Ainsi parle le Seigneur Dieu : C’en est trop, princes d’Israël ! Loin de vous la violence et la dévastation ; pratiquez le droit et la justice ; cessez vos exactions contre mon peuple. » (Ez 45, 9).

Ce n'est qu'en associant l’Ézéchiel de la vision du nouveau temple à l’Ézéchiel qui dit «dénonce» l'injustice économique, que la Bible devient libératrice et nous aide aujourd'hui à dire « non » à la violence, au vol et aux violences de nos puissants et de nos rois, même si nous ne le faisons jamais assez. Telles sont les vérités terre à terre, humbles et profanes que les prophètes nous donnent, pour nous enseigner aussi le vrai sens du Jubilé.

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Économie de la joie 4/ - De l'exil du peuple juif à Babylone émerge la simplicité d'une foi authentique, qui s'affine et se dépouille au fil du temps.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 23/04/2025

Dans la vision prophétique d’Ézéchiel, la maison de Dieu se transforme en fleuve, symbole d'une spiritualité qui dépasse la matérialité des lieux sacrés et se transforme en une eau vivifiante, toute terrestre et concrète.

La vie spirituelle commence dans une simplicité absolue - « Et il n'y eut qu'une voix ». Bientôt, cependant, elle se complique à mesure qu'elle s'enrichit, car cette simple première voix de la jeunesse devient un culte, une religion, un temple, des objets sacrés, des dogmes. Mais à la fin, après un longue période, si la vie suit son cours et ne nous projette pas hors de la route dans un virage particulièrement difficile et traître, nous redevenons simples et pauvres. Et là, pieds nus, on comprend enfin que tout ce qui compte dans la vie, c'est de tenter de devenir plus petit et plus simple pour essayer de passer par le chas de l'aiguille de l'ange - parce que les objets religieux et l'attirail que nous portons sur nous nous en empêchent. Ne passeront que cette première voix subtile, peut-être un ami fidèle, et une parcelle de vérité sur nous-mêmes. Nous occupons une bonne partie de notre vie à chercher Dieu dans les temples et les lieux sacrés, pour nous rendre compte, presque toujours trop tard ou à la fin, que ce que nous cherchions se trouvait tout simplement à la maison, dans les simples tâches quotidiennes... de l’évier à l’armoire. Mais nous ne pouvions pas le savoir avant d'avoir franchi cette porte étroite.

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Lorsque le temple devient source et les impôts Jubilé

Lorsque le temple devient source et les impôts Jubilé

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Économie de la joie 3/ La culture du Jubilé est profondément ancrée dans la Bible, comme dans les deux épisodes cruciaux du Livre de Néhémie.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 08/04/2025

La culture jubilaire ne se trouve pas uniquement dans les textes qui réglementent expressément le Jubilé ou l'année sabbatique. Dans plusieurs livres de la Bible, il existe en effet des passages qui contiennent des dimensions décisives pour comprendre l'humanisme du jubilé. Après avoir analysé le livre de Jérémie, nous allons maintenant examiner de plus près un chapitre du Livre de Néhémie, haut fonctionnaire (échanson) à la cour du roi perse Artaxerxès (465-424 av. J.-C.). Néhémie était un Juif laïc né en exil qui, comme Esther, a accédé aux plus hautes fonctions de la cour, avant de devenir gouverneur de la Judée sous l'occupation perse. Alors qu'il se trouve à Suse, Néhémie apprend la condition misérable des Juifs de Jérusalem : « Ceux qui ont échappé à la captivité et qui sont restés là-bas dans la province sont dans une grande détresse et dans la honte ; le rempart de Jérusalem n’est que brèches, et ses portes ont été dévastées par le feu. » (Ne 1, 3). Néhémie entend un appel (ch. 2), il demande au roi d'être envoyé à Jérusalem pour la reconstruire. Lorsque, en effet, une partie des exilés à Babylone rentra chez elle, la coexistence avec les Juifs restés à Jérusalem ne fut pas facile. Tout d’abord pour des raisons économiques et patrimoniales évidentes : les terres des déportés étaient passées, au moins en partie, aux familles restées sur place et étaient soudain revendiquées ; mais il y avait aussi des raisons théologiques et religieuses : ceux qui avaient échappé à la déportation avaient tendance à traiter les déportés comme des coupables qui avaient mérité l'exil (ce qui est très courant dans de nombreuses communautés).

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Alors que Néhémie commence à reconstruire les murs et la dignité de son peuple à Jérusalem, son livre relate un épisode très important : « Une grande plainte s'éleva du peuple et de ses femmes contre leurs frères juifs. Certains disaient : "Nos fils et nos filles sont nombreux ; prenons du grain pour manger et vivre." Néhémie fut très indigné par ce qu'il entend. Puis il se tourna vers les notables et les magistrats : "Exigez-vous donc un intérêt entre frères ?" Il convoqua son peuple et lui dit : "Ce que vous faites n'est pas juste... Remettons cette dette ! Rendez-leur aujourd'hui leurs champs, leurs vignes, leurs oliviers et leurs maisons, ainsi que les intérêts du blé." Ils répondirent : "Nous rembourserons et nous n'exigerons plus rien d'eux ". Alors, toute l'assemblée dit “Amen” et loua le Seigneur. Le peuple tint parole » (5,1-13). Un merveilleux amen économique et financier, tout à la fois profane et spirituel.

