stdClass Object ( [id] => 18039 [title] => La grande liberté de la fête [alias] => la-grande-liberte-de-la-fete [introtext] =>À la frontière et au-delà / 13 – La vie représente plus que le travail et bien plus que la consommation
Par Luigino Bruni
publié dans Avvenire le 16/04/2017
« Vivez ! Vivez la merveilleuse vie qui est en vous ! N’en laissez rien perdre. Cherchez de nouvelles sensations, toujours ! Que rien ne vous effraie… Un nouvel hédonisme, voilà ce que le siècle demande. Vous pouvez en être le tangible symbole. Il n’est rien avec votre personnalité que vous ne puissiez faire. Le monde vous appartient pour un temps ! »
Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray
La religion capitaliste cherche à abolir la fête. Elle lui a déclaré une véritable guerre, proposant une multitude d’offres de divertissements et de distractions qui n’ont rien ou que très peu à voir avec l’expérience de la fête. Il s’agit d’une variante de la désormais célèbre « destruction créatrice » du capitalisme du XXIe siècle, qui a supprimé la fête avant de nous vendre des marchandises destinées à la remplacer. Pourtant, elle n’y parvient pas, parce que la gratuité ne s’achète pas et n’est pas à vendre. C’est ainsi que ses divertissements ne nous laissent rien d’autre qu’un grand vide et une immense nostalgie de vraie fête, les premiers à la réclamer étant les enfants et les adolescents. Seule une civilisation qui connaît les temps différents et les espaces libres de la gratuité peut se transformer en culture de la fête.
[fulltext] =>La fête est un besoin primaire et fondamental de l’homme, de la femme, des enfants, filles ou garçons, des malades et des personnes âgées. Car on ne peut vivre longtemps sans faire la fête. On peut éventuellement survivre mais, lorsque la fête manque, la vie individuelle et sociale devient triste et finit par s’éteindre. La fête est le bien relationnel par excellence : on ne peut faire la fête seul. Quand on se trouve seul, on peut certes se distraire devant la télévision, son smartphone ou son ordinateur ; mais, pour faire la fête, il faut la présence des autres, d’amis et d’enfants. Dans la Bible, la fête est intimement liée au septième jour, au shabbat (le samedi). Au début de la création, le premier à vouloir faire la fête fut Élohim lui-même qui, pour pouvoir fêter, dut arriver au terme de la création, attendre l’Adam. Même Dieu a besoin de compagnie pour faire la fête. Il a besoin de la compagnie de sa création, de la terre, de notre compagnie. S’il est exact que le shabbat représente le grand don d’Élohim à la terre, il est également le don de réciprocité fait par la création à son créateur, parce qu’il lui donne la possibilité de se reposer et de faire la fête, avec nous.
Lors du shabbat, on peut et on doit faire la fête, rendre visite à ses amis et à sa famille, prier et chanter ensemble. Le shabbat est à l’origine de toutes les fêtes bibliques et de notre dimanche, parce qu’il représente le souvenir de la création, de l’Alliance, mais aussi et surtout du passage de la mer Rouge, de la sortie d’Égypte, de la libération de l’esclavage et des travaux forcés dans les briqueteries. Dans l’humanisme biblique, toute fête marque une nouvelle libération, un nouveau passage de la mer, un nouvel Exode ; c’est une nouvelle Pâque. Le Dieu d’Israël est un Dieu différent des autres parce qu’il ne veut pas voir les hommes travailler constamment. Les idoles, elles, ignorent le sabbat, la gratuité et la fête : elles exigent qu’on leur rende un culte permanent et parfait.
Le culte capitaliste a pour particularité d’être une religion idolâtre qui refuse la fête. Jusqu’au XXe siècle, la culture du travail, en dépit de ses ambivalences et de ses zones d’ombre, se rangeait encore du côté de la vie ; en Occident, elle était l’héritière de l’humanisme judéo-chrétien, entre autres parce qu’elle avait su préserver la frontière entre le travail et la fête. On travaillait certes beaucoup, voire trop, mais les hommes et les femmes libres ne travaillaient pas constamment : il y avait un temps pour le repos et pour la fête. Comme tous les empires, les forces aveugles du capital auraient bien voulu avoir des travailleurs-esclaves entièrement voués à la production de leurs « briques ». Or, la politique, les églises et les syndicats les en ont empêchés, contenant ainsi le capital à l’intérieur de certaines limites sociales et morales.
Pourtant, en l’espace de quelques années, le capitalisme a opéré une mue en profondeur pour prendre un visage tout à fait différent. La consommation a supplanté le travail qui était au centre du système économique et social, ce qui a fait sauter toutes les barrières existantes. Le travail possède une limite intrinsèque : si on ne travaille pas constamment, c’est aussi parce qu’on ne le peut pas. Nous avons une vie en-dehors de notre travail, raison pour laquelle il ne peut devenir une activité permanente. La fatigue inhérente au travail constitue la première de ses limites. La consommation, quant à elle, ne connaît pas ces frontières car, étant une activité de pur plaisir, elle ne possède aucune limite interne. Beaucoup de personnes, et peut-être même toutes, voudraient que les magasins soient ouverts à toute heure, n’importe quel jour et n’importe où, afin de satisfaire tous leurs besoins et leurs caprices. Tant que la culture économique était rythmée par le travail, les magasins restaient fermés à certaines heures parce que le travail humain derrière la consommation l’exigeait et lui imposait des limites. Elle laissait du temps et de l’espace à la fête car elle rejetait le monopole du temps et de l’espace. Les rideaux baissés des commerces venaient rappeler à tout le monde que la vie est plus grande que le travail et la consommation. Aujourd’hui, notre indignation et nos protestations ne sont pas déclenchées par le travail des boulangers des entreprises industrielles, des policiers, des infirmiers ou des médecins urgentistes les jours fériés ou à Pâques : ce travail n’est pas l’ennemi de la fête ; quiconque croise ces travailleurs apprécie leur engagement, le reconnaît et leur en sait gré.
Notre culture, trop centrée sur la consommation, ne sait plus voir le travail qui se cache derrière les biens consommés ; ou bien, lorsqu’elle le voit, elle l’assujettit à l’idole insatiable. La culture du consommateur roi est la seule souveraineté concédée aux citoyens adeptes du monoculte consumériste qui, aujourd’hui, met sérieusement à mal la citoyenneté politique. C’est le travail au service de la consommation idolâtrique qui nie la fête et le travail.
C’est pour cela que la lutte entre ce capitalisme et la fête présente une profondeur et une violence telles. Les grandes entreprises et banques, par exemple, essaient par tous les moyens de recréer la force symbolique et émotionnelle de la fête, sa capacité à susciter un sentiment d’appartenance, un esprit de corps, un « sentiment du nous ». La culture du travail du siècle dernier a été façonnée y compris par les fêtes populaires, religieuses et laïques, les mariages et les baptêmes. Les usines et les bureaux ont utilisé ce capital symbolique, social et spirituel mis gratuitement à leur disposition par les communautés au sein desquelles leurs salariés vivaient et évoluaient. Les liturgies, les processions, les journées de commémoration des grandes souffrances et des libérations, nourrissaient l’âme et toutes les vertus des personnes qui, par leur travail, en faisaient don à leurs entreprises, et cette valeur était bien plus élevée que le salaire qu’elles reversaient. Les capitaux qui permettaient aux entreprises de faire des profits valaient (et valent) bien plus que leurs capitaux privés. Ce n’étaient pas seulement des hommes et des femmes qui entraient dans les entreprises, mais aussi des valeurs civiles, religieuses et morales, qu’aucun capitaliste n’a jamais eu à payer. C’est là aussi que résidait la morale des taxes car, aujourd’hui encore, derrière les profits se cachent de nombreuses richesses que les communautés offrent aux entreprises.
La culture individualiste et consumériste du capitalisme d’aujourd’hui est en train de chasser ces capitaux civils et spirituels. Les grandes entreprises ressentent ce manque, même si elles ne parviennent pas à en identifier les raisons profondes. Ainsi pensent-elles qu’une fête d’entreprise, une réunion ou l’apéritif du vendredi après-midi peuvent remplacer des capitaux qui ont mis des siècles à se constituer. Les symboles de la fête sans la vérité populaire et modeste qui leur a donné naissance, n’engendrent que de nouveaux griffons et minotaures, des créatures monstrueuses hybrides.
Il est encore trop tôt pour comprendre que la grande pénurie qui guette notre économie est le manque dramatique de capitaux spirituels, moraux et symboliques, dont les entreprises se sont nourries mais qui s’épuisent plus vite que le pétrole. L’économie fondée sur la seule consommation vit dans un présent éternel, sans racines ni futur, alors que le temps continue de s’écouler sur terre. Les blessures et les rides de ceux qui tournent autour des temples de la consommation et les assiègent, attirés par la même promesse et illusion, sont de plus en plus profondes et douloureuses, s’accentuent et remplissent le monde. Le club de ceux qui vivent dans l’illusion, séduit par l’élixir de jeunesse éternelle, ne veut pas voir ces blessures et continue donc à les produire. Mais, contrairement au roman d’Oscar Wilde, le portrait couvert de plaies et de rides n’est pas caché au grenier : nous l’avons toujours en face de nous. Ce sont seulement nos yeux et notre capacité à éprouver de la honte que nous avons remisés au grenier, parce que nous refusons de voir l’image réelle et hideuse de ce que nous sommes en train de devenir. Quand nous déciderons-nous à regarder les plaies sur le visage des exclus de la consommation, et quand en assumerons-nous enfin la responsabilité ?
À l’époque de la culture du travail, la Bible, afin d’annoncer notre libération, nous a donné le shabbat du travail. Aujourd’hui, au sein d’une culture de la consommation, l’esprit biblique devrait nous suggérer un shabbat de la consommation, qui nous permettrait d’affirmer, face à l’idolâtrie de notre temps : « Tu n’es pas un dieu, et moi, je ne suis pas ton esclave. » Sans un sabbat de la consommation, nous ne pourrons retrouver un rapport sain ni au travail, ni à la fête. Si le jour béni venait où nous décidions de consacrer un temps et un espace à la non-consommation de marchandises, pour faire la fête, célébrer nos relations, nos liens et la gratuité, nous serions à l’aube d’une nouvelle civilisation.
La première chose que Moïse demanda au pharaon fut de laisser le peuple libre de passer trois jours dans le désert pour fêter la Pessah (Exode 5,3), une vieille fête marquant la transhumance des troupeaux. Le pharaon leur refusa cette permission, parce que les esclaves ne peuvent pas faire la fête, parce que la fête est le début de la liberté. Privé de fête, le travail s’apparente de plus en plus à de l’esclavage. En ne nous laissant pas un seul temps pour la non-consommation de biens, l’esclavage est parfait car, lorsque la souffrance et l’effort demeurent absents, la consommation nous apparaît comme une liberté et nous ne ressentons plus le besoin de nous en libérer.
Même si nous ne parvenons plus à les voir ni à les reconnaître, derrière notre travail qui nous offre de consommer en permanence se cachent de nouveaux pharaons qui ne veulent pas nous laisser libres de « marcher trois jours dans le désert ». Peut-être redoutent-ils que la mer s’ouvre encore une fois devant nous car, dans ce cas-là, nous ne reviendrions plus en arrière.
Bonne fête de Pâques !
Aujourd’hui, je conclus la série « À la frontière et au-delà ». Elle a été l’occasion d’écrire de nouvelles pages ensemble, de faire de nouvelles découvertes, d’engager des dialogues nouveaux et anciens, d’exprimer de nouveaux mercis. À partir de dimanche prochain, je reprendrai le commentaire de la Bible, avec le prophète Jérémie. Nous oserons encore une excursion au-delà de la frontière, en quête d’autres paroles, pour continuer à cheminer à travers notre temps à la fois terrible et merveilleux.
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À la frontière et au-delà / 13 – La vie représente plus que le travail et bien plus que la consommation
Par Luigino Bruni
publié dans Avvenire le 16/04/2017
« Vivez ! Vivez la merveilleuse vie qui est en vous ! N’en laissez rien perdre. Cherchez de nouvelles sensations, toujours ! Que rien ne vous effraie… Un nouvel hédonisme, voilà ce que le siècle demande. Vous pouvez en être le tangible symbole. Il n’est rien avec votre personnalité que vous ne puissiez faire. Le monde vous appartient pour un temps ! »
Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray
La religion capitaliste cherche à abolir la fête. Elle lui a déclaré une véritable guerre, proposant une multitude d’offres de divertissements et de distractions qui n’ont rien ou que très peu à voir avec l’expérience de la fête. Il s’agit d’une variante de la désormais célèbre « destruction créatrice » du capitalisme du XXIe siècle, qui a supprimé la fête avant de nous vendre des marchandises destinées à la remplacer. Pourtant, elle n’y parvient pas, parce que la gratuité ne s’achète pas et n’est pas à vendre. C’est ainsi que ses divertissements ne nous laissent rien d’autre qu’un grand vide et une immense nostalgie de vraie fête, les premiers à la réclamer étant les enfants et les adolescents. Seule une civilisation qui connaît les temps différents et les espaces libres de la gratuité peut se transformer en culture de la fête.
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stdClass Object ( [id] => 18041 [title] => Le temps infini de l’attention à l’autre [alias] => le-temps-infini-de-l-attention-a-l-autre [introtext] =>À la frontière et au-delà / 12 - Le « rythme » différent du temps et des relations, qui change la vie
Par Luigino Bruni
publié dans Avvenire le 09/04/2017
« ‘Cet après-midi, en revenant de la carrière avec ton âne le dos chargé de brèche, n’as-tu pas été abordée par un homme ? Ne lui as-tu pas donné un morceau de pain ?’, répéta le carabinier. - ‘M’accusez-vous d’avoir commis un péché ? Faire la charité, c’est un péché ?’ - ‘Tu ne t’es donc pas rendu compte, reprit le carabinier, que cet homme était un soldat ennemi ?’ - ‘C’était un ennemi ? Qu’est-ce que cela veut dire ?’ - ‘Et à quoi ressemblait-il ?’, demanda le carabinier. - ‘À un homme’, répondit Caterina. »
Ignazio Silone, Una manciata di more
Ora et labora n’est pas seulement l’image et le message du monachisme : c’est aussi le souffle de notre civilisation, qui s’est constituée à travers les âges en une symphonie aux rythmes variés, dans une alternance de sons et de silences. Les paroles et l’esprit du travail, qui diffèrent de ceux de la prière, sont nos alliés et nos amis car à la fois proches et lointains, intimes et étrangers. Lorsqu’autrefois, dans les monastères, on rejoignait la chorale après avoir travaillé à la vigne, on abandonnait un temps pour en trouver un autre : le temps de la prière et de l’opus Dei, qui se déroulait différemment, avait un autre rythme, un autre son. Le moine quittait le temps historique pour toucher du doigt l’éternité ou, du moins, l’effleurer, pour tenter de vaincre la mort. Il revivait la première et dernière cène, la croix, il roulait encore la pierre. Lorsque l’on franchit le seuil du templum, on devient en quelque sorte le maître du temps ; on a alors l’impression de ne pas être seulement dominé par le tempus rationnel et impitoyable, mais de voyager librement entre le premier jour de la création et l’eskaton. L’adam revient se promener au jardin d’Éden.
[fulltext] =>Il se produit quelque chose de semblable lorsque l’on compare le temps du travail au temps de l’attention à l’autre. Il existe en effet un lien profond entre prière, contemplation, intériorité et attention à l’autre. Le temps, les manières, les mots, les mains et l’esprit de l’attention à l’autre ne sont pas ceux du travail. Quand nous revenons du bureau et jouons avec notre enfant, lui racontons une histoire ou lui chantons une comptine, nous quittons le registre et le rythme du travail pour entrer dans un monde régi par d’autres lois et d’autres temps. Quand nous écoutons un parent âgé et malade, que nous lui parlons en sachant que la maladie l’empêche de comprendre nos paroles sur le plan du logos, dès lors que nous l’écoutons et parlons avec attention, nous sentons que nous nous mettons au diapason d’un autre temps, en suivant un autre rythme ; ainsi, nous poursuivons ce dialogue de l’âme qu’aucune maladie ne saurait interrompre. Lorsque nous prenons soin d’une plante, que nous préparons le repas ou faisons tout simplement le ménage dans la maison, notre silence exprime des paroles importantes pour les autres et pour nous-mêmes. Chaque jour, nous parlons y compris lorsque, grâce à nous, les autres trouvent le petit-déjeuner prêt, la salle de bains nettoyée et les plantes arrosées, ou bien lorsque nous les bordons pendant leur sommeil. Des paroles fondamentales même lorsque nous préparons le petit-déjeuner pour nous-mêmes parce que nous sommes restés seuls.
Nous savons tous que l’attention à l’autre est l’autre nom du don. Par conséquent, nous savons qu’elle conserve toute la beauté et toute l’ambivalence des dons, car ils n’ont jamais été égaux entre eux. Par exemple, les dons célébrés dans la sphère publique ont toujours été réciproques. Les dons-sacrifices offerts aux dieux ou aux pharaons, mais aussi les richesses, les donations et la philanthropie, ont été associés à quelque forme de vertu et, en tant que tels, ils ont été publiquement reconnus, appréciés, récompensés et honorés. On faisait des dons aux grands de ce monde, aux puissants, aux cités et à l’Église, dont on attendait des bénédictions, des grâces, des marques de reconnaissance, des applaudissements et des compliments.
Or, entre les murs des maisons ou sous la tente que l’on habitait, le discours sur le don était bien différent, voire radicalement opposé. Là, les dons en temps, en ressources, en vie et en attention à l’autre n’étaient certainement pas moins importants que les dons faits sur la place publique : leur valeur n’était en rien inférieure et leur présence n’était pas moins essentielle pour pouvoir vivre et vivre bien. Pourtant, pour de nombreuses raisons (la plupart d’entre elles étant imputables au pouvoir, à la force et à leurs instruments), les dons domestiques n’étaient pas reconnus comme des dons. Au foyer, bien souvent le don prenait les noms de devoir et d’obligation.
Les acteurs du don-vertu public étaient les hommes, tandis que le don-obligation privé incombait aux femmes. Au sein des sociétés traditionnelles, les honneurs et la gloire du don revenaient aux hommes, alors que le premier moyen d’assujettir et de soumettre la femme a consisté à nier et à ne pas reconnaître ses dons. La maternité, les soins apportés aux enfants et aux jeunes ainsi que leur éducation, l’entretien de la maison et des relations primaires, étaient considérés comme des devoirs et des obligations découlant de sa condition de mère, d’épouse ou de sœur. La liberté de donner, que les hommes expérimentaient dans la sphère publique et qui en constituait tout le mérite, s’effaçait au profit des dons-obligations des femmes dans la sphère privée.
Il en va de même des sacrifices. Les sacrifices offerts aux dieux, aux pharaons et aux rois apportaient des crédits aux « sacrificateurs ». Les sacrifices faits dans le monde du travail produisaient, en fait de réciprocité, des salaires. Seuls les sacrifices faits par les femmes au sein de leur foyer n’étaient rien d’autre que des devoirs et des obligations découlant de leur statut, des dettes maternelles et filiales ou des dettes conjugales. Impossible de comprendre ce qu’a représenté pour les femmes, au XXe siècle, la possibilité d’accéder au « marché du travail » pour tous, sans prendre en considération le sens de la reconnaissance et de la réciprocité que recèle une relation de travail. Le salaire des femmes ouvrières, employées ou institutrices ne différait pas de celui de leurs maris et de leurs frères uniquement en ce qu’il était (généralement) plus bas. Leur bulletin de paie avait aussi un goût de réciprocité, de dignité, d’estime sociale, de reconnaissance et d’honneur, dont elles ne jouissaient pas au sein de leur foyer : l’égalité entre le travail des hommes et celui des femmes n’a jamais existé.
L’avantage mutuel et la réciprocité, que nous avons placés au cœur de la vie publique puis du marché, n’est pas le registre principal sur lequel les civilisations ont interprété, jusqu’à une date récente, les relations homme-femme et, plus généralement, la contribution apportée par les femmes à la vie sociale. Les civilisations occidentales exprimaient aux femmes amour et gratitude, mais aucune réciprocité libre, ni reconnaissance.
Ceci explique en partie pourquoi les femmes ne portent pas le même regard que les hommes sur le don, ni sur le sacrifice. Si toute la théorie du don, construite sur le triple mouvement « donner – accepter - rendre », avait été élaborée par des femmes, elle aurait donné un « accepter » beaucoup moins libre et un « rendre » très éloigné de la gratuité. « Je n’aime pas employer les mots sacrifice et service, me confiait récemment Jennifer Nedelsky, une philosophe américaine, parce que, pour trop de femmes, ils restent associés à des actions non consenties, source de grandes souffrances. » Chaque fois que j’en viens à parler de don, de sacrifice, de gratuité, de service, ou à écrire sur le sujet, je m’efforce de garder toujours à l’esprit les dons, les sacrifices, les actes gratuits et les services rendus par mes grands-mères Cecilia et Maria, qui étaient paysannes, et par ma mère, femme au foyer.
Ces expériences et ces regards différents ont aujourd’hui encore des conséquences importantes sur la façon de concevoir le lien entre le marché, l’assistance et l’attention à l’autre. Nettoyer les salles de bains et balayer les chambres, s’occuper des enfants, des malades et des personnes âgées, étaient des activités autrefois dévolues aux domestiques et aux esclaves, puis aux nourrices, aux femmes de chambre et aux cuisinières, avant qu’on les confie enfin aux mères, aux sœurs et aux filles. Jamais elles n’ont incombé aux hommes libres ou aux femmes nobles et aisées, qui ont donc toujours considéré ces activités comme une affaire d’esclaves, de domestiques ou de femmes. En effet, pour comprendre les différences d’expériences du don et du sacrifice, la distinction homme-femme est utile dans 95% des cas car, de tout temps, il a existé une élite de femmes qui, en matière d’attention à l’autre et de sacrifice, ressemblaient bien davantage à leurs maris qu’à leurs bonnes.
À un certain moment est apparu le « marché des services à la personne » ; cependant, l’expérience millénaire de ces services considérés comme l’apanage des esclaves, des domestiques et des femmes (pauvres), continue d’influer largement sur notre société et notre capitalisme. Nous le constatons partout. Si les emplois dans ce domaine (santé, éducation) sont si faiblement rémunérés, c’est parce que l’on continue de les associer au sacrifice et au don-obligation, encore profondément conditionnés par la culture sacrificielle-sans-réciprocité. La reconnaissance des employés dans les services à la personne demeure insuffisante, à l’instar de notre gratitude envers elles.
La mésestime de l’attention à l’autre demeure l’une des raisons profondes du mal-être ressenti aujourd’hui encore dans le monde du travail. L’attention à l’autre est certes une dimension essentielle de toute vie humaine bonne, mais l’association entre assistance et servitude l’a maintenue à distance de la sphère publique, donc de l’économie, sans parler de la politique. On est toujours frappé par le manque d’attention à l’autre au sein des entreprises, dans les bureaux, et le phénomène ne s’atténue pas malgré l’arrivée de nombreuses femmes dans ces lieux car, souvent, c’est l’absence d’attention, propre au registre masculin, qui l’emporte sur tout le reste.
L’attention à l’autre n’est aujourd’hui pas moins malmenée, mésestimée et humiliée que par le passé. Les nouveaux esclaves ne s’achètent plus à Lisbonne ou à Nantes, mais sur le « marché du travail » où les hommes et les femmes riches se paient les services offerts par des hommes et des femmes pauvres qui, poussés par la nécessité, proposent ces services que les puissants méprisent. Après avoir combattu durant des siècles pour éliminer l’esclavage et la servitude de la sphère politique, aujourd’hui nous observons un silence total et coupable face à l’esclavage et à la servitude qui règnent dans la sphère économique, sur le plan de l’attention à l’autre.
Enfin, en raison de la forte influence exercée par la culture économique sur la vie sociale dans son ensemble, les valeurs et les vertus de l’économie et des affaires transforment et envahissent progressivement y compris le monde et les temps de l’attention à l’autre. Efficience, rapidité, hâte, stress, méritocratie et incitations pénètrent jusque dans les foyers, détruisant le peu qui restait des temps, des rythmes, des paroles et de l’esprit de l’attention à l’autre. En franchissant le seuil de notre maison, nous ne changeons pas de temps, ni d’esprit ou de paroles. Nous ne quittons plus le temps, nous ne savourons plus l’éternité, nous n’expérimentons pas la liberté que seul le temps différent de l’attention à l’autre sait nous donner. Tandis que la valeur économique d’un acte augmente lorsque nous réduisons le temps que nous y consacrons, la valeur de l’attention à l’autre croît parallèlement au temps investi.
Quand nous parvenons à entrer dans le temple de l’attention à l’autre, nos heures et celles des autres passent plus lentement, nos vies s’allongent et la mort de tous s’éloigne. Tout comme au temps de notre enfance, lorsque les journées ne finissaient jamais et qu’une année scolaire nous semblait éternelle. Le premier effet de réciprocité de l’attention à l’autre, c’est le don d’un temps plus lent et plus long ; c’est un retour au temps infini de l’enfance.
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À la frontière et au-delà / 12 - Le « rythme » différent du temps et des relations, qui change la vie
Par Luigino Bruni
publié dans Avvenire le 09/04/2017
« ‘Cet après-midi, en revenant de la carrière avec ton âne le dos chargé de brèche, n’as-tu pas été abordée par un homme ? Ne lui as-tu pas donné un morceau de pain ?’, répéta le carabinier. - ‘M’accusez-vous d’avoir commis un péché ? Faire la charité, c’est un péché ?’ - ‘Tu ne t’es donc pas rendu compte, reprit le carabinier, que cet homme était un soldat ennemi ?’ - ‘C’était un ennemi ? Qu’est-ce que cela veut dire ?’ - ‘Et à quoi ressemblait-il ?’, demanda le carabinier. - ‘À un homme’, répondit Caterina. »
Ignazio Silone, Una manciata di more
Ora et labora n’est pas seulement l’image et le message du monachisme : c’est aussi le souffle de notre civilisation, qui s’est constituée à travers les âges en une symphonie aux rythmes variés, dans une alternance de sons et de silences. Les paroles et l’esprit du travail, qui diffèrent de ceux de la prière, sont nos alliés et nos amis car à la fois proches et lointains, intimes et étrangers. Lorsqu’autrefois, dans les monastères, on rejoignait la chorale après avoir travaillé à la vigne, on abandonnait un temps pour en trouver un autre : le temps de la prière et de l’opus Dei, qui se déroulait différemment, avait un autre rythme, un autre son. Le moine quittait le temps historique pour toucher du doigt l’éternité ou, du moins, l’effleurer, pour tenter de vaincre la mort. Il revivait la première et dernière cène, la croix, il roulait encore la pierre. Lorsque l’on franchit le seuil du templum, on devient en quelque sorte le maître du temps ; on a alors l’impression de ne pas être seulement dominé par le tempus rationnel et impitoyable, mais de voyager librement entre le premier jour de la création et l’eskaton. L’adam revient se promener au jardin d’Éden.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 02/04/2017
« La générosité et la noblesse ont disparu et, avec elles, la contrepartie spectaculaire que les riches rendaient aux misérables. »
Georges Bataille, La notion de dépense
Le trop grand nombre de personnes qui travaillent peu, mal ou pas du tout, n’est pas le seul symptôme de la grave maladie dont souffre le monde du travail. Ces salariés qui travaillent trop, qui dépensent d’énormes quantités d’énergie dans les nouveaux rites des entreprises, constituent un autre signe préoccupant de mal-être, encore peu visible ; ce sont les victimes immolées d’aujourd’hui, offertes en sacrifice aux nouveaux dieux.
[fulltext] =>Dans les civilisations primitives, le sacrifice se caractérisait par une tension fondamentale entre l’utile et l’inutile. Le sacrifice est un don utile et agréable aux dieux-idoles dans la mesure où il est inutile sur le plan humain, lorsqu’il reflète l’une ou l’autre de nos pertes. Les offrandes sacrificielles activent l’économie divine parce qu’elles nient l’économie humaine. Dans la Bible, le sacrifice parfait (l’olah : « faire monter ») consistait dans l’offrande des meilleurs animaux, qui étaient entièrement brûlés, sans laisser un seul reste utilisable aux sacrificateurs : « Le prêtre fait fumer le tout à l’autel. C’est un holocauste, un mets consumé » (Lévitique 1,9). Afin d’être le plus utile possible à Dieu, l’acte de sacrifice doit être le plus inutile possible aux hommes. Le sacrifice parfait est donc associé à une perte, au pur gaspillage économique, à ce que le philosophe Georges Bataille appelait dépense. Cette idée reste prédominante dans l’acception courante du terme sacrifice : se sacrifier pour quelqu’un ou pour quelque chose renvoie à une perte que le sacrificateur subit au profit du destinataire du sacrifice. Une perte, une dissipation qui, paradoxalement, acquiert une dimension positive.
C’est à ce niveau extrême que le sacrifice et le don se rencontrent. Parmi les nombreuses pratiques archaïques de don (les fameux potlatchs : « consumer »), étudiées par les anthropologues au tout début du XXe siècle, celles qui se caractérisent par la destruction du « don » face au rival sont particulièrement intéressantes. Au sein du peuple Tlingit, vivant à cheval sur le Canada et l’Alaska, un chef se présentait devant un autre chef et égorgeait un certain nombre d’esclaves. Quelques jours plus tard, ce rival revenait et égorgeait encore plus d’hommes. Ces compétitions, où la dimension dissipative est absolue et archaïque, nous laissent entrevoir, dans leur transparence crue, des dimensions analogues présentes à notre époque alors qu’elles n’ont plus lieu d’être.
Même si le message du Christ apportait un élément tout à fait nouveau dans la culture du sacrifice, ces éléments archaïques du don-sacrifice se sont largement maintenus tout au long du Moyen Âge voire au-delà. Nous ne pouvons comprendre ce monde-là sans la magnificence des riches et des puissants, les grandes dépenses engagées pour le culte et qui ne rapportaient rien, le gaspillage représenté par les fêtes patronales, les processions ou les feux d’artifice : de véritables concours d’éparpillement de dons visant à instaurer et à maintenir des rangs et des pouvoirs au sein de la cité et/ou à se mériter quelque remise de peine au purgatoire. Les potlatchs des mafiosi sont encore nombreux, trop nombreux, dans nos pays et lors de nos fêtes.