Le cri des « femmes » aux hommes de la communauté est également très important. Des paroles fortes venues de loin qui devraient nous faire réfléchir sur une constante douloureuse de l'histoire humaine. Il s'agit de l'infinie douceur et de la patience héroïque des épouses et des femmes qui, au cours des millénaires, ont subi la violence des guerres déclenchées par des hommes, et continuent de le faire. Une profonde et vaste souffrance féminine, impuissante et innocente, qui traverse les lieux et les époques, toutes les cultures. Un héritage éthique colossal de l'humanité, une douleur collective millénaire, qui mériterait au moins le prix Nobel de la paix, décerné aux femmes d'hier et d'aujourd'hui, qui ont non seulement entretenu la paix et combattu dans leurs foyers et sur les places toutes les guerres, mais qui ont été et sont les premières à souffrir dans leur corps et dans leur âme de la dévastation et des atrocités de toutes les guerres. Les hommes ont fait et font la guerre sur les champs de bataille et dans les engins de mort, les femmes la font dans leur chair et dans celle de leurs fils et de leurs maris : une souffrance doublée, multipliée, infinie. « J'ai toujours à l'esprit ce qu'a dit Teresa Mattei, la plus jeune des vingt-et-un constituants : lors du vote de la Constitution, et plus précisément de l'article 11 concernant la répudiation de la guerre, les femmes, quelle que soit leur appartenance politique, se sont prises par la main. Je suis encore émue lorsque je lis ce souvenir. » (Lucia Rossi, Secrétariat Spi-CGIL). Une image magnifique de la grande et tenace alliance des femmes pour la paix, pour exprimer, avec le langage silencieux de leur corps et de leurs mains, leur rejet absolu de la guerre. Cette splendide solidarité entre les femmes qui survit encore, difficilement, mûrie au cours des siècles pendant les guerres, lorsqu'elles ont appris à garder la vie et l'espoir dans un monde d'hommes qui les tuaient mille fois avec des armes, des gestes et des mots erronés - le premier pouvoir est toujours celui du langage par lequel tous les discours sont écrits et tous les mots sont contrôlés. Cette protestation et cette résistance des femmes nous révèlent une autre dimension fondatrice de la culture jubilaire, que nous avons oubliée tout au long de l'histoire de la chrétienté en reléguant les femmes au rôle de figurantes dans les coulisses des églises, dans les chorales, dans les « amens » liturgiques, dans les files des processions.

Cet acte de Néhémie et des femmes est donc l'un des plus beaux épisodes de la Bible qui nous dit, entre autres, que la grande douleur de soixante-dix ans d'exil babylonien n'avait pas suffi pour que les lois mosaïques sur l'interdiction du prêt à intérêt deviennent une culture répandue au sein du peuple - tout comme il ne suffit pas aujourd'hui de mettre quelques femmes en politique pour changer la culture de la guerre. Les péchés économiques se sont poursuivis même après le retour dans la patrie (538 av. J.-C.). Mais du grand traumatisme de l'exil le long des fleuves de Babylone, le peuple avait appris l'importance essentielle de la culture du shabbat et donc de la remise des dettes et de la libération des esclaves. La Bible est aussi la gardienne secrète et discrète de quelques gestes différents, parfois d'un seul, pour que nous puissions les transformer en semences.

Ce grand épisode ne prend tout son sens que si nous le lisons en parallèle avec le chapitre 8 du même Livre de Néhémie, dans l'un des passages les plus connus et les plus importants de toute la Bible, qui met en scène le prêtre Esdras.C'est un moment déterminant de la refondation religieuse et communautaire du peuple, d'une rare force lyrique. Le voici : « Tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place devant la porte des Eaux et dit au scribe Esdras d'apporter le Livre de la Loi de Moïse... Esdras apporta la Loi devant l'Assemblée des hommes, des femmes et de ceux qui étaient capables de comprendre... Quand Esdras ouvrit le livre, tout le peuple se leva. Esdras bénit le Seigneur, le grand Dieu, et tout le peuple répondit : Amen, amen, en levant les mains... Tout le peuple pleurait en écoutant les paroles de la Loi » (chap. 8, 1-9). Encore un amen, un bel amen - comme il serait merveilleux de pouvoir répéter l'un de ces « amen » comme dernier mot sur cette terre !