En outre, la spiritualité chrétienne a conservé durant des siècles l’idée que le sacrifice-don est agréable à Dieu parce qu’il est l’expression d’une perte, d’un renoncement, d’un coût. L’analogie économique utilisée pour concevoir la vie spirituelle appelait nécessairement l’idée de prix ; on en déduisait donc que, dans le rapport à Dieu, si l’on voulait obtenir quelque chose (des grâces, des bénédictions...), il fallait payer. C’est ainsi que même la vie consacrée dans la virginité a longtemps été perçue et vécue comme un choix de grande valeur spirituelle précisément parce qu’il s’agissait d’un don et d’un sacrifice de la part la plus précieuse de la personne. Saint Ambroise affirmait qu’une personne vierge était « une victime de la chasteté ». Pour saint Grégoire le Grand, la virginité se substituait au martyre : « Bien que le temps de la persécution soit passé, notre paix a cependant son martyre. » Une idée sacrificielle, expression d’une théologie de l’expiation, encore très vivante au XXe siècle : en recourant à l’image de l’holocauste, on encourage les vierges à « persévérer fermement dans l’offrande de leur sacrifice, à savoir de ne rien soustraire, même si peu que ce soit, ni se réserver de l’holocauste qu’ils ont offert sur l’autel de Dieu » (Sacra Virginitas, Pie XII, 1954).
La Réforme protestante a marqué un tournant y compris dans cette culture du don et du sacrifice. Luther a identifié la mentalité sacrificielle encore présente au sein de l’Église et de la chrétienté comme la raison principale de la prise de distance par rapport à l’authenticité et à la nouveauté du christianisme. Il n’avait pas tort, car cette culture du sacrifice-perte était le prolongement de la théologie économique et méritocratique préchrétienne. Pour Luther, renoncer aux bénéfices humains en espérant en retour un bénéfice divin n’avait rien de chrétien : nos sacrifices ne servent à rien car, de l’autre côté, il n’y a pas un Dieu intéressé par nos pertes. Le Dieu chrétien n’est pas une idole affamée. Le paradis n’est pas une chose que nous devons gagner, puisqu’il nous a déjà été donné en cadeau. D’où la critique que Luther adresse même aux couvents, aux monastères et à la valeur de la vie consacrée en tant que vie offerte en sacrifice ; d’où, aussi sa condamnation des gaspillages tapageurs, des cultes pompeux, des pèlerinages, des fêtes, de l’oisiveté et du luxe.
Tout ce qui, dans la vie civile et religieuse, constituait un gaspillage inutile pour les hommes, a été interprété par la Réforme comme un sacrifice et, par conséquent, comme une recherche erronée de mérites spirituels, comme un comportement contraire au vrai christianisme de la sola gratia. La gratuité des sacrifices était perçue comme une gratuité perverse car, si tout don est bel et bien un renoncement à une chose qui nous appartient pour le bien de quelqu’un d’autre, dans la relation avec Dieu ce schéma ne fonctionne pas, puisque le Dieu de Jésus Christ se passe de nos sacrifices. En effet, le seul sacrifice bon et véritable est celui que Jésus a fait en nous donnant sa vie par amour, une bonne fois pour toutes, et la seule réciprocité qui nous incombe est notre gratitude envers Dieu et notre amour du prochain.
Ainsi, la gratuité d’une action humaine a été interprétée comme la forme la plus élevée de non-gratuité spirituelle. Cette interprétation de l’inutilité et de la perte intramondaine en tant que désir inapproprié de gain ultra mondain, a amené le monde de la Réforme à se méfier de la gratuité tout court, aussi bien dans la sphère civile que dans la sphère religieuse, à la considérer comme un marchandage mal à propos. C’est la racine culturelle profonde à l’origine de l’idée selon laquelle la gratuité est foncièrement négative. Elle est soit inutile, soit erronée, parce qu’elle ne trouve de justification ni dans l’économie humaine (où le bénéfice prévaut), ni sur le plan spirituel. Une méfiance profonde que nous retrouvons au cœur du capitalisme et de son « tabou de la gratuité ».
Calvin, avec sa « doctrine de la prédestination », a poussé à l’extrême cette révolution. Puisque les hommes n’ont absolument pas le pouvoir de modifier l’économie divine, les seules de nos actions bonnes et bénies sont les actions orientées vers l’économie humaine et vers ses fins. Le travail, le métier et la production prennent alors la place que l’oisiveté, le gaspillage et la contemplation occupaient dans la culture médiévale, et tout ce qui ne représente pas un bénéfice et n’est ni utile et rationnel, est condamnable. Les seuls bons sacrifices sont les sacrifices tournés vers des buts terrestres et utiles, donc vers le travail également. Un bénéfice économique et professionnel qui ne peut ni ne doit se transformer en mérite pour le ciel, mais qui constitue le seul mérite possible et louable sur terre. L’inutilité, la perte, la faute et la paresse sont le grand et unique démérite des individus et des peuples. Ainsi, le bénéfice et le mérite, chassés du paradis, règnent en maîtres sur terre.
Cependant, il y a plus. Les pratiques dissipatrices, ces actes gratuits si utiles car inutiles, reviennent en force ces dernières années, marquées par le capitalisme. Un nouveau culte sacrificiel – autre paradoxe – apparu dans les pays de culture majoritairement protestante et calviniste, qui avait pourtant beaucoup critiqué l’inutilité et les sacrifices « gratuits ».
Les puissants ont toujours utilisé la dépense comme un instrument destiné à exprimer et à réaffirmer leur pouvoir, donc pour créer des statuts et humilier leurs sujets. Des queues interminables, des réponses importantes qui arrivent toujours au dernier moment, des rendez-vous retardés intentionnellement, des attentes inutiles pour « marquer » les distances... Prétendre exiger de ses sujets des sacrifices qui n’ont d’autre but que d’humilier les personnes et de consolider les hiérarchies : des pratiques sociales connues de tous, hier et aujourd’hui. On les observe dans les milieux laïcs, mais aussi dans les milieux religieux, où les pratiques inutiles, destinées uniquement à accentuer les distances et à renforcer les pouvoirs, sont particulièrement dangereuses parce qu’elles se drapent dans une justification sacrée et sont souvent intériorisées par les victimes elles-mêmes, qui les jugent nécessaires voire bonnes.
Pourtant, les grandes entreprises vont aujourd’hui de plus en plus loin dans ces pratiques sacrificielles dissipatrices. Des réunions sont fixées un dimanche alors qu’elles pourraient tout à fait être organisées un lundi, ont lieu à dix heures du soir et non l’après-midi, le 24 décembre au lieu du 23, et le personnel est appelé à travailler même le jour de Pâques. Des pertes de temps et de vie inutiles, qui n’ont pas pour but d’augmenter la productivité ni l’efficience. Il s’agit d’une pure dissipation cultuelle, d’une dépense que les membres d’équipes finissent par s’infliger à eux-mêmes, tant ils sont plongés dans cette nouvelle culture sacrificielle où les offrandes valent d’autant plus qu’elles sont inutiles et dissipatives. Des horaires intenables et inutilement allongés à l’infini, qui nuisent souvent à l’efficacité et à la qualité du travail, mais augmentent la valeur de la victime offerte en holocauste. Des réunions où l’on devrait évoquer les problèmes liés au travail et qui, au lieu de cela, se transforment en rites inutiles et épuisants mais utiles à la consolidation des rôles et des hiérarchies. On en vient alors à sacrifier entièrement sa vie privée et familiale ; un sacrifice qui ressuscite le potlatch de pure destruction, une dépense inutile à l’économie d’entreprise mais essentielle au culte parce qu’elle est signe de dévotion totale et absolue. De nouveaux holocaustes.
Ces « dons » deviennent aussi des instruments de concurrence et de rivalité entre les salariés et les entreprises, qui se livrent à une compétition en recourant à leurs propres sacrifices et dons totalement gratuits et inutiles. Cette gratuité pervertie fait peu à peu disparaître la gratuité bonne et empiète sur le peu qui restait de la culture du travail des siècles passés. Elle éclipse la vraie valeur que possédaient et possèdent encore certaines actions inutiles, celle de pouvoir affirmer une plus grande liberté.
L’humanité a mis plusieurs millénaires avant d’arriver à l’idée que Dieu n’a pas besoin de dévorer les hommes et leurs biens pour être rassasié et apaisé. Or, les hommes, notamment les puissants, n’ont jamais cessé d’aspirer à devenir Dieu. Si nous ne cernons pas dès à présent la nature sacrificielle néo-archaïque du capitalisme actuel, le jour où nous nous apercevrons que nous sommes tombés dans un culte perpétuel et absolu, il sera évidemment trop tard. Tandis que nous nous réveillerons sur l’autel de sacrifice, les chants et danses auront déjà commencé pour nous.
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Georges Bataille, La notion de dépense
Le trop grand nombre de personnes qui travaillent peu, mal ou pas du tout, n’est pas le seul symptôme de la grave maladie dont souffre le monde du travail. Ces salariés qui travaillent trop, qui dépensent d’énormes quantités d’énergie dans les nouveaux rites des entreprises, constituent un autre signe préoccupant de mal-être, encore peu visible ; ce sont les victimes immolées d’aujourd’hui, offertes en sacrifice aux nouveaux dieux.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 26/03/2017
« L’obligation de réciprocité dans les échanges ne constitue pas une réponse à des pouvoirs spécifiques liés aux objets, mais une conception cosmique qui présuppose une circulation éternelle des espèces et des êtres. »
M. Mauss, Essai sur le don
À l’origine de l’ethos de l’Occident, il y a le don et ses ambivalences. De nombreux mythes des origines associent l’histoire humaine au refus des hommes d’être et de rester dans une condition de réciprocité harmonieuse de dons. Les récits sur Prométhée et Pandore (« rien que le don ») ou sur Adam et Ève nous enseignent, à travers des langages différents, que les êtres humains sont incapables de bâtir leur civilisation sur le don libre. Cependant, ils nous révèlent également le rapport profond entre don et désobéissance, entre gratuité et autorité, entre liberté et hiérarchie.
[fulltext] =>Au jardin d’Éden, la soumission de la femme à l’homme, à l’origine de toute autre subordination sociale, résulte de leur désobéissance commune : « Ton désir te poussera vers ton homme et lui te dominera » (Genèse 3,16). L’échec de la relation originelle de réciprocité entraîne la première relation hiérarchique de domination. La hiérarchie devient ainsi la principale réponse à l’insuccès de la gratuité libre, sa première alternative et son premier ennemi.
En effet, il existe une forte tension entre la hiérarchie et le don. La hiérarchie dévore les dons de ses sujets, elle les consomme sous forme de sacrifice : les rois, les pharaons et les prêtres veulent toujours avoir la meilleure part (Zeus condamne Prométhée car celui-ci lui offre la plus mauvaise part du taureau dépecé). Mais, plus que tout, la hiérarchie redoute le don libre et non tourné vers des objectifs parce qu’on ne peut pas l’orienter. Essayer de transformer le don-gratuité en choses semblables à lui mais inoffensives est la tendance et tentation irrésistibles de toute hiérarchie, qui fait tout pour amputer le don de son surplus ingérable, pour lui arracher son dard venimeux car libre.
Même les gouvernements des différentes organisations ont besoin de la créativité qui caractérise la liberté et le don, et pourtant ils préfèreraient se contenter de la liberté qui peut (et doit) rester à l’intérieur de frontières tracées et bien gardées. Par conséquent, lors des graves crises, quand la gratuité libre serait la principale chose vraiment nécessaire, il manque justement cet essentiel.
La tragédie du don au sein des entreprises et des institutions se trouve résumée là, et cette tragédie se manifeste à différents niveaux. Les communautés et mouvements de la société civile, souvent même les entreprises, naissent entre autres, voire la plupart du temps, de nos passions, de nos désirs, de nos surplus, de notre désir de vivre, d’avenir et d’infini, donc de notre gratuité. Ces formes associées de vie apparaissent parce qu’un jour, quelques personnes, ou même une seule, voient des espaces entièrement nouveaux et infinis leur permettant d’exprimer à fond leur personnalité et leurs rêves. Elles voient qu’à un unique endroit, les limites que l’on trouve ailleurs ont disparu, les barrières sont tombées ou devenues invisibles. Tout devient alors possible. Et ces personnes s’en vont vers l’infini, même lorsque l’action les appelle dans un minuscule logement ou dans un village en pleine forêt.
Puis, au fil du temps, les idéaux et les passions deviennent purement pratiques : les premières institutions sont fondées, les responsables nommés, les règles écrites. Des contrats et règlements sont entérinés et, très vite, l’inévitable hiérarchie prend forme. Ainsi, ces communautés-mouvements se transforment progressivement en associations, en organisations, en coopératives ou en entreprises qui, pour pouvoir fonctionner et se développer, ont besoin de gérer, de normaliser, d’éliminer et de bannir les pratiques spontanées et les surplus qui avaient été à l’origine de l’expérience originelle. Afin de la gérer et de la canaliser à l’intérieur des règles de gouvernement, de coordonner et d’orienter les actions vers les objectifs institutionnels, il devient nécessaire d’uniformiser et de standardiser les comportements.
C’est la mort de la liberté primitive qui avait caractérisé les premiers dons. Les seuls dons qui restent sont les sacrifices destinés à alimenter la hiérarchie, afin de remplir ses objectifs et de calmer son appétit. Tout ceci non pas parce que le management est nocif ou obtus, mais en raison de la nature même et de la vocation de la hiérarchie : pour mener à bien sa mission, elle se doit d’encourager les composantes les plus ordinaires, les plus grégaires et domestiquées de la créativité et de la liberté ; en d’autres termes, combattre les dimensions les plus subversives et déstabilisantes de la gratuité, dont on aurait pourtant bien besoin, notamment dans les moments les plus importants et les plus délicats (crises, changements de génération, épreuves…).
Les institutions fonctionnent principalement selon cette dynamique : une fois que notre gratuité a engendré des organisations, la dynamique intrinsèque et nécessaire de leur gouvernement finit par nier l’expression et la pratique de ces dons libres qui l’avaient fait naître. L’organisation « fille » mange donc son don « père ». C’est ainsi que meurent beaucoup de créations collectives figurant parmi les plus belles, parce que le corps engendré par la gratuité étouffe l’esprit originel créatif et libre, le seul souffle que la vie connaisse. Si ce « théorème d’impossibilité » se met en place au sein de nombreuses organisations et institutions, il occupe une place centrale dans ce que l’on appelle les organisations à mouvance idéale (OMI) et, par là même, dans les communautés spirituelles et charismatiques : bien souvent, elles s’éteignent, se fanent et meurent parce que leur hiérarchie et leur gouvernement empêchent ses ressources en gratuité d’agir et, donc, de les sauver de l’extinction. Nous en avons une abondance d’exemples au quotidien.
Le processus de transformation du don en incitation joue un rôle clé dans l’élimination progressive du don libre. À première vue, le don et les incitations sont des concepts très éloignés l’un de l’autre ; pourtant, à y regarder de plus près, nous nous rendons compte qu’ils ont en réalité beaucoup en commun. Les relations de réciprocité fondées sur l’échange de dons créent, de par leur nature même, des positions de débit et de crédit relationnel qui sont hautement génératifs et extrêmement compliqués à diriger. Les dons naissent pour répondre à d’autres dons ; n’étant jamais équivalents, ils ne parviennent pas à compenser ni à « solder » la dette du premier don, mais réalimentent cette relation et réenclenchent le circuit de la réciprocité. En d’autres termes, lorsque l’on reconnaît un don reçu et que l’on essaie de le rendre par un autre don, le second n’est pas le don originel précédé du signe moins, mais un acte originel qui maintient ouverte et relance la chaîne de réciprocité des dons.
Voilà pourquoi cette réciprocité, le premier langage grâce auquel les communautés se sont rencontrées et ont appris à se connaître, a progressivement engendré la réciprocité commerciale du contrat. La correspondance parfaite et équilibrée du contrat vise en effet à fermer une relation, tandis que la correspondance imparfaite et déséquilibrée de dons réciproques a pour but de maintenir cette relation humaine ouverte, générative et féconde, donc imprévisible, capable de nous surprendre, comme la vie elle-même. Dans la réciprocité des dons, le « crédit » créé par le premier don n’est pas compensé par le second don, qui demeure un surplus, et ce surplus engendre de nouvelles relations qui annoncent des jours nouveaux.
La compensation entre dons est impossible ou, du moins, toujours imparfaite et partielle, parce que nous ne savons pas quelle unité utiliser pour effectuer nos calculs et parce que nous ne voulons pas les faire ; s’ajoute à cela que souvent, ils sont faux, ce qui alimente les désaccords et les conflits. Comme dans le cas de l’iceberg, la part la plus importante du don reste invisible. Nous ne réussissons à voir que la partie émergée, tout en sachant bien qu’en-dessous se cache une énergie puissante, mystérieuse, capable de choses extraordinaires : elle peut aussi bien recréer toute une communauté que la détruire. Cette part invisible et obscure du don est la cause de l’attrait et de la peur qu’il a toujours exercés et continue d’exercer sur nous.
Mais, et nous touchons là au cœur de la tragédie du don, sa partie immergée, les calculs non faits et les résultats qu’ils ne donnent pas, les débits et les crédits qui ne se compensent pas, sont ce que les entreprises et, plus généralement les organisations, détestent le plus. L’utopie de toute organisation consiste alors à engendrer la créativité, la passion, l’énergie, la générosité de l’homo donator sans ses ambivalences, sans ses demandes de reconnaissance et sans liens. Les organisations procèdent ainsi à une manipulation génétique pour le transformer en homo œconomicus. L’incitation est le premier instrument qui essaie, par une manipulation, de transformer le don en contrat. Les deux sortes d’homme se ressemblent quelque peu : l’homo œconomicus est un homo donator privé de son énergie originelle, créatrice, déstabilisante et destructrice.
Si nous l’examinons bien, l’incitation se présente bel et bien comme une sorte de contre-don au sein d’une forme de réciprocité. Il s’agit de ce que le principal (propriété et/ou management) « donne » à l’agent (le salarié) en échange d’un comportement précis, adopté à son avantage. Voilà pourquoi certains économistes, dont le prix Nobel George Akerlof, ont défini la relation de travail comme un « échange de dons », y ajoutant cependant, dans un souci d’honnêteté, l’adjectif « partiel ». L’incitation peut être qualifiée de contre-don partiel, parce qu’elle est totalement détachée de sa composante libre, ce qui permet au principal de contrôler et de gérer l’agent. Ce n’est pas un hasard si les entreprises désignent souvent (improprement) l’incitation sous le nom de prime, pour mieux souligner sa dimension symbolique de don simulé, de don… partiel. On peut le déplorer car, s’il y a un aspect de la vie humaine qui ne se prête pas aux réductions partielles et ne peut être diminué, émoussé ou coupé, c’est bien le don. Contrairement à d’autres réalités vivantes, le don ne vit que s’il est entier : dès lors que je le réduis, ou l’ampute d’une moitié, je le tue purement et simplement. L’incitation, qui se présente sous forme de don réduit et partiel, est en réalité l’anti-don par excellence, l’antidote qui défend le corps de l’entreprise contre le don vrai et libre ; celui-ci disparaît et nous fait défaut au moment où nous en aurions le plus besoin pour repartir, pour renaître.
Les entreprises continuent de vivre, de naître et de renaître parce que leurs salariés sont nombreux à violer le tabou de la gratuité en en subissant toutes les conséquences. Même si les entreprises l’ignorent et ne le souhaitent pas, si elles vivent et renaissent, c’est parce que le tabou de la gratuité est profané quotidiennement par des personnes libres qui ne peuvent faire autrement que donner, bravant là un interdit. Nous ne pouvons faire autrement que donner car nous sommes vivants, et parce que les incitations représentent trop peu de chose : nous voulons et nous valons bien plus que cela.
Il y a bien longtemps, le don a engendré le marché. Pouvons-nous espérer voir le don renaître un jour au cœur du marché ?
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 26/03/2017
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M. Mauss, Essai sur le don
À l’origine de l’ethos de l’Occident, il y a le don et ses ambivalences. De nombreux mythes des origines associent l’histoire humaine au refus des hommes d’être et de rester dans une condition de réciprocité harmonieuse de dons. Les récits sur Prométhée et Pandore (« rien que le don ») ou sur Adam et Ève nous enseignent, à travers des langages différents, que les êtres humains sont incapables de bâtir leur civilisation sur le don libre. Cependant, ils nous révèlent également le rapport profond entre don et désobéissance, entre gratuité et autorité, entre liberté et hiérarchie.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 19/03/2017
« Même si nous vivons dans un monde moins violent que n’importe quel monde du passé, ce n’est là que l’un de ses aspects. L’autre aspect révèle exactement le contraire : une augmentation effrayante de la violence et des menaces de violence. Tout en épargnant davantage de victimes, notre monde en tue plus que cela s’est jamais produit dans le passé. »
René Girard, La Violence et le Sacré
La gratuité est le principal tabou du capitalisme. Il la redoute comme la peste car, s’il la laissait évoluer librement sur son territoire, il serait contaminé par elle et elle lui inoculerait un « poison » qui signerait sa mort ; ou bien, elle le transformerait en quelque chose de complètement différent, ce qui revient au même. Mettre au jour le tabou de la gratuité au sein de notre économie (et société) est une tâche difficile car elle recèle un autre tabou : reconnaître son existence. Alors, si nous voulons mieux comprendre le lien profond entre gratuité et capitalisme, il nous faut briser ce premier tabou, en commençant tout simplement par en parler.
[fulltext] =>D’après une tradition anthropologique importante, l’origine des civilisations est intimement liée à deux mots : la violence et le sacré. Même la Bible fait commencer l’histoire humaine hors du jardin d’Éden par le fratricide de Caïn. La mort d’Abel, le doux et juste, devient le premier prix à payer pour la fondation de la civilisation. Les mythes sur la fondation d’autres villes telles que Rome évoquent des violences et homicides similaires, qui ont parfois des dieux pour complices. Les communautés ont dû apprendre à composer avec les pulsions violentes des hommes afin de ne pas se détruire elles-mêmes. L’instauration de tabous doit être considérée comme l’un des instruments mis en place pour réguler et contrôler la violence, pour éviter que celle-ci ne devienne mimétique, récurrente et explosive. Des instruments que les communautés ont payé au prix fort, car les tabous concernaient des personnes et des actions à l’origine de discriminations et, bien souvent, de véritables persécutions envers ceux qui étaient l’objet du tabou (les femmes, les lépreux, les pauvres, les malades voire des peuples entiers).
Les relations entre une communauté et ses tabous possèdent une très grande ambivalence. D’une part, le tabou représente tout ce qu’il faut éviter, ce à quoi on ne peut pas toucher, ce contre quoi il faut s’immuniser pour ne pas se laisser contaminer par son esprit (le mana). Les mots associés au tabou ne doivent pas être prononcés non plus. Il n’y a aucune possibilité de traverser le territoire du tabou. Les communautés ont changé, sont mortes et ressuscitées au rythme de la création, de la violation et de l’élimination des tabous. Ce même rythme ancestral de la terre continue de déterminer notre histoire, bien que selon des modalités très différentes.
En même temps, le contenu du tabou exerce sur les personnes une forte et irrésistible attraction, impossible à vaincre sous certains aspects : le tabou ne peut certes être violé, mais nous avons très envie de le faire ; c’est le désir de venger Abel (« quiconque me trouvera me tuera ») qui engendre son « signe » (« que personne ne touche à Caïn ») : Genèse 4,14. Même si ces paroles sont interdites, la tentation de les prononcer est forte. En raison, par exemple, de ce que Freud appelle « le tabou des dominants », les rois ne peuvent être touchés par leurs sujets ; cette interdiction a pour but de contrer la passion qui inspire le profond désir, présent chez les membres des communautés, de tuer leurs rois et tous ceux qui les dominent.
Les objets, les animaux et les personnes considérés comme tabous présentent une double caractéristique : s’ils ne peuvent être touchés, ils ne peuvent pas davantage être éliminés. Gérer les tabous ne consiste pas à les faire disparaître car, autrement, la frontière à ne pas franchir disparaîtrait avec eux ; la communauté se laisserait contaminer et tomberait alors exactement dans le « péché » que le tabou cherche à éviter. Le tabou et ses signes doivent donc être très visibles et tout le monde doit pouvoir reconnaître ses totems.
Nous pouvons comprendre beaucoup de choses du capitalisme et, plus généralement, de l’économie, si nous prenons au sérieux son tabou de la gratuité. La relation entre la gratuité et le marché possède les traits anthropologiques du tabou. Nous y retrouvons avant toute chose la violence originelle. Les communautés traditionnelles, ou pré-mercantiles, se fondaient sur deux principes présents dès le début et bien distincts : la hiérarchie et le don. La hiérarchie était un instrument de gestion du pouvoir, tandis que le don régulait la réciprocité au sein des familles, des clans et des communautés. L’avènement des marchés se fait au détriment du don, qui doit mourir afin de laisser la place au contrat et à l’échange commercial, tous deux se caractérisant précisément par le fait qu’ils ne sont pas don, ni gratuité. L’économie de marché, loin de remettre en question la hiérarchie, l’exacerbe, à tel point qu’à l’ère de la démocratie, les entreprises capitalistes sont le principal lieu, avec l’armée, où la hiérarchie continue de remplir une fonction essentielle et, finalement, acceptée dans la société.
À l’origine du marché, on trouve, en revanche, une sorte de violence primitive envers la gratuité et le don, même si elle n’est ni ressentie, ni évoquée comme telle par ses protagonistes. Même la violence de Caïn a à voir avec le don et avec l’économie. Dieu n’acceptait pas les dons de Caïn, et ce refus a provoqué sa violence à l’encontre d’Abel, l’élimination de ce frère fragile qui, lui, savait faire des dons. La gratuité est fragile et vulnérable comme Abel, elle est exposée aux abus, sans défense et humble. Or, Caïn est également le protecteur des métiers, le fondateur de la première cité, qui prend le nom de son fils (Hénoch). Son nom lui-même présente une forte assonance avec le verbe qanah, qui signifie acheter. Toujours dans le livre de la Genèse, le mot « profit » (bècà) apparaît dans le passage relatant la vente de Joseph comme esclave par ses frères, encore une fois (37,28). La fraternité des dons se trouve niée dès lors que le profit entre en scène. Dans la Rome antique, le numus (monnaie) était le non-munus (don). À l’époque moderne, on trouve, au cœur du mythe fondateur de l’économie politique, la « main invisible », la thèse selon laquelle le moteur de la richesse des nations n’est pas la « bienveillance », ou la gratuité, des agents commerciaux, mais leurs intérêts personnels (Adam Smith). La main visible qui contenait en elle les dons est ainsi remplacée par la main invisible du marché, qui n’est pas la Providence des anciens, parce que sa nature réside dans l’absence de don.
Même la gratuité au sein du marché ne peut être profanée ; en revanche, elle doit être bien en vue. La frontière qui délimite son territoire correspond aux limites mêmes du marché : le domaine de la gratuité commence là où finit celui du marché, du contrat, des incitations. La gratuité commence de l’autre côté des grilles de l’entreprise, une fois que nous avons fait nos courses et rentrons chez nous. Tous doivent être en mesure de le voir et de le comprendre sans qu’il faille faire des discours compliqués. Il suffit d’observer ses signes et ses totems : cartes de pointage, durée des pauses repas, gestion des événements extraordinaires et, surtout, le langage. Les mots se rapportant au tabou ne peuvent être prononcés : malheur à celui qui lâche le mot don ou gratuité, ou l’un de ses synonymes, lors du déroulement ordinaire du travail.
Mais, comme cela se produisait dans certaines civilisations totémiques, là encore, à des moments bien précis le tabou, objet intouchable, peut et doit être touché, sacrifié et consommé lors d’un rituel, car c’est ainsi que l’on s’empare de sa force mystérieuse et terrifiante. C’est ainsi que, lors des réunions d’entreprise, le don est évoqué, mentionné et mangé, avant d’être replacé dès le lendemain dans son tabernacle inviolable. Des initiatives de volontariat des employés sont lancées et des dîners de bienfaisance sont organisés au profit des pauvres, à condition que ces activités soient gérées et définies à l’intérieur du cadre rassurant des règles fixées et qu’elles se limitent à ce moment sous contrôle. Ces donuncoli, des dons domestiqués, gérés et contrôlés, sont les nouvelles poupées vaudou, qui revêtent l’apparence de la personne vraie (le don-gratuité) pour mieux la contrôler et l’ensorceler.
Quelles sont alors les raisons profondes de la peur que la gratuité inspire à l’économie capitaliste, pour qu’elle en fasse son premier tabou ? La raison principale réside, là encore, dans l’attrait qu’elle exerce. Dans le cas de la gratuité comme dans celui de tous les tabous, l’interdiction naît d’un désir profond. Nous ne désirons rien tant que le don : nous le souhaitons ardemment, il nous fait vivre, il est notre vocation profonde. Si l’économie est vie, dans la vie économique aussi, l’attrait du don (accordé et reçu) est très, voire trop fort.