Nous savons aujourd'hui qu'il n'y a pas de lieu plus liturgique pour proclamer la parole de Dieu qu'une rue, une place ou un marché. Cette place devant la Porte des Eaux nous rappelle la première petite tente qui, sur les pentes du Sinaï, recouvrait l'Arche d'Alliance qui contenait les tablettes de la Torah. Cette tente devint un jour le grand temple de Salomon, mais dans le peuple, la nostalgie de cette première tente mobile, de sa pauvreté et de sa liberté, quand « il n'y avait qu'une seule voix », ne s'était jamais estompée. Et c'est là que se trouve la racine de la prophétie qui clôt la Bible : dans la nouvelle Jérusalem, « je n'ai pas vu de temple » (Ap 21,22), et « l'arbre de vie » se trouvait « au milieu de la place de la ville » (22,2).

Ce récit n'est pas seulement un point (peut-être le point) à l’origine de la tradition de l'utilisation liturgique et communautaire de l’Écriture ; c'est aussi le don de la parole, de la Torah au peuple tout entier - la lecture a duré de nombreuses heures, et tous se sont levés. Ce n'est plus le monopole des scribes et des prêtres, la parole devient ici l’élément essentiel d'un nouveau pacte social, d'une résurrection collective - le mot peuple est répété douze fois. Et l'exil est vraiment terminé. Il y a eu d'autres moments de transmission de la parole dans l'histoire d'Israël. Mais la Bible a voulu nous donner ce moment particulier, un acte solennel présenté avec la même force qu'un testament, pour marquer le début d'un temps nouveau, qui peut être le nôtre.

Il y a aussi un détail important : cette assemblée du peuple a lieu « sur la place de la porte des Eaux ». Cet événement liturgique et spirituel décisif n'a donc pas lieu dans le temple, ce qui nous indique que la Parole a priorité sur le temple - rappelons qu'à Jérusalem, le temple n'avait jamais cessé de fonctionner. Nous trouvons donc dans ce passage un fondement de la véritable laïcité biblique: la Parole peut être proclamée, peut-être doit-elle être proclamée sur la place, au milieu des rues de la ville, où elle continue ensuite à marcher en « procession » - une procession civile qui rappelle celles qui ont eu lieu lors de la fondation des premiers Monts de Piété au XVe siècle. Depuis ce jour, nous savons qu'il n'y a pas de lieu plus liturgique pour proclamer la parole de Dieu qu'une rue, une place, un marché. Cette place devant la Porte des Eaux nous rappelle la première petite tente qui, sur les pentes du Sinaï, recouvrait l'Arche d'Alliance contenant les tablettes de la Torah. Cette tente devint un jour le grand temple de Salomon, mais dans le peuple, la nostalgie de cette première tente mobile, de sa pauvreté et de sa liberté, quand « il n'y avait qu'une seule voix », ne s'était jamais estompée. Et c'est là que se trouve la racine de la prophétie qui clôt la Bible : dans la nouvelle Jérusalem, « je n'ai pas vu de temple » (Ap 21, 22), et « l'arbre de vie » se trouvait « au milieu de la place de la ville » (22, 2).

Revenons maintenant à la culture du Jubilé. Le nouveau fondement liturgique de la communauté, la laïcité de la place qui l'emporte sur le caractère sacré du temple, est préparé par le pacte économique et social de la remise des dettes, généré par le cri des femmes au chapitre 5. Néhémie a d'abord rétabli la communion et la justice dans l'ordre des relations sociales, des biens et des dettes, et ensuite seulement il a rétabli la liturgie et donné la parole. Un message d'une grande valeur. Néhémie a fait l'assemblée sur la place parce que cette assemblée liturgique était déjà une assemblée politique et sociale.

Les réformes religieuses, liturgiques, « spirituelles » qui ne sont pas précédées de réformes économiques, financières et sociales ne sont pas seulement inutiles : elles sont extrêmement nuisibles parce qu'elles finissent par donner un chrême sacré à l'injustice, aux mauvaises relations sociales et aux abus.

Même notre jubilé ne passera pas en vain si, avant de franchir les portes saintes et les indulgences plénières, nous sommes capables de nouveaux pactes sociaux, d'annuler quelques dettes, de libérer au moins un esclave, d'écouter le cri des femmes et des pauvres. Mais, jusqu'à présent, ces actes jubilaires ne semblent pas figurer à l'ordre du jour de nos communautés.

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Économie de la joie 3/ La culture du Jubilé est profondément ancrée dans la Bible, comme dans les deux épisodes cruciaux du Livre de Néhémie.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 08/04/2025