Or, rien n’est plus transgressif et libre que le don. S’il est transgressif et libre dans tous les domaines, c’est en économie que ses effets se révèleraient particulièrement dévastateurs. En effet, il briserait les règles des contrats et minerait la hiérarchie. Si les entreprises acceptaient et accueillaient le don-gratuité, elles se retrouveraient face à des personnes ingérables, imprévisibles, capables d’actes que la hiérarchie et les incitations ne pourraient contrôler, parce qu’elles seraient vraiment libres. Les entreprises auraient affaire à des salariés qui obéiraient à leurs motivations intrinsèques et qui, dans leur travail, dépasseraient les limites du contrat, un cadre trop étroit pour contenir toute la force du don. Elles se trouveraient face à des personnes ne correspondant à aucun organigramme ni à aucun profil de poste, des personnes beaucoup plus remplies de vie, aimant donc la confusion et le bruit, comme il en va des choses vivantes. Si les chefs d’entreprises reconnaissaient ce don comme tel, en d’autres termes, s’ils se montraient reconnaissants envers leurs collègues et salariés, cela créerait au sein des entreprises la réciprocité libre et les liens puissants qui sont les fruits caractéristiques des dons reconnus, acceptés et rendus. Ainsi, la hiérarchie changerait, elle deviendrait fraternelle donc fragile, vulnérable, exposée aux dangers à l’instar du doux Abel ; or, la fragilité et la vulnérabilité sont les principaux ennemis des entreprises capitalistes et de leur culture immunitaire. Face au risque de voir le don reconnu et de voir des liens puissants s’instaurer, la culture et la gouvernance des entreprises se contentent de répliquer en le niant. C’est ainsi que le tabou de la gratuité reparaît et se renforce de jour en jour. Les entreprises et les marchés se protègent de la gratuité pour se protéger de leur propre mort.
Il reste cependant encore une chose à ajouter. Ces dernières années, le tabou de la gratuité a quitté l’économie et les grandes entreprises pour passer progressivement et rapidement à la société civile, aux organisations à but non lucratif, aux associations, aux mouvements et aux communautés. Le tabou est en train de s’étendre et la gratuité occupe un territoire de plus en plus réduit sur terre. Les techniques et les instruments de gestion qui, jusqu’à une date récente, étaient l’apanage exclusif des grandes entreprises et banques, investissent peu à peu de nombreux pans de la société civile. Le vrai prix à payer, invisible dans presque tous les cas bien que très élevé, pour l’entrée du management capitaliste au sein des organisations civiles, des mouvements et des communautés, est l’élimination progressive du don libre de tous ces lieux. C’est ainsi que, paradoxalement, le tabou de la gratuité se crée précisément au cœur de réalités apparues grâce à la gratuité et pour la gratuité.
Qui saura violer ce grand tabou de notre temps ? Si l’un ou l’autre prophète le fait pour nous, aurons-nous le courage de nous mettre en marche vers la terre des hommes et des femmes libres ? Ou bien, regretterons-nous nous aussi, une fois dans le désert, les délices de l’esclavage ?
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À la frontière et au-delà / 9 - Pour un marché guidé aussi par la « main visible », le don
Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 19/03/2017
« Même si nous vivons dans un monde moins violent que n’importe quel monde du passé, ce n’est là que l’un de ses aspects. L’autre aspect révèle exactement le contraire : une augmentation effrayante de la violence et des menaces de violence. Tout en épargnant davantage de victimes, notre monde en tue plus que cela s’est jamais produit dans le passé. »
René Girard, La Violence et le Sacré
La gratuité est le principal tabou du capitalisme. Il la redoute comme la peste car, s’il la laissait évoluer librement sur son territoire, il serait contaminé par elle et elle lui inoculerait un « poison » qui signerait sa mort ; ou bien, elle le transformerait en quelque chose de complètement différent, ce qui revient au même. Mettre au jour le tabou de la gratuité au sein de notre économie (et société) est une tâche difficile car elle recèle un autre tabou : reconnaître son existence. Alors, si nous voulons mieux comprendre le lien profond entre gratuité et capitalisme, il nous faut briser ce premier tabou, en commençant tout simplement par en parler.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 12/03/2017
« C’est la marque d’une âme grande et belle, de ne chercher d’autre fruit du bienfait que le bienfait lui-même. »
Sénèque, Des bienfaits
Sine merito : sans mérite. C’était le nom sous lequel, entre le Moyen Âge et l’époque moderne, on désignait les monts-de-piété, les premières banques populaires créées et encouragées par le mouvement franciscain de l’Observance. Pour mieux souligner la nature humanitaire ou philanthropique de ces institutions, on leur niait un quelconque mérite. Quelques siècles plus tôt, Bernard de Clairvaux décrivait la passion du Christ en ces termes : donum sine pretio, gratia sine merito, caritas sine modo (don sans prix, grâce sans mérite, amour sans mesure). Autrement dit, le don excluait le prix, l’amour éliminait la mesure et la grâce niait le mérite : il y avait, d’une part, le mérite, le prix et la mesure et, d’autre part, le don, la grâce et la charité.
[fulltext] =>Ces distinctions et oppositions ont gouverné l’ethos et la spiritualité de l’Occident durant de nombreux siècles, jusqu’au moment où la culture capitaliste, avec sa nouvelle religion pélagienne donc méritocratique, a fini par nous convaincre que tous ces mots allaient dans le même sens, qu’ils étaient tout à fait compatibles ; que le don allait de pair avec le prix, que le mérite était le nouveau nom de l’amour, que la grâce-gratuité avait un sens uniquement lorsqu’elle était présente en quantité « juste » (microscopique), à l’instar des vaccins qui introduisent dans le corps une dose infime d’un virus pour l’immuniser contre celui-ci.
Les plus grandes innovations humaines se sont produites chaque fois que des hommes ont brisé, au sein d’une religion, d’une philosophie ou d’une tradition sapientielle, leur relation économique et rétributive avec les dieux, les idoles, les pharaons et les rois, et qu’ils ont proclamé un jubilé de « libération des prisonniers ». L’une de ces grandes innovations anthropologiques et théologiques se trouve dans le livre de Job, le livre de la Bible qui a le plus combattu la logique économique et rétributive de la religion. Le livre s’ouvre sur un pari entre Dieu-Élohim et son ange Satan, un pari qui porte précisément sur la gratuité. Comme on peut le lire dans le prologue, le Satan était revenu faire un tour sur terre ; face à la rectitude de Job, il demanda à Dieu : « Est-ce pour rien que Job craint Dieu ? […] Tu as béni ses entreprises, et ses troupeaux pullulent dans le pays. Mais veuille étendre ta main et touche à tout ce qu’il possède. Je parie qu’il te maudira en face ! » (Job 1,9-11). Il est intéressant de remarquer que l’auteur de ce récit choisit le Satan comme le représentant de la vision « économique » de la religion et de la vie, un choix qui, en soi, veut déjà dire beaucoup. Le Satan défie Élohim et Job, il défie Dieu et l’homme afin de voir si, sur terre, il existe au moins un homme qui craigne et aime Dieu « pour rien », c’est-à-dire gratuitement, sans attendre de récompense ni se faire payer.
Nous savons-nous capables d’être bons et justes en raison de la valeur intrinsèque de la bonté et de la justice, ou seulement parce que nous en attendons une quelconque récompense ? Sommes-nous capables d’amour pur ou, au contraire, restons-nous enfermés dans une vision commerciale du don et de l’avoir ? On comprend alors que le thème de la gratuité est intimement lié à celui de la liberté : que reste-t-il de la liberté, la nôtre et celle d’autrui si, en réalité, nos actions sont guidées d’abord par un patron qui, en nous payant, nous fait faire ce qu’il veut ? Car, aujourd’hui comme hier, le premier à être libéré chaque fois que nous dépassons les religions rétributives, c’est Dieu lui-même, qui sort enfin des palais royaux et impériaux pour venir habiter parmi nous.
Il n’est donc guère surprenant que certaines étapes décisives de l’histoire de l’humanité aient été rythmées par des débats, des schismes et des révolutions qui avaient directement trait à la gratuité. Qu’est-ce qui nous sauve vraiment ? Les mérites, les incitations, le profit ou, au contraire, un autre élément qui possède de la valeur justement parce que ce n’est pas du mérite, ni une incitation ou un profit ? Notre valeur, notre dignité infinie, tient-elle au fait que nous la méritons, parce que nous sommes utiles à quelqu’un ou à quelque chose, ou bien pour quelque autre raison plus importante ? C’est là que réside l’essence, la nature de cette dimension que nous appelons gratuité et que les cultures, les religions et les philosophies ont déclinée sous de nombreuses formes, mais qui possède en son cœur cette dimension de non-profit, de non-mérite et de non-incitation. La résistance constante que les civilisations ont toujours opposée, jusqu’à une date récente, à l’affirmation de la logique du marché, découlait de cette intuition, formulée de différentes façons : lorsque l’esprit mercantile apparaît dans les relations humaines, inexorablement il chasse et détruit ce quelque chose de vague et difficile à définir, mais subtil et essentiel, qui s’appelle la gratuité.
L’incitation est aujourd’hui le principal instrument utilisé par le culte capitaliste pour faire disparaître la gratuité du monde des hommes. Or, grâce à Dieu, la nature regorgera toujours de gratuité, à travers le soleil, le ciel, la vie des animaux, la pluie, la neige ou les enfants. Tout culte idolâtrique tend en effet à éliminer les dimensions intrinsèques de nos actions. Tant que nous faisons quelque chose parce que nous y croyons ou parce que cela nous plaît, nous ne sommes pas encore prisonniers des idoles. L’idéologie de l’incitation vide de leur contenu les dimensions intrinsèques de l’action car, en attribuant un prix à chaque chose et à chaque acte, elle finit par exclure du monde la gratuité. L’incompatibilité entre la gratuité et l’idéologie de l’incitation ne réside pas dans l’opposition gratuit-payant, puisque la gratuité est très présente au sein des multiples relations fondées sur des contrats et des prix, de même que de nombreux services rendus gratuitement n’ont en vérité rien de gratuit. Le conflit est plus tranché et renvoie exactement à la thèse du Satan : il est inconcevable que des personnes fassent de bonnes choses gratuitement, « sans être payées ».
La religion de l’incitation continue imperturbablement de se propager car, paradoxalement, elle se présente comme une expression de la « liberté des modernes ».
L’une de ses dernières conquêtes est ce que l’on appelle l’économie du partage. Le partage de maisons, de voitures ou de repas apparaît aujourd’hui comme une expérience innovante et plus humaine que les expériences possibles au sein des marchés traditionnels et des entreprises capitalistes ; dans certains cas, elle l’est même réellement. Cependant, comme toujours, si l’on veut comprendre ce qui se passe y compris dans ce monde fascinant et varié de l’économie du partage, il faut savoir saisir ses effets non intentionnés, qui sont les plus importants.
L’économie du partage consiste à créer de nouveaux marchés dans des secteurs où, auparavant, la gratuité prévalait. Récemment encore, lorsque nous partions en vacances, il nous fallait choisir : loger chez un ami ou à l’hôtel. Lorsque nous voulions dîner à l’extérieur, nous allions soit chez des amis ou parents, soit au restaurant. Si nous prévoyions un voyage, nous pouvions faire du stop ou payer le trajet. Deux mondes bien distincts, obéissant à des logiques opposées : la gratuité et le profit. Actuellement, une troisième voie se développe : durant nos vacances, nous avons la possibilité de nous faire héberger par des familles que nous ne connaissons pas ; lorsque nous voulons manger à l’extérieur, des personnes organisent des repas pour nous ; il existe un réseau de covoiturage pour nos déplacements, et bien d’autres choses encore : il suffit pour cela de payer. Le marché continue de faire son métier, offrant des échanges de services où chacun trouve son compte, entre personnes qui n’auraient jamais pu se rencontrer sans ces nouveaux marchés « collaboratifs », qui fonctionnent en conjuguant socialité et profit. Un phénomène en vogue, tant il semble offrir une nouvelle opportunité sans toucher au reste (hôtel, amis, restaurant, trains, autostop…). Il élargit l’ensemble des choix possibles et, par là même, augmente les libertés des personnes et des sociétés.
En réalité, le marché et ses acteurs ont bien compris que l’arrivée de ces nouveaux produits « lowcost » sont loin de laisser intacts les marchés qui existaient avant eux : en effet, là aussi, une « destruction créatrice » qui bouleverse les anciens équilibres et revenus est à l’œuvre, et elle pourrait bien engendrer une vraie révolution à moyen terme. Ainsi, les acteurs des marchés d’aujourd’hui réagissent et s’inquiètent, les plus malins d’entre eux recherchant des alliances avec ces nouveaux sujets.
Dans le deuxième domaine participant à la révolution de l’économie du partage, celui de la gratuité ou de la socialité sine merito, aucune voix ne s’exprime. Les intérêts marchands sont concentrés, clairs et puissants, et les réactions sont tout aussi déterminées. Les « intérêts » non marchands sont, au contraire, diffus, peu visibles et surtout très faibles. La gratuité ne dispose pas d’organisations par catégorie ou de syndicats, ni de personnalités politiques de référence. C’est ainsi que rien n’évolue. Nous ne nous apercevons pas davantage que, même de l’autre côté de l’économie de partage, une « destruction créatrice » s’opère et qu’en accaparant les biens communs qui ne jouissent d’aucun droit de propriété, elle se produit dans l’indifférence quand elle n’est pas applaudie ; parfois même, elle est accueillie avec le même enthousiasme que celui que l’empereur aztèque Montezuma manifesta à l’Espagnol Hernán Cortés, pensant que le dieu Quetzalcoatl revenait.
Lorsque mon voisin se met à organiser des dîners payants, cela entraîne un « coût opportunité », invisible mais très réel. Même si je ne créerai jamais mon restaurant à domicile, le fait de fixer un prix agit y compris sur moi. Car, au moment de faire mes comptes pour calculer le coût d’un repas avec sept amis, je le calculerai non pas à partir du prix des ingrédients sur le marché, mais à partir du « coût opportunité » le plus élevé du repas des voisins. Peut-être arriverai-je un jour à la conclusion que cela coûte trop cher, et je renoncerai alors à cette socialité gratuite, ou bien je commencerai à réclamer, sinon un paiement, du moins le remboursement de mes frais. D’autres continueront d’inviter des amis à dîner, en leur faisant payer le repas 50% moins cher que dans l’appartement d’à côté. Nous prêterons notre maison à un membre de notre famille pour 80% moins cher par rapport au prix pratiqué sur les logements dans l’économie de partage. Nous aurons l’impression d’être généreux ; quant lui, il pensera que nous lui avons fait un cadeau. Ainsi, les pauvres seront de plus en plus exclus des maisons, des voyages ou des repas, marginalisés par une culture qui n’accepte plus rien ni personne sine merito.
Bientôt, ces nouveaux marchés sociaux seront régulés et deviendront des marchés comme les autres. En attendant, nous aurons réduit le domaine de la gratuité à une peau de chagrin, et nous aurons de moins en moins d’amis.
Dans le livre de Job, le Satan a perdu son pari, parce que Job a su rester juste « pour rien », gratuitement. Durant plus de deux mille ans, sa victoire a été aussi la nôtre, et nous nous sommes montrés capables d’inviter quelqu’un à dîner « sans attendre de récompense ».
Mais si, demain, un autre ange revient nous visiter pour chercher des personnes capables de gratuité, trouvera-t-il un nouveau Job sur notre terre envahie par le mérite, le profit et l’incitation ?
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À la frontière et au-delà / 8 - La socialité bon marché s’étend et nous trahit
Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 12/03/2017
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 05/03/2017
« Dans un monde où la monnaie achète tout, la monnaie devient toute-puissante. »
Giacomo Becattini, extrait d’une conversation privée
Dès l’aube de la civilisation, l’argent a investi le domaine du sacré, et cette tendance n’a jamais été contrariée. Si les garants du sacré ont essayé de contenir l’influence de l’argent, à certains moments de l’histoire la monnaie et le sacré se sont alliés, donnant naissance à des cultes idolâtriques et à de nombreuses variantes de « marchés des indulgences ». Aujourd’hui, le raz-de-marée de la monnaie a engendré un culte économique bien plus extrême et envahissant que celui des époques précédentes. Or, cette nouvelle pathologie religieuse ne produit pas d’anticorps ni de réformateurs capables de comprendre le danger de ce nouveau marché mondial et de réagir efficacement.
[fulltext] =>La distinction et séparation entre le profane et le sacré est un axe fondamental des religions et des cultures, même si les expériences du profane et du sacré, vécues hier et aujourd’hui par les peuples, sont très diverses et occupent tout le spectre allant du sacré qui attire et séduit, au sacré qui terrorise parce qu’il est effrayant. L’humanisme biblique, qui connaît une distinction analogue, est cependant traversé par la grande tentative constante de briser la frontière qui sépare le sacré du profane et la cité du temple. Son âme prophétique et sapientielle a été en effet une pédagogie longue et tenace nous enseignant que le « lieu de Dieu » n’était ni la tente ni le temple, mais la terre. Le monde entier est sacré car il est création, donc le monde entier est profane car Élohim est présent sur terre sans pour autant devenir la terre ou les choses qui y sont présentes. C’est pourquoi, au summum de la révélation biblique, nous lisons que, dans la nouvelle Jérusalem, « je n’ai plus vu aucun temple en elle » (Apocalypse 2,22-27).
La séparation entre le profane et le sacré était (et reste) avant tout un système de contrôle social, de création et de renforcement des hiérarchies et des castes. En effet, la distinction première et originelle entre le profane et le sacré entraînait une autre séparation, non moins radicale, entre le pur et l’impur. Les impurs n’avaient pas accès au sacré, le lieu de la pureté, qui était pur dans la mesure où il n’était pas contaminé par l’impureté. Dans le monde des religions, il a toujours été difficile d’aider et de racheter vraiment les pauvres car, comme ils étaient généralement impurs, les purs ne pouvaient pas les toucher.
Même le développement de l’économie, donc de la monnaie, est intimement lié à cette distinction très nette. Pourtant, au cœur des économies monétaires on trouve un élément qui, au fil du temps, s’est révélé décisif dans le destin de l’Europe, du monde et du capitalisme : la monnaie échappe aux lois de la pureté et de l’impureté. Contrairement aux objets, aux animaux, aux personnes et aux matières organiques, la monnaie ne devient pas impure en entrant en contact avec des personnes ou des choses impures. Rares sont les expériences de léproseries et de villages de lépreux où seule circulait une monnaie spéciale qui ne pouvait sortir de ces frontières rigides tracées et gérées par les « purs ».
Cette immunité spéciale de l’argent est aussi révélatrice que peu étudiée. À la différence de tous les autres objets, qui deviennent impurs en entrant en contact avec une personne ou un objet impur, la monnaie ne devient pas impure en se frottant à l’impureté. Le premier « instrument » utilisé par les cambistes du Moyen Âge pour vérifier l’authenticité des pièces de monnaie étaient leurs dents : ils les mordaient dans les coins, et la première capacité demandée à ces premiers banquiers était leur sensibilité dentaire. Une pièce de monnaie était pure à tel point que l’on pouvait l’introduire dans sa bouche. Pecunia non olet (l’argent n’a pas d’odeur) reflète également cette vieille immunité et absence de contamination par l’argent, que nous retrouvons sous différentes formes dans toutes les civilisations. Parallèlement, entre autres sous l’influence déterminante du christianisme, au Moyen Âge l’argent était perçu aussi comme l’« excrément du démon », qui dégage une très mauvaise odeur. L’argent sent mauvais, certes, mais on n’est pas contaminé à son contact. Il s’agit du seul excrément qui ne rend pas impur. Il n’est donc pas surprenant que, dans l’Europe chrétienne, l’argent ait été géré essentiellement par les juifs, confinés dans leurs ghettos, et que, dans l’Inde traditionnelle, les fonctions de banquiers aient été principalement l’apanage des parias. En touchant les pièces de monnaie, les exclus car considérés comme porteurs de quelque impureté, les transforment en l’unique « chose » qui peut circuler parmi la population sans contaminer personne : la multiplication de deux « négatifs » donne comme par magie un « positif ».
Cette protection spéciale face à l’impureté a ainsi permis aux pièces de monnaie de s’échanger partout et avec n’importe qui : entre chrétiens, juifs, musulmans, fidèles et infidèles, et même avec des peuples que ces religions considéraient comme idolâtres. Sans ce statut spécial dont jouissait l’argent, l’immunité et l’exemption, nous n’aurions pas assisté au développement du commerce au Moyen Âge, ni, plus tard, à la naissance du capitalisme mondial.
Ce laissez-passer spécial accordé à la monnaie valait également lors de l’entrée dans le monde des morts. Une tradition très ancienne et extrêmement répandue consistait à disposer des pièces de monnaie sur le corps, les yeux et la bouche des défunts. Les prêtres égyptiens refusaient de transporter sur le Nil ceux qui ne s’étaient pas acquittés de leurs dettes avant de mourir. Ainsi, par extension, on mettait des pièces de monnaie dans les tombes pour régler les frais de péage à Charon, ou bien pour payer d’hypothétiques dettes encore en souffrance à l’arrivée dans le séjour des morts. Dans cette « partie double » créative entre ciel et terre, la monnaie devenait le moyen d’annuler dans l’au-delà des dettes contractées ici-bas. Ce paiement de l’obole pour le dernier passage est tout à fait emblématique. Sur terre, la monnaie devient à la fois l’objet le plus semblable aux dieux et l’objet le plus profane, la chose qui sent le moins mauvais et le plus mauvais, tout en échappant aux premières lois religieuses sur l’impureté, raison pour laquelle tout le monde peut la toucher sans que cela n’ait de conséquences.
Ainsi, vers la fin du Moyen Âge, lorsque des détenteurs de monnaie eurent l’idée d’utiliser l’argent pour payer quelqu’un d’autre, pour honorer une promesse ou réaliser un souhait (croisades ou pèlerinages), de payer les pauvres afin de les inciter à prier et à faire pénitence pour leur propre compte, voire d’acheter avec de l’argent la remise d’années de purgatoire ou un coin de paradis, cela n’avait rien de vraiment novateur, puisque la monnaie avait toujours eu une nature et un pouvoir surnaturels. Dans la Bible et les évangiles, la monnaie « impure » occupe une place importante. Cependant, l’impureté de la monnaie s’expliquait par la présence, sur les pièces, d’images de rois et d’animaux, en tout cas, de figures idolâtriques. Les juifs maniaient et touchaient les pièces de monnaie qui leur semblaient impures, même si cela leur coûtait et les mettait mal à l’aise. Le seul endroit où la monnaie ne pouvait pas entrer était le temple. Seules les pièces dépourvues d’images idolâtres y étaient autorisées, et ces pièces de monnaie pures servaient à communiquer avec le Seigneur à travers les sacrifices et les offrandes.
Dans un certain sens, le « désenchantement du monde » et la désacralisation de la terre s’expliquent surtout par le fait que la monnaie a obtenu ce laissez-passer dans tous les domaines visibles et invisibles.
À y regarder de plus près, nous découvrons d’autres aspects intéressants cachés derrière l’immunité de la monnaie. L’exemption des règles de pureté et d’impureté pour la monnaie, loin d’éliminer ou de réduire les systèmes de castes dans le monde, les a renforcés, en a créé de nouveaux et les a exacerbés. Mais, surtout, les impurs ont toujours existé et continuent d’exister, même dans le rapport à la monnaie. Ils étaient et sont encore ceux qui ne peuvent pas posséder la monnaie, ceux qui n’y touchent pas. Par un autre paradoxe de l’économie, l’impureté des sociétés monétaires provient d’une absence de contact : sont impurs ceux qui ne peuvent toucher à la monnaie. Impurs car pauvres, exclus, chassés des paradis des riches et des possédants, du club des marchés, aujourd’hui comme hier.
On observe cependant un phénomène plus accentué et, par conséquent, presque invisible à l’œil nu. Dans l’Antiquité, la monnaie qui circulait entre les différentes classes sociales et allait au-delà, permettait aux riches et aux brahmanes de faire appel aux services des travailleurs manuels et des pauvres sans avoir à les « toucher », sans éprouver le besoin d’établir une relation personnelle avec eux. En payant une somme d’argent, souvent peu élevée, les détenteurs du pouvoir obtenu grâce à la monnaie parvenaient (et parviennent toujours) à faire utiliser des bras et des mains sans avoir à les toucher. Avec le développement de l’économie de marché puis du capitalisme financier, la monnaie est devenue le grand médiateur de notre temps, l’instrument qui nous permet de vivre côte à côte sans nous toucher afin de ne pas nous contaminer, de ne pas nous infliger de blessure due à la différence. La dématérialisation de l’argent que connaît notre époque grâce à la technologie, a amplifié le caractère « spirituel » de l’argent, qui, à l’instar des dieux les plus évolués, ne se voit pas mais opère dans l’ombre, agit, sauve et condamne. La monnaie électronique invisible détermine de plus en plus nos relations mutuellement immunes, avec toutefois une nouveauté : désormais, on n’a même plus besoin de toucher la monnaie, devenue comme par magie un « médiateur zéro ». Alors que nous ne voyons plus les parias qui, en touchant la monnaie, la purifient par leur impureté, dans les bas-fonds de nos structures capitalistes beaucoup continuent de blanchir l’argent sale. Il s’agit des nouveaux hors-caste, qui remplissent la même fonction qu’autrefois.
Enfin, notre civilisation de la monnaie invisible et toute-puissante, si on la compare aux civilisations passées, présente une nouveauté de taille. Jusqu’à une date récente, les choses que l’on pouvait acheter avec la monnaie étaient somme toute peu nombreuses et ne revêtaient presque jamais une importance capitale. La monnaie ne permettait pas d’acquérir les biens essentiels dans la vie, mais seulement un peu de santé, un peu d’estime, un peu (plus) de confort et de bien-être. Durant des millénaires, la monnaie achetait peu et certainement pas tout ; mais, surtout, il y en avait peu et pour un petit nombre de personnes. La nature sacrée et mystérieuse de la monnaie tenait aussi à sa rareté, donc à l’ignorance et à l’incompétence de la plupart des personnes qui entraient en contact avec elle, tout comme de nos jours, une très grande majorité de personnes sont totalement dépassées par la nouvelle finance.
Mais aujourd’hui, la monnaie achète beaucoup de choses. Nous voulons acheter presque tout, et l’on cherche à nous convaincre que tout s’achète, de la santé à la jeunesse en passant par la justice et la beauté. Ainsi s’instaure un nouveau « marché des indulgences » à l’échelle mondiale, où l’argent promet et permet d’acheter le paradis et le purgatoire, où les riches achètent aux pauvres leur temps, leurs services, leur bien-être et leur vie. Nous ne payons plus un pauvre afin qu’il prie pour nous, qu’il parte en croisade ou qu’il aille à Saint-Jacques de Compostelle à notre place, mais pour qu’il nous vende un rein, qu’il nous fasse un enfant ou nous aide à mourir.
La monnaie continue de prétendre acheter le paradis et nous la laissons faire, entre autres parce que nous avons oublié à quoi ressemblait le vrai paradis.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 05/03/2017
« Dans un monde où la monnaie achète tout, la monnaie devient toute-puissante. »
Giacomo Becattini, extrait d’une conversation privée
Dès l’aube de la civilisation, l’argent a investi le domaine du sacré, et cette tendance n’a jamais été contrariée. Si les garants du sacré ont essayé de contenir l’influence de l’argent, à certains moments de l’histoire la monnaie et le sacré se sont alliés, donnant naissance à des cultes idolâtriques et à de nombreuses variantes de « marchés des indulgences ». Aujourd’hui, le raz-de-marée de la monnaie a engendré un culte économique bien plus extrême et envahissant que celui des époques précédentes. Or, cette nouvelle pathologie religieuse ne produit pas d’anticorps ni de réformateurs capables de comprendre le danger de ce nouveau marché mondial et de réagir efficacement.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 26/02/2017
« Mes paroles sont trop difficiles pour toi, et c’est pour cela qu’elles te semblent trop faciles. »
Yehudah ha-Levi, Kuzari
La loi sacrée de l’avantage mutuel constitue le fondement de la vie bonne des êtres humains. Si le marché est un réseau d’échanges d’intérêts réciproques, les associations, voire les communautés et les familles, peuvent être envisagées elles aussi comme un ensemble de relations avantageuses les unes pour les autres. Si, lors des processus éducatifs qui sont des actions visant à réduire les vulnérabilités économiques et sociales, nous prônons l’avantage mutuel, nous avons plus de possibilités de développer des pratiques respectueuses de la dignité de la personne, plus responsables et moins paternalistes. Ceci explique que, de tout temps, les sages aient été nombreux à reconnaître dans la réciprocité (et non pas dans l’altruisme, ni dans l’intérêt individuel) la première règle de la vie communautaire et sociale. Pourtant, il existe certains lieux de vie où la recherche de l’avantage mutuel n’est pas une bonne chose, parce que satisfaire les intérêts réciproques ne fait que dénaturer ces relations et provoque simplement leur dégénérescence. La spiritualité est l’un de ces domaines.
[fulltext] =>Notre époque offre un large éventail de spiritualité « bon marché », y compris dans le monde des grandes entreprises. Le capitalisme dernière génération, qui perçoit bien que les salariés sont des êtres spirituels et symboliques, essaie d’offrir un peu de spiritualité au travail, recherchant là un avantage mutuel : plus les salariés sont heureux, plus les équipes de travail sont productives et plus les entreprises réalisent de profits. Or, la spiritualité véritable et sérieuse est difficile à « offrir » et à « demander », à plus forte raison dans une culture comme la nôtre, qui a perdu tout contact avec les religions et avec la piété populaire ; même le mot « spiritualité » est devenu ambigu. Comprendre et apprécier une prière ou un psaume est aujourd’hui au moins aussi difficile que comprendre et apprécier les symphonies de Mahler ou de Respighi. Nous sommes entrés dans un très vaste processus d’analphabétisme spirituel. Nous avons perdu notre capacité de vie intérieure, de paix de l’âme et de silence du cœur. Nous avons accéléré la course du temps puis rempli chaque fraction de seconde. Et, lorsque nous essayons de lire des livres tels que la Bible, un recueil de poésies ou de vraie spiritualité, ils nous paraissent difficiles, trop lointains, muets. Ils ne nous parlent pas, nous ne les comprenons pas, nous ne les aimons pas et ils ne nous aiment pas.