La culture jubilaire ne se trouve pas uniquement dans les textes qui réglementent expressément le Jubilé ou l'année sabbatique. Dans plusieurs livres de la Bible, il existe en effet des passages qui contiennent des dimensions décisives pour comprendre l'humanisme du jubilé. Après avoir analysé le livre de Jérémie, nous allons maintenant examiner de plus près un chapitre du Livre de Néhémie, haut fonctionnaire (échanson) à la cour du roi perse Artaxerxès (465-424 av. J.-C.). Néhémie était un Juif laïc né en exil qui, comme Esther, a accédé aux plus hautes fonctions de la cour, avant de devenir gouverneur de la Judée sous l'occupation perse. Alors qu'il se trouve à Suse, Néhémie apprend la condition misérable des Juifs de Jérusalem : « Ceux qui ont échappé à la captivité et qui sont restés là-bas dans la province sont dans une grande détresse et dans la honte ; le rempart de Jérusalem n’est que brèches, et ses portes ont été dévastées par le feu. » (Ne 1, 3). Néhémie entend un appel (ch. 2), il demande au roi d'être envoyé à Jérusalem pour la reconstruire. Lorsque, en effet, une partie des exilés à Babylone rentra chez elle, la coexistence avec les Juifs restés à Jérusalem ne fut pas facile. Tout d’abord pour des raisons économiques et patrimoniales évidentes : les terres des déportés étaient passées, au moins en partie, aux familles restées sur place et étaient soudain revendiquées ; mais il y avait aussi des raisons théologiques et religieuses : ceux qui avaient échappé à la déportation avaient tendance à traiter les déportés comme des coupables qui avaient mérité l'exil (ce qui est très courant dans de nombreuses communautés).

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Le Jubilé commence à l'extérieur du temple par des actions concrètes « sur les places »

Le Jubilé commence à l'extérieur du temple par des actions concrètes « sur les places »

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Économie de la joie 2/ Que nous apprend le récit biblique de la libération des esclaves pendant le siège babylonien de Jérusalem ?

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 25/03/2025

La culture sabbatique et jubilaire imprègne l'ensemble de l'humanisme biblique. La célébration hebdomadaire du shabbat, puis de l'année sabbatique tous les sept ans, et enfin du Jubilé, a utilisé le rythme cyclique pour créer une véritable culture du Shabbat. L’Église aussi a utilisé pendant des siècles la méthode cyclique de la liturgie et des fêtes pour créer une culture chrétienne (christianitas). Toute la culture populaire résulte du culte, donc d'actions répétées, quotidiennes et cycliques. Nous le voyons bien avec le capitalisme et ses nombreuses liturgies commerciales, y compris ce dernier rituel qui consiste à entrer dans un magasin, à payer vingt euros pour recevoir au gré du hasard un colis jamais récupéré par son acheteur - avant l'avènement de la religion capitaliste, ces colis auraient trouvé place dans une vente de charité. C'est pourquoi, dans l'histoire biblique, les gestes sabbatiques ne suivaient pas uniquement le rythme des sept ans. Ils pouvaient également avoir lieu en dehors de l'année sabbatique ou jubilaire, comme nous le savons, entre autres, grâce à un épisode important raconté par le prophète Jérémie - les prophètes sont indispensables pour comprendre la culture biblique du Jubilé.

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Nous sommes à Jérusalem, assiégée depuis longtemps par Nabuchodonosor et son armée babylonienne, siège qui conduira à la destruction de la ville en 587 (ou 586) avant J.-C. , puis à l'exil. Le royaume de Juda a déjà perdu son autonomie. Dix ans plus tôt, lors de la première déportation, Nabuchodonosor avait déporté le roi d'alors, Ioiakìm, et avait mis à sa place Sédécias, le dernier roi du royaume de Juda, un roi qui « fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur » (2 Rois 24,19). Ce roi, petit et faible, accomplit pendant les longs mois du siège de Jérusalem un geste important : « La Parole du Seigneur fut adressée à Jérémie de la part de YHWH, après que le roi Sédécias eut conclu avec tout le peuple de Jérusalem une alliance qui proclamait l’affranchissement des esclaves : chacun devait renvoyer libre son esclave hébreu, homme ou femme, de sorte que personne ne soit asservi à son frère juif. » (Jr 34, 8-10). Il s'agit d'un fait historique probable. Sédécias, peut-être comme dernier recours politico-religieux pour éviter une défaite totale, et sur les conseils de Jérémie, fait un pacte avec le peuple, un geste qui ressemble beaucoup à une année sabbatique. Il reprend même, semble-t-il, le rite de l'alliance d'Abraham, avec le passage des contractants entre les deux parties du veau écartelé (34,17-21). Ce geste jubilaire concernait notamment la libération des esclaves. A l'époque, un juif devenait l'esclave d'un autre juif pour cause de dette. Il s'agissait d'esclaves économiques. La Loi reçue de Moïse stipulait que l'esclavage économique ne pouvait durer plus de six ans (le plus ancien code d'Hammourabi stipulait un maximum de trois ans : § 117). Dans cette culture, l'esclavage ne pouvait être perpétuel, l'échec économique ne devait pas devenir une condamnation à vie, l'économie n'avait pas le dernier mot sur la vie. Les esclaves ne pouvaient être libérés, les dettes ne pouvaient être annulées qu’en vertu d’une alliance plus profonde que les simples contrats. Des millénaires après la loi biblique, nous avons écrit des constitutions et des codes qui, d'une certaine manière, sont plus humains et plus éthiques que la Loi-Torah (grâce aussi à la semence biblique qui est devenue un arbre), mais nous n'avons pas été capables d'imaginer une autre temps de libération pour les nombreux esclaves et les trop nombreuses dettes des malheureux, parce que nous avons éliminé toute alliance plus profonde que les contrats.

Jérémie savait que la loi sabbatique n'avait pas été respectée dans le passé : « Ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël : "Moi, j’ai conclu une alliance avec vos pères, le jour où je les ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude, en déclarant : bout de sept ans, chacun renverra son frère hébreu qui se sera vendu à lui. Il te servira durant six ans ; puis tu le renverras libre, de chez toi." Mais vos pères ne m’ont pas écouté, ils n’ont pas prêté l’oreille. » (34,12-14). Ces pères n'avaient pas vécu la culture sabbatique. Jérémie se demandait donc si les choses seraient différentes cette fois-ci.

Le récit nous apprend bientôt que le peuple a obéi, et que les esclaves ont donc bien été libérés : « Tous les chefs et tout le peuple, qui avaient adhéré à l'alliance, acceptèrent de renvoyer libres leurs esclaves, hommes et femmes, de sorte qu’ils ne leur soient plus asservis. » (34,10). Tout semble aller vers une véritable conversion, les esclaves sont libérés pour de bon, après tant d'échecs passés. Face à l'imminence de la plus grande tragédie, le pacte de libération de Sédécias semble avoir enfin réussi.

Mais voici le coup de théâtre : « Mais après cela, ces libérateurs s’étant ravisés, ils firent revenir leurs esclaves, hommes et femmes, qu’ils avaient renvoyés libres, et les réduisirent à nouveau en servitude.» (34, 11). Nous sommes en présence d'une contre-repentance, d'une conversion perverse qui annule la première qui était bonne. Le peuple change d'avis et rétablit la précédente condition d’injustice. Nous ne connaissons pas les raisons de ce revirement, mais sa cause principale est probablement l’assouplissement provisoire du siège de Nabuchodonosor (34, 22). Ce recul tactique temporaire a produit une nouvelle vague d'idéologie nationaliste de la part des faux prophètes qui avaient toujours combattu Jérémie. Au cours de l'été 587, Nabuchodonosor suspend le siège de Jérusalem. Les faux prophètes, toujours à la recherche d’arguments pour continuer à tromper le peuple à leur profit, avaient donc utilisé cet événement temporaire pour convaincre le roi que cette fois encore (comme à l'époque du prophète Isaïe et de la défaite des Assyriens), Dieu intervenait, le miracle était en train de se produire : David allait à nouveau terrasser Goliath. L’atténuation de la grande peur a suffi pour violer ce pacte de libération, pour rompre l'alliance. Les esclaves ont été libérés un instant, le rêve s'est évanoui, ils sont retournés dans la condition de servitude.

Dans toute alliance, l'élément crucial est le temps. L'alliance est un bien durable, qui s’inscrit dans le temps. Nous pouvons et devons nous dire l'un à l'autre le jour de notre mariage « pour toujours » avec toute la sincérité et la vérité dont nous sommes capables ; nous pouvons vraiment nous repentir et promettre de changer notre vie, nous le dire à nous-mêmes et l'un à l'autre. Mais seuls Dieu et ses vrais prophètes peuvent changer la réalité des choses en les disant. Il ne nous suffit pas de dire les mots pour créer une nouvelle réalité : cette parole doit prendre corps, au niveau individuel et collectif, et elle a donc besoin de temps. Marie aussi a eu besoin de neuf mois. Nous ne pouvons pas savoir aujourd'hui quel est le degré de vérité des mots que nous prononçons sincèrement à un moment donné - cette ignorance du résultat de nos conversions sincères fait partie du répertoire moral de l'homo sapiens, même chez les meilleures personnes. Ce n'est peut-être qu'à la fin, lors de notre étreinte avec l'ange de la mort, que nous découvrirons la vérité substantielle des plus belles paroles que nous avons sincèrement prononcées tout au long de notre vie.

Mais les repentances perverses les plus graves et les plus terribles sont les repentances collectives. Lorsqu'une communauté ou une génération entière répudie les paroles et les actes que ses prophètes ont prononcés et accomplis à certains moments lumineux de son histoire. Nous érigeons des murs que nous avions abattus en temps de lumière, nous fermons des frontières qu'un jour radieux nous avions ouvertes, nous laissons mourir (ne l'oublions pas) des ados avec leur bulletin scolaire cousu à l’intérieur de leur veste, dans un mare nostrum devenu mare monstrum. Et puis, il suffit d'un semblant ralentissement du siège pour que les faux prophètes nous convainquent qu'il n'y a pas de véritable crise climatique, que nous sommes innocents, que ce sont les glaciers et les rivières qui sont les coupables. Il a suffi d'un petit changement d'intérêts mutuels en géopolitique pour effacer de sublimes paroles prononcées après de grandes blessures collectives, gravées sur les plaques commémoratives de nos places, dans nos cimetières, inscrites dans nos constitutions. Et nous retournons devant les cadrans mortifères de nos carlingues, nous suivons les joueurs de flûte qui nous convainquent d'armer la guerre à coups de citations empruntées aux vrais prophètes d'hier. Nous retournons dans les rues à la recherche des esclaves, nous les emprisonnons dans les galères des idéologies méritocratiques et dirigistes, nous les condamnons parce qu'ils sont coupables de leur pauvreté et de leur malheur. Caïn l'emporte encore sur Abel, le fratricide sur la fraternité, Jézabel élimine encore Naboth, Urie est encore tué par David, le Golgotha l'emporte sur le tombeau vide.