La spiritualité authentique n’est pas un bien de consommation et n’améliore pas notre confort. Elle ne ressemble pas davantage à un massage ou à une douche émotionnelle dans les spas des hôtels où se tient une réunion d’entreprise. Le jour béni où nous découvrons une spiritualité authentique et où nous ressentons en nous l’appel à nous engager sur un nouveau chemin merveilleux, c’est une vraie libération qui commence. Nous entrons en crise et nous nous replions sur nous-mêmes ; souvent, au début nous sommes moins productifs, nos performances n’augmentent pas car, pendant très longtemps, parfois durant des années, nous sommes trop distraits par des « choses » que les entreprises rejettent. C’est ainsi que le marché, à la recherche de l’avantage mutuel, propose, pour un bon prix, des imitations de la spiritualité, faciles et inoffensives, qui activent et entretiennent nos émotions les plus primaires ; et, lorsque celles-ci s’apaisent, elles nous quittent comme elles étaient entrées en nous. Ces émotions-là ne nous demandent aucune conversion et ne font que nous conforter tranquillement dans ce que nous faisions et étions déjà. Au lieu de « symphonies », elles nous offrent des chansonnettes faciles, qui reprennent des structures mélodiques et harmoniques d’œuvres véritables, éventuellement chantées par des vedettes d’opéra. Nous y trouvons alors tous notre compte : les entreprises, les salariés et les chanteurs. Seuls souffrent Mahler et Respighi, ainsi que ceux qui les aiment et les estiment. Paulo Coelho vaut toujours mieux qu’Isaïe, et nous préférons l’évangile de Thomas à l’évangile de Marc.
Il s’agit d’un cas caractéristique où la règle du « c’est mieux que rien » ne se vérifie pas car, comme ce « mieux que rien » n’est pas une part ni un échantillon de dégustation de bien, mais une marchandise d’une autre nature, la chansonnette fait (presque) toujours disparaître le désir d’écouter des symphonies.
Ce réductionnisme de la foi et de la spiritualité confortable est en train d’influencer de façon décisive le peu qui reste de la vie religieuse et spirituelle des églises, des paroisses et des communautés religieuses nouvelles et anciennes. Il s’agit là d’un des nombreux paradoxes de notre époque troublée, d’un autre signe éloquent de la nature à la fois religieuse et idolâtrique du capitalisme. Réduire la spiritualité à un bien de consommation, considérer le fidèle comme un client ayant des goûts à satisfaire le mieux possible, multiplier les offres religieuses destinées à répondre à la demande de consommation spirituelle : ces tendances caractérisent de façon croissante le nouveau paysage religieux.
Au cours de sa longue histoire, l’humanisme judéo-chrétien a été, à de nombreuses reprises, profondément influencé par la logique du marché. La Bible regorge d’épisodes, de récits et de mots empruntés au lexique et à l’esprit de l’économie pratiquée à l’époque. Impossible de comprendre l’Alliance, ni même la Loi (la Torah) ou les amis de Job, sans connaître les traités commerciaux conclus en ce temps-là. Si nous laissons l’économie de côté, de nombreuses paroles du Nouveau Testament et le christianisme du Moyen-Âge échappent à notre compréhension. Commerce et économie ont toujours proposé des catégories et des mots permettant d’interpréter et de raconter les événements religieux.
Or, et c’est là tout le problème, les catégories et les paroles du registre économique et commercial ont systématiquement entraîné les religions sur de fausses routes, moins exigeantes, certes, mais mauvaises. Les prophètes et certains livres sapientiels ont essayé de rectifier ces chemins sinueux, en présentant un Dieu et un homme différents, affranchis de la logique commerciale et de la religion rétributive. Le christianisme ne s’est en rien libéré de la « théologie de l’expiation ». Durant des siècles, celle-ci nous a fait percevoir l’incarnation et la mort de Jésus comme le « prix à payer » à un Dieu-Père détenteur d’un crédit infini envers l’humanité pour nos offenses et nos péchés infinis, un crédit qui ne pouvait être remboursé et éteint que par le sacrifice de son Fils unique. Une théologie-idéologie économique et rétributive qui nous a beaucoup éloignés de la Bible, qui nous a caché les plus belles pages des Évangiles et de saint Paul, déformant l’idée de Dieu et des hommes. Les métaphores et les langages ne sont jamais des instruments neutres : toutes les paroles créent des métaphores inappropriées.
Aujourd’hui, nous vivons de nouveau une période profondément marquée par l’influence de l’économie sur la religion et sur la spiritualité, une influence d’une ampleur qui n’avait encore jamais été atteinte au cours de l’histoire. Le marché altère progressivement cette culture religieuse qu’il avait d’abord combattue puis réduite à une simple marchandise, et crée à présent de nouvelles « théologies de l’expiation et des dettes », plus puissantes que celles d’autrefois car notre marché a acquis une importance inédite.
Il s’agit d’un phénomène très vaste. En surface, il se manifeste par l’entrée du langage de l’entreprise et du management ainsi que de leurs catégories au sein des paroisses et des mouvements. Des mots tels que leadership, rapidité, efficience, voire mérite, font désormais partie du vocabulaire ordinaire de beaucoup de communautés, mouvements, paroisses et familles.
Pourtant, nous ne devons pas nous arrêter à la surface du problème, intéressant à creuser. Pensons, par exemple, aux « liturgies émotionnelles » qui ne cessent de se développer, et qui entraînent les personnes en faisant notamment appel à leur dimension sentimentale et émotive. Les gens arrivent à l’église ou dans un groupe après avoir subi l’influence d’une culture centrée sur la consommation, qui stimule de plus en plus les émotions et, dans la droite ligne de la culture hédoniste de ce capitalisme, encourage la recherche du plaisir. Ainsi demande-t-elle plus ou moins consciemment, y compris aux liturgies et aux pratiques religieuses, de satisfaire les besoins émotionnels. Lorsque les responsables de communautés et mouvements sacrifient à la logique économique de l’« avantage mutuel », ils bradent leurs offres pour répondre aux préférences des consommateurs-fidèles qui ont tôt fait de se transformer en fidèles-consommateurs.
Il est bien difficile de saisir cette dérive consumériste de la religion, étant donné que la liturgie et l’expérience des religions ont toujours entraîné la personne tout entière, avec ses émotions. Tous les sens sont activés lors des expériences spirituelles : les yeux contemplent la beauté de l’architecture, des vitraux et des fresques, les mains serrent d’autres mains, les oreilles écoutent la musique... Or, les cultes idolâtriques et totémiques étaient et sont eux aussi des expériences sensorielles globales que la Bible et les chrétiens ont combattues énergiquement. Nous n’aurions pas eu deux mille ans de civilisation chrétienne si les dimensions émotives et consuméristes avaient prévalu dans les liturgies des premiers temps : la Révélation se serait laissé absorber par les cultes de la nature pratiqués parallèlement. Car, comme la grande tradition sapientielle n’aura de cesse de nous le rappeler, le chemin qui conduit aux temples est semé d’embûches et plein de pièges mortels.
La consommation émotionnelle comporte ainsi un « point critique » à ne pas dépasser. Certes, lorsque la spiritualité ne fait pas appel aux émotions, elle ne se transforme pas en chair et ne peut donc nous sauver ; mais, si la dimension émotionnelle et consumériste devient le seul ou le principal registre de notre foi, nous perdrons très sûrement tout contact avec le monde biblique et nous nous retrouverons ainsi, sans même le vouloir ni nous en rendre compte, au milieu d’un banquet idolâtrique dont nous serons les premières victimes offertes en sacrifice. Les communautés chrétiennes ont dû se battre énormément afin que leurs cènes se démarquent des cènes si répandues dans les rites des peuples méditerranéens, afin d’affirmer que l’eucharistie n’est que gratuité et communion offerte, reçue et redonnée, un ensemble de grâces obtenues. C’est pour cela qu’elles avaient donné à cette cène le magnifique nom d’agape, le nom même de leur Dieu différent de tous les autres.
Le moyen de résister à l’éternelle tentation du consumérisme idolâtrique consiste à se garder d’enfermer les personnes dans les liturgies, en passant de la « spiritualité-consommation » à la « spiritualité-production », à la multiplication de la communion hors du temple, sans enfouir les talents dans les cryptes des églises. À l’inverse, mettre l’accent sur la foi émotionnelle retient les personnes à l’intérieur des maisons et des églises, elle les cloue sur leurs bancs et leurs canapés en les invitant à ne pas sortir pour libérer au moins une personne, à savoir eux-mêmes. Mettre l’accent sur la consommation individuelle et collective de biens religieux transforme inévitablement les communautés en clubs, ce qui nous éloigne de l’histoire, de l’incarnation, des périphéries et des pauvres. Lorsque la liturgie émotionnelle s’achève, il ne reste rien de cette nourriture. La vie spirituelle authentique n’est pas une aspirine, mais une substance que l’on absorbe lentement, qui porte du fruit en temps voulu, quand nous plongeons à l’intérieur de quelque chose et de Quelqu’un qui a poussé en silence dans notre champ pendant que nous nous occupions d’autre chose, des autres. La foi faite uniquement de consommation ne nous aide en rien à cheminer dans la vie hors des murs du temple, et la belle laïcité de la rue meurt.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 26/02/2017
« Mes paroles sont trop difficiles pour toi, et c’est pour cela qu’elles te semblent trop faciles. »
Yehudah ha-Levi, Kuzari
La loi sacrée de l’avantage mutuel constitue le fondement de la vie bonne des êtres humains. Si le marché est un réseau d’échanges d’intérêts réciproques, les associations, voire les communautés et les familles, peuvent être envisagées elles aussi comme un ensemble de relations avantageuses les unes pour les autres. Si, lors des processus éducatifs qui sont des actions visant à réduire les vulnérabilités économiques et sociales, nous prônons l’avantage mutuel, nous avons plus de possibilités de développer des pratiques respectueuses de la dignité de la personne, plus responsables et moins paternalistes. Ceci explique que, de tout temps, les sages aient été nombreux à reconnaître dans la réciprocité (et non pas dans l’altruisme, ni dans l’intérêt individuel) la première règle de la vie communautaire et sociale. Pourtant, il existe certains lieux de vie où la recherche de l’avantage mutuel n’est pas une bonne chose, parce que satisfaire les intérêts réciproques ne fait que dénaturer ces relations et provoque simplement leur dégénérescence. La spiritualité est l’un de ces domaines.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 19/02/2017
« La spiritualité au travail apparaît comme un nouveau et important modèle managérial que les chefs d’entreprise pourront exploiter afin d’améliorer leurs organisations en augmentant, entre autres, le degré d’engagement et de satisfaction ainsi que les performances de leurs subordonnés. »
Sofia Lupi, La spiritualità nelle organizzazioni
Le « marché de la spiritualité » voit renaître la vieille « loi de Gresham » : la mauvaise monnaie chasse la bonne. Cette loi valait chaque fois que deux sortes de monnaie circulaient sur les places : la vraie et la fausse monnaie, difficile à reconnaître en tant que telle. La fausse monnaie infestait les places et, en peu de temps, faisait disparaître de la circulation la bonne monnaie.
[fulltext] =>Le culte capitaliste et méritocratique, plus « léger » et à circulation rapide, trompe aujourd’hui les religions traditionnelles et authentiques en faisant passer ses cultes totémiques pour de grandes innovations, qui risquent ensuite d’infecter même les vestiges des vieilles religions, fascinées et séduites à leur tour par ce nouveau culte. La première grande opération du capitalisme de dernière génération a consisté à réduire les religions et la spiritualité à des marchandises. La deuxième opération, très récente, est un véritable coup de maître : faire des grandes entreprises les premiers consommateurs de ces « marchandises spirituelles ».
Pensons aux rites qui sont devenus la nouvelle mode au sein des grandes entreprises : nous y retrouvons de plus en plus de liturgies et de rituels caractéristiques des idolâtries anciennes. Des groupes de travail sont livrés à eux-mêmes, l’espace de quelques jours, dans la forêt ou dans le désert, pour des séances d’initiation collective et de « team building » ; des jeux de rôle, toujours plus étranges, sont destinés à développer l’« esprit » d’équipe ; lors de sessions d’« escape room », les participants sont enfermés durant un certain laps de temps, doivent résoudre des énigmes et réussir ensuite à s’enfuir durant le temps imparti. De véritables rites sociaux remplacent peu à peu les exercices de « confiance », devenus archaïques, lors desquels l’un des membres du groupe se laissait tomber en arrière, montrant ainsi aux autres qu’il leur faisait confiance.
Il y a quelques années, lorsque ces jeux pour adultes ont été introduits dans certaines entreprises innovantes, nous les prenions tous plus ou moins comme des moments de récréation, et nous y trouvions même du plaisir. Pourtant, à un certain moment, le jeu nous a échappé : nous avons cessé de rire et l’on nous a persuadés que tout cela était une chose extrêmement sérieuse. Et nous y avons cru. Même les usages traditionnels qui imposaient à tous les employés de porter l’uniforme (ou le tee-shirt) de l’entreprise et d’entonner ses tristes hymnes, sont aujourd’hui remplacés par des liturgies plus sophistiquées. Parmi elles, le « théâtre de l’entreprise » : lors des fêtes, les salariés jouent des pièces, écrites ou revisitées par les consultants, destinées à dépasser les conflits et les frustrations au travail. Ou bien, les « road shows », lors desquels les dirigeants vont visiter les différents départements et filiales afin de rencontrer directement les salariés dans leur milieu de travail. De véritables visites pastorales qui alternent avec les visites ad limina.
On ne s’étonnera alors pas que la spiritualité dans le management, actuellement en plein boom, soit devenue l’une des dernières frontières à conquérir pour les grandes entreprises. On ne compte plus les congrès, les formations et les livres abordant des thèmes fascinants : « amour et pardon dans le management », « comment former des leaders spirituels », « intériorité et leadership », et bien d’autres encore. C’est ainsi que les entreprises invitent des gourous de toutes les « religions » anciennes et nouvelles qui sont chargés d’augmenter le « capital spirituel » de ces entreprises et de cultiver leur karma. Les entreprises voient fleurir les salles de méditation où l’on peut passer quelques minutes (bien comptées) pour refaire le plein d’énergie spirituelle ; ou encore, de véritables liturgies et prières viennent introduire les réunions de travail ou les « retraites spirituelles » de l’entreprise. Ces rites et ces liturgies « laïcs » sont bien connus depuis longtemps dans les milieux économiques. Or, si, jusqu’à une date récente, ils étaient secrets, réservés à quelques initiés, et puissamment combattus par les Églises et le monde du travail, à présent ils sont publics, appréciés et encensés par (presque) tout le monde.