Les faux prophètes s'étaient évertués pendant des années à nier la grande crise et la fin du royaume, ils avaient convaincu (presque) tout le monde que le véritable ennemi n'était pas Nabuchodonosor mais Jérémie qui voulait tromper le peuple avec ses thèses conspirationnistes et défaitistes. Ils citaient Isaïe pour réfuter Jérémie, tout comme nous citons De Gasperi pour nous réarmer et nous utilisons même l'« épée » dont parle l'évangile pour justifier nos épées. Nous construisons de nouveaux Forts Bastiani, nous y envoyons de nouveaux Giovanni Drogo pour les défendre contre des ennemis imaginaires, pour découvrir, peut-être, à la fin, que le véritable ennemi à combattre n'était que la peur de la mort de notre civilisation agonisante.

La Bible et l'histoire de l'humanité sont jalonnées d'une lutte profonde entre les vrais et les faux prophètes. Avec une constante : le pouvoir écoute (presque) toujours les faux prophètes. Ainsi, même si parfois, lors de grandes peurs et épreuves collectives (guerres, dictatures, tragédies, pandémies...), nous parvenons à croire les vrais prophètes et à nous convertir, après quelques semaines ou quelques mois, les faux prophètes reprennent le dessus. Et nous retournons encore dans les rues pour traquer ces esclaves que nous avions libérés en des jours meilleurs.

Qu’ils reviennent les vrais prophètes, qu’ils reviennent maintenant, la ville est sur le point d'être encore détruite.

Dédié au Pape François.

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Économie de la joie 2/ Que nous apprend le récit biblique de la libération des esclaves pendant le siège babylonien de Jérusalem ?

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 25/03/2025

La culture sabbatique et jubilaire imprègne l'ensemble de l'humanisme biblique. La célébration hebdomadaire du shabbat, puis de l'année sabbatique tous les sept ans, et enfin du Jubilé, a utilisé le rythme cyclique pour créer une véritable culture du Shabbat. L’Église aussi a utilisé pendant des siècles la méthode cyclique de la liturgie et des fêtes pour créer une culture chrétienne (christianitas). Toute la culture populaire résulte du culte, donc d'actions répétées, quotidiennes et cycliques. Nous le voyons bien avec le capitalisme et ses nombreuses liturgies commerciales, y compris ce dernier rituel qui consiste à entrer dans un magasin, à payer vingt euros pour recevoir au gré du hasard un colis jamais récupéré par son acheteur - avant l'avènement de la religion capitaliste, ces colis auraient trouvé place dans une vente de charité. C'est pourquoi, dans l'histoire biblique, les gestes sabbatiques ne suivaient pas uniquement le rythme des sept ans. Ils pouvaient également avoir lieu en dehors de l'année sabbatique ou jubilaire, comme nous le savons, entre autres, grâce à un épisode important raconté par le prophète Jérémie - les prophètes sont indispensables pour comprendre la culture biblique du Jubilé.

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Paix et liberté en péril pour ceux qui suivent les faux prophètes

Paix et liberté en péril pour ceux qui suivent les faux prophètes

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Économie de la joie 1/ Les sources hébraïques entament le voyage vers le sens d'un événement au potentiel révolutionnaire : parce que nous ne sommes « maîtres » de rien.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 11/03/2025

Le jubilé biblique était avant tout une affaire économique et sociale. C'était l'annonce d'une année différente, extraordinaire, où les esclaves étaient libérés, les terres rendues à leurs propriétaires d'origine, les dettes remises. Le mot jubilé vient de l'hébreu Jôbel, le son de la corne de bélier par lequel on ouvrait certaines grandes fêtes. Mais il y a peut-être aussi l’écho d'un autre mot hébreu, jabal, qui signifie « rendre, renvoyer », ce qui met l'accent sur les dimensions sociales et économiques. Le jubilé était en fait une année sabbatique au carré, se produisant tous les sept ans sabbatiques, donc tous les 49 ans, arrondis à 50.

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Pour comprendre le jubilé chrétien, il faut donc se pencher sur le jubilé biblique, et pour cela, il faut commencer par l'année sabbatique et ensuite par le shabbat. Le passage fondamental de l'Écriture est le chapitre 25 du Lévitique. Nous y trouvons les trois piliers du Jubilé : la terre, les dettes, les esclaves. Lors du Jubilé, les actes de fraternité envers les hommes (dettes et esclaves) et envers la création (terre et plantes), qui sont célébrés tous les sept ans à l’occasion de l'année sabbatique, devaient être accomplis avec une plus grande rigueur. Au cours de cette année spéciale, la terre doit se reposer. En outre, si une terre a été laissée à une famille dans le besoin, elle doit retourner à son ancienne propriété : « Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Ce sera pour vous le jubilé : chacun de vous réintégrera sa propriété, chacun de vous retournera dans son clan… Vous ne ferez pas les semailles, vous ne moissonnerez pas le grain qui aura poussé tout seul, vous ne vendangerez pas la vigne non taillée. Le jubilé sera pour vous chose sainte, vous mangerez ce qui pousse dans les champs.» (Lv 25, 10-12). Puis les dettes : «Si ton frère tombe dans la pauvreté et sous ta dépendance, tu le soutiendras comme s’il était un immigré ou un hôte, et il vivra avec toi...
Ne tire de lui ni intérêt ni profit. Tu ne lui prêteras pas de ton argent pour en tirer du profit ni de ta nourriture pour en percevoir des intérêts.» (Lv 25, 35-37). Il n'y a pas de mention explicite de la remise ou de l'annulation des dettes dans le règlement du Jubilé, car le Jubilé étant une année sabbatique, ce qui devait déjà être fait tous les sept ans est considéré comme allant de soi : «Au bout de sept ans, tu feras la remise des dettes.Voici comment se fera cette remise : tout possesseur d’une créance fera remise à son prochain de ce qu’il lui aura prêté. » (Dt 15, 1-2). Enfin, les esclaves : « Si ton frère tombe dans la pauvreté et s’il se vend à toi, tu ne lui imposeras pas un travail d’esclave ; il sera pour toi comme un travailleur salarié et travaillera avec toi jusqu’à l’année jubilaire. Alors il te quittera, lui et ses enfants, et il retournera dans son clan ; il réintégrera la propriété de ses pères... Il sera libre l'année du jubilé : lui avec ses fils » (Lv 25,39-41,54). Et dans le livre du Deutéronome, nous avons des détails importants : «Quand, parmi tes frères hébreux, un homme ou une femme se sera vendu à toi, il te servira durant six ans. La septième année, tu le renverras libre de chez toi et, en ce cas, tu ne le renverras pas les mains vides : tu le couvriras de cadeaux avec le produit de ton petit bétail, de ton aire à grain et de ton pressoir... » (15, 12-14),. Non seulement l'esclave sera libéré, mais la libération s'accompagnera d'un surplus de dons. On n'est pas obligé de rester débiteur pour toujours, on n'est pas esclave pour toujours : seulement pour six années, pas pour la septième.

L'année sabbatique suit la même logique que le shabbat, cette merveilleuse institution de l'Ancien Testament sans laquelle l'humanisme biblique ne peut être compris. Le shabbat est l'icône ultime de ce principe cher au pape François : le temps est supérieur à l'espace, car en apposant le sceau de la gratuité sur un jour de la semaine, il a soustrait le temps à la domination absolue et prédatrice des hommes : « Afin que ton bœuf et ton âne se reposent, que les enfants de ton esclave et l'étranger respirent » (Ex 23, 11-12). Si en un jour vous ne pouvez pas faire travailler vos animaux, la terre, l'employé, l'étranger, toi-même, alors toi, l’homo sapiens, tu n'es pas le maître du monde. Tu n'en es qu'un habitant, comme tous les autres : tu as plus de pouvoir mais tu n'es pas le maître de la terre, du travail, des animaux, des arbres, des océans, de l'atmosphère. Parce que la terre est toujours une terre promise jamais atteinte, parce que tout bien est un bien commun. Il en va ainsi du terrain sur lequel est bâtie notre maison, des biens que nous avons légitimement achetés sur le marché, de notre compte en banque. Avant la propriété privée il existe dans le monde une loi plus profonde et plus générale de gratuité qui concerne tout et tout le monde, une prophétie radicale de fraternité humaine et cosmique. La terre n'est pas «l’affaire» de Mazzarò (G. Verga), les travailleurs ne sont pas des esclaves ni des serviteurs, les animaux ne valent pas seulement par rapport à nous : avant tout, tout chose vaut par rapport à elle-même : pour la Bible, toute propriété est imparfaite, tout domaine vient est au second rang, tout contrat est incomplet, aucun homme n'est vraiment ni seulement un étranger, la fraternité précède les dettes et les crédits, et en change la nature.

Le Shabbat est donc le prélude d'un autre temps, du « septième âge » de Joachim de Fiore et des Franciscains, d'un temps messianique où tout et tous ne seront que sous le signe du Shabbat. C'est donc la distance entre la loi de l'année sabbatique et celle des six autres années qui est le premier indicateur du capital éthique et spirituel d'une civilisation, de toute civilisation. C'est la distance entre le citoyen et l'étranger, entre nos droits et ceux de toute créature, entre la terre que j'utilise aujourd'hui et celle que je laisserai à mes enfants, qui dit la qualité morale de la société humaine. Lorsque nous oublions qu'il existe un jour différent et vacant qui ne dépend pas de nous, la terre ne respire plus, les animaux et les plantes ne valent que pour les services qu’ils nous rendent, les étrangers ne deviennent jamais des gens de chez nous, les hiérarchies deviennent impitoyables, les chefs ne sont jamais des suiveurs, le travail n'est jamais entre frères, mais il n’y a que celui de l'esclave ou du maître.

Jésus était parfaitement au courant du Jubilé, comme nous le rappelle Luc, qui montre Jésus de retour à Nazareth lisant dans la synagogue le chapitre d'Isaïe sur l'année du Jubilé : «L’Esprit du Seigneur est sur moi... Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.» (Luc 4,18-19). Une « année de la grâce du Seigneur » (aphesis), c'est-à-dire de délivrance : une année jubilaire. Jésus a critiqué un shabbat qui perdait la prophétie pour nous dire que le Royaume des cieux est un shabbat éternel, un septième âge qui s’avère constamment nouveau. Ce que le Deutéronome assigne à l'année sabbatique - « Qu'il n'y ait pas de pauvres parmi vous » (Dt 15, 4) - deviendra dans la nouvelle communauté du Royaume la règle de la vie ordinaire : « Parmi les croyants, personne n'était dans le besoin » (Ac 4, 34).

Il est probable que le peuple d'Israël n'ait pas célébré l'année jubilaire tout au long de son histoire, comme le montrent les dénonciations répétées des prophètes à propos des esclaves non libérés, des dettes non remises et des terres non restituées. Même les chrétiens n'ont pas pu faire de la communion des biens leur économie normale, ils ne sont pas entrés dans l'économie sabbatique du Royaume.

Si l'Occident avait pris au sérieux la culture du jubilé, nous n'aurions pas engendré le capitalisme ou celui-ci aurait été très différent. En fait, notre capitalisme est devenu l'anti-Shabbat, sa négation, son antéchrist, sa prophétie à rebours : « Le capitalisme est la célébration d'un culte “sans répit ni pitié”. Il n'y a pas de “jours ouvré”, il n'y a pas de jour qui ne soit une fête, dans le sens effrayant du déploiement de toute une pompe sacrée, de l'effort extrême de l'adorateur » (W. Benjamin, Capitalism as Religion, 1921). Il ne connaît pas de repos, le travail ne se défait jamais de son joug ; aucune heure, aucun jour, aucun temps n'est différent des autres, la terre n'est qu'une ressource à exploiter, mieux vaut qu'elle devienne une terre rare.

La présence de l'année jubilaire est dans la Bible le principal dispositif anti-idolâtrique. Une civilisation qui consomme tout son temps comme une marchandise est techniquement idolâtre, car en se rendant maître de tous les jours et de tous les temps, elle fait d’elle-même le seul dieu à adorer. Le capitalisme est une idolâtrie parce qu'il a marqué la mort définitive du septième temps, il a dévoré le shabbat et le dimanche en les transformant en week-end, ce qui symbolise l'apothéose de la consommation.

L'année jubilaire a déjà commencé depuis quelques mois. Mais pour quelques-uns d'entre nous, c'est un autre temps qui a commencé. Nous ne laissons pas la terre respirer, nous ne libérons aucun débiteur ou esclave. Au cours de ces semaines, avec cette nouvelle série d'articles, nous ferons un pèlerinage dans l'esprit du jubilé, dans son économie de la joie.

Il se peut que le peuple d'Israël ait écrit les règles de l'année jubilaire pour commémorer la grande libération de l'exil babylonien, puis le retour des esclaves dans leurs foyers et la restitution de la terre. L'énorme traumatisme de l'exil babylonien est devenu une année jubilaire forcée qu'Israël est enfin contraint de vivre après l'avoir longtemps oubliée : « Nabuchodonosor déporta à Babylone ceux qui avaient échappé à l'épée... jusqu'à ce que le pays eût joui de ses sabbats » (2 Chroniques 36, 20). C'est en exil que le peuple a appris le jubilé. L’exil écologique et les nouvelles guerres nous obligeront-ils aussi à apprendre une autre façon de gérer la terre et les relations sociales ?

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Économie de la joie 1/ Les sources hébraïques entament le voyage vers le sens d'un événement au potentiel révolutionnaire : parce que nous ne sommes « maîtres » de rien.

par Luigino Bruni

publié dans Avvenire le 11/03/2025

Le jubilé biblique était avant tout une affaire économique et sociale. C'était l'annonce d'une année différente, extraordinaire, où les esclaves étaient libérés, les terres rendues à leurs propriétaires d'origine, les dettes remises. Le mot jubilé vient de l'hébreu Jôbel, le son de la corne de bélier par lequel on ouvrait certaines grandes fêtes. Mais il y a peut-être aussi l’écho d'un autre mot hébreu, jabal, qui signifie « rendre, renvoyer », ce qui met l'accent sur les dimensions sociales et économiques. Le jubilé était en fait une année sabbatique au carré, se produisant tous les sept ans sabbatiques, donc tous les 49 ans, arrondis à 50.

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Le Jubilé, « temps sabbatique » pour laisser respirer notre vie

Le Jubilé, « temps sabbatique » pour laisser respirer notre vie

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