C’est dans le monde varié du leadership que cette vague de spiritualité se révèle particulièrement manifeste et dangereuse. Leader et leadership, associés à des adjectifs de plus en plus imagés, sont en passe de devenir les deux mots d’ordre de cette nouvelle religion, qui se marie parfaitement à l’idéologie méritocratique. Des mots tels que responsables, dirigeants ou chef de bureau apparaissent aujourd’hui comme vieillis et dépassés, car ils renvoient à un capitalisme trop banal. Ils laissent donc la place au nouveau terme de leader, toujours prononcé à la manière de la sacro-sainte langue anglaise. Contrairement aux dirigeants, les leaders se doivent de posséder un charisme, un certain charme et de l’attrait. Au sein des nouvelles entreprises, il est indispensable d’obtenir l’approbation de l’âme et du cœur : le contrat ne suffit plus, et seul un leader peut emporter ce type d’adhésion de l’esprit. En raison de la nature même du leadership, n’est pas leader qui veut. Arrivent alors des consultants et professionnels qui savent reconnaître chez les salariés les signes de leur vocation au leadership. Après les avoir sélectionnés et formés, ils leur assignent une mission qui consiste pour l’essentiel dans leur capacité à manipuler les personnes qu’ils guident, afin de provoquer leur assentiment volontaire aux propositions du leader. Le leader a en effet pour ambition principale l’adhésion intentionnelle et libre de ses partisans aux objectifs du groupe ; ceux-ci les intériorisent et les suivent grâce à l’habileté et au charisme qu’il déploie. Les hiérarchies et la coercition se trouvent alors dépassées une fois pour toutes : le leader a le don de transformer des ordres extérieurs en ordres intérieurs. En approuvant en son for intérieur les directives du leader, chacun de ses partisans n’obéit qu’à lui-même, concrétisant ainsi la plus grande autonomie du salarié-disciple. On voit enfin se réaliser le rêve d’un système de production « fraternel », fondé non plus sur le conflit et la lutte, mais sur l’assentiment libre et réciproque venu du cœur.
Donc, si nous lisons attentivement entre les lignes des nouvelles théories et pratiques du leadership dernière génération, nous découvrons que la figure du leader idéal est celle du prophète : une personne que l’on suit librement et avec joie, attiré par la force de son charisme, par son autorité naturelle et son charme spirituel. Une personne capable de convertir intérieurement ses partisans sans avoir besoin de les commander ni de les contrôler, parce que les salariés intériorisent sa parole, devenant ainsi tout à fait autonomes et se gouvernant eux-mêmes. Mais, surtout, ils sont heureux de la suivre.
Le leadership dernière génération se présente alors comme un leadership spirituel, comme une nouvelle forme de méritocratie : la « méritocratie spirituelle » (Shawn van Valkenburgh). En conjuguant méritocratie et spiritualité, ce new age de l’entreprise du troisième millénaire est en train de mettre méthodiquement en place la religion rétributive et économique, que Job, les prophètes et, plus tard, le christianisme, avaient combattue de toutes leurs forces. Le plus affligeant est que tout cela se passe dans l’indifférence du monde défendant le vrai travail et la personne, mais également d’une grande partie du monde ecclésial et, plus généralement, des religions « vraies ». Parmi les gourous invités à parler de spiritualité aux chefs d’entreprise, on trouve de plus en plus de moines et de prêtres, tandis que se multiplient les cours de leadership pour les curés et les « leaders » de communautés religieuses, des cours organisés et vendus, bien évidemment, par ces mêmes sociétés de conseil et écoles de commerce.
Malheureusement, les promoteurs et divulgateurs de ces théories ignorent que les prophètes de la Bible et les fondateurs d’authentiques mouvements charismatiques ne se sont jamais considérés comme des leaders. Au moment où les principaux prophètes de la Bible, de Moïse à Jérémie, ont reçu l’appel de Dieu, ils y ont résisté, justement parce qu’ils n’avaient pas le sentiment d’être des leaders et cherchaient encore moins à le devenir : cette simple idée les terrorisait. On trouvait en revanche des lieux où se réunissaient spontanément de nombreux hommes qui aspiraient à devenir des leaders : les écoles prophétiques, qui fournissaient une multitude de « prophètes de métier », mais aussi et surtout de nombreux faux prophètes et charlatans. La première loi que la grande sagesse biblique nous a transmise dit : « Prenez garde à celui qui veut devenir un prophète car, bien souvent, c’est un faux prophète, un imposteur » ; ou bien, pour employer le langage d’aujourd’hui, un simple narcissique. L’histoire et la vraie vie nous enseignent que l’on devient un « leader » alors même qu’on ne le veut pas. Mais, surtout, nous apprennent-elles encore, lorsque les communautés se sont mises à définir des catégories de leaders, dans le meilleur des cas cela n’a été qu’un coup d’épée dans l’eau et, dans le pire des cas, elles ont engendré des monstres, même lorsqu’elles étaient animées des meilleures intentions du monde. Il y a deux décennies à peine, lorsque la tradition syndicale et la culture du travail réel était encore bien vivante, de tels phénomènes auraient été dénoncés comme des abus de la pire espèce ; ils auraient été combattus, ridiculisés et raillés, et cette nouvelle sous-culture aurait été noyée dans le dédain et les rires. Or, à l’heure où nous sommes frappés par une grave crise spirituelle et éthique, ces manipulations revêtent le masque de l’innovation, de l’humanisme, de la gouvernance participative, de la modernité, et sont accueillies avec enthousiasme.
Aujourd’hui, nous devons exiger des entreprises beaucoup plus de laïcité : qu’elles se contentent de faire leur métier et reconsidèrent leurs visées impérialistes sur le monde et les âmes. Des entreprises, nous n’attendons ni prophètes ni salut, mais qu’elles nous laissent davantage d’espace libre, un lopin de terre où cultiver les plantes et les fleurs que nous aimons. Les entreprises sont certes capables de faire beaucoup de bonnes choses, mais pas toutes. Celles qui désirent sincèrement augmenter le bien-être de leurs salariés (et elles existent), qui ont compris que cultiver une vie spirituelle permet à ceux-ci de mieux vivre, doivent leur laisser tout le temps qu’il leur faut pour cultiver ces dimensions essentielles de la vie, mais hors de leur lieu de travail, entourés de leur famille, de leurs amis et de leurs communautés. Qu’elles se gardent d’exercer leur monopole sur les personnes et les âmes. La spiritualité qui fait du bien et qui fait vivre demande plus d’air qu’il ne peut en entrer dans les bureaux, plus de ciel qu’on n’en voit à travers les fenêtres de l’entreprise et plus de lumière que n’en émettent les lampes LED. Elle a surtout besoin de deux mots qui, en réalité, n’en font qu’un : liberté et gratuité. L’art, la foi et la prière figurent parmi les expressions humaines les plus sublimes si et parce qu’elles ne concourent à rien d’autre que la beauté, la foi et la prière. Leur unique but ne peut être que l’infini. Lorsqu’au contraire, nous essayons d’orienter, de limiter et d’instrumentaliser ces réalités merveilleuses, elles se transforment en caricatures, en jouets et parfois même en monstres. L’offre et la demande de spiritualité qui se développe actuellement à partir du capitalisme recèlent certainement de bonnes intentions, assorties de manipulations et d’une bonne dose de naïveté. Cependant, les effets les plus importants observés dans le domaine social et dans celui des organisations sont des effets non délibérés et à moyen terme. Si nous continuons de minimiser le mouvement de spiritualité d’entreprise et de l’encourager en nous abstenant de le critiquer, demain, peut-être devrons-nous nous adresser à une entreprise pour trouver une messe en ville. Ce sera une messe laïque, toute empreinte de spiritualité, qui nous sera offerte gratuitement, et nous nous montrerons reconnaissants.
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À la frontière et au-delà / 5 – À l’ère de la « méritocratie spirituelle » des leaders
Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 19/02/2017
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Par Luigino Bruni
publié dans Avvenire le 12/02/2017
« Le malheur est par lui-même inarticulé. Les malheureux supplient silencieusement qu’on leur fournisse des mots pour s’exprimer. Il y a des époques où ils ne sont pas exaucés. »
Simone Weil, La personne et le sacré
Le mérite est le grand paradoxe du culte économique de notre temps. L’esprit originel du capitalisme découle de la critique sévère de Luther contre la théologie du mérite ; or, cette « pierre écartée » est aujourd’hui devenue la tête d’angle de la nouvelle religion capitaliste jaillie du cœur de pays qui se sont construits justement sur cette vieille éthique protestante anti-méritocratique. Le salut obtenu par la « sola gratia », et non par nos mérites, devint le pivot de la Réforme. Il raviva également la polémique qui avait opposé saint Augustin à Pélage un millénaire auparavant (Luther avait d’abord été un moine augustinien). La critique antipélagienne représentait avant tout un dépassement de la très vieille idée selon laquelle le salut de l’âme, la bénédiction de Dieu et le paradis pouvaient se gagner, s’acquérir, s’acheter et se mériter grâce à nos actions. La théologie du mérite prétendait emprisonner même Dieu à l’intérieur de la logique méritocratique en l’obligeant à distribuer punitions et récompenses sur la base de critères que les théologiens lui attribuaient.
[fulltext] =>Le combat contre le pélagianisme, une opération tout sauf marginale, se révéla décisif pour l’Église des premiers siècles (en réalité, comme nous pouvons le constater, ce combat ne s’est jamais terminé). Car, si la théologie pélagienne l’avait emporté, le christianisme serait simplement venu grossir la longue liste des sectes apocalyptiques et gnostiques du Moyen-Orient, ou bien il se serait transformé en une éthique semblable au stoïcisme. Il aurait en effet perdu la charis (la grâce, la gratuité), qui faisait sa spécificité et le distinguait nettement des doctrines religieuses et des idolâtries méritocratiques dominantes.
La religion méritocratique a donc des origines très anciennes qui se perdent dans l’histoire des religions et des cultes idolâtriques. Le message du Christ, qui s’inscrit dans la continuité de l’âme prophétique de la Bible, a opéré une véritable révolution dans un monde théologique où les cultes de l’économie, de la rétribution et du mérite prédominaient ; il suffit de relire les dialogues entre Job et ses amis pour s’en faire une idée claire. Même si nous retrouvons des traces de méritocratie dans les évangiles et dans les textes du Nouveau Testament, les paroles de Jésus ainsi que sa vie ont surtout représenté une critique sévère de la religion méritocratique, critique prolongée et étoffée par la théologie de saint Paul. Pour le comprendre, il suffit de prendre la parabole de l’ouvrier de la dernière heure, où la politique salariale du « patron de la vigne » se fonde sur un critère foncièrement anti-méritocratique, ou encore de penser au « frère aîné » dans le récit du « fils prodigue », qui adresse des reproches à son père miséricordieux précisément parce qu’il n’a pas appliqué le principe méritocratique envers son cadet. La miséricorde est à l’opposé de la méritocratie : nous ne sommes pas pardonnés parce que nous le méritons, mais c’est le démérite qui émeut profondément et pousse à la miséricorde. Sans parler des béatitudes, qui sont un manifeste éternel de non-méritocratie. Le Royaume est régi par une autre loi : « Soyez les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. » La perfection de cette éthique réside dans le dépassement définitif du registre du mérite : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5).
Malgré la limpidité et la puissance de ce message, la vieille théologie fondée sur l’économie, la rétribution et le mérite a continué d’influencer l’humanisme chrétien tout au long du Moyen Âge et bien au-delà. Les idées néo-pélagiennes ont continué à influencer la doctrine et surtout la pratique chrétienne, jusqu’à provoquer la véritable maladie du « commerce des indulgences », impossible à comprendre si l’on n’a pas à l’esprit que le message chrétien a été déformé, orienté vers la rétribution et la méritocratie. Et, comme toujours lorsqu’il s’agit de religion, ces idées théologiques se sont immédiatement répercutées (cela continue aujourd’hui) sur le plan social, économique et politique. Les personnes considérées comme non méritantes étaient (et sont encore) condamnées et mises à l’écart, y compris par les hommes, tandis que les autres, avant même de gagner le paradis dans l’autre vie, y accédaient dès ici-bas, leurs mérites leur procurant de nombreux privilèges, beaucoup d’argent et de pouvoir.
L’histoire de l’Europe chrétienne a été un long processus pour se libérer de cette vision archaïque de la religion, avec une alternance de phases plus augustiniennes et d’autres plus pélagiennes. Or, jusqu’à une date récente, nous n’avions encore jamais cherché à construire une société entièrement ou principalement méritocratique. Si l’armée, le sport, la science et l’école étaient des domaines essentiellement méritocratiques, d’autres sphères importantes de la vie obéissaient à des logiques différentes voire opposées. À l’église, dans la famille, dans la santé et au sein de la société civile, le critère fondamental n’était pas le mérite mais le besoin, un autre grand mot aujourd’hui oublié et remplacé par les envies des consommateurs. L’école, par exemple, est un lieu où personne, ou peu de personnes, ont remis en question l’idée que le système méritocratique devait prévaloir dans la formation et l’évaluation des enfants et adolescents, même si d’autres existaient.
Gardons-nous cependant d’oublier que ce choix, qui n’a visiblement jamais été contesté, a eu des répercussions notables au cours des siècles. À partir des mérites et des notes obtenues à l’école, nous avons construit tout un système économique et social de castes, à structure hiérarchique, où les premières places revenaient à ceux qui correspondaient le mieux à ces mérites, tandis que ceux qui avaient obtenu les plus faibles résultats à l’école occupaient les dernières. C’est ainsi que les médecins, les avocats et les professeurs d’université ont bénéficié d’une condition sociale et de salaires bien meilleurs que ceux des ouvriers et des paysans ; aujourd’hui, avec cette nouvelle vague de méritocratie pélagienne, les travailleurs qui entretiennent jour et nuit les rues et les égouts, perçoivent des salaires des centaines de fois inférieurs à ceux des dirigeants des entreprises pour lesquelles ils travaillent.
Ce mérite scolaire, qui semblait si évident et pacifique, a en réalité établi deux sortes bien distinctes de privilèges et de dignité, qui ont conditionné et continuent de conditionner l’organisation de nos sociétés et les inégalités qui y règnent. Aujourd’hui, si nous voulons réellement briser la spirale de l’inégalité et de l’exclusion, nous devons mettre sur pied des politiques éducatives anti-méritocratiques, notamment dans les pays les plus pauvres, comme nous avons su le faire en Europe au siècle dernier en instaurant l’école pour tous, obligatoire et gratuite.
À présent, il est plus que jamais urgent de revenir à la vieille critique de saint Augustin à Pélage. Saint Augustin ne niait certes pas l’existence, chez les personnes, de talents et d’un engagement entraînant les actions ou états éthiques que nous appelons mérites (de merere : gagner). La question centrale chez lui tournait autour de la nature des dons et des mérites. Pour lui, il s’agissait de la charis, de la grâce et de la gratuité. D’après saint Augustin, « en couronnant nos mérites, Dieu couronne ses dons ». Les mérites ne relèvent pas de notre mérite sinon pour une part infime, bien insuffisante donc pour devenir le pilier d’une économie et d’une civilisation. Voilà pourquoi l’un des plus graves effets collatéraux d’une culture qui conçoit les talents reçus comme des mérites et non comme des dons, se traduit par un dramatique manque de gratitude vraie et sincère. L’ingratitude de masse est la caractéristique première des systèmes méritocratiques.
En effet, lorsque nous associons l’estime des autres, les rémunérations et le pouvoir aux talents, donc aux mérites, nous ne faisons qu’aggraver considérablement les inégalités. Des personnes inégales dès leur naissance de par leurs talents naturels et leur condition familiale et sociale, le seront encore plus à l’âge adulte. Au XXe siècle et plus particulièrement en Europe, les politiques mises en œuvre s’attachaient à réduire ces écarts présents dès le départ, au nom du principe d’égalité. Or, notre époque méritocratique les entretient et les creuse encore plus. Par conséquent, si j’ai des parents cultivés, riches et intelligents, si j’ai la chance de naître et de grandir dans un pays possédant de nombreux biens publics ainsi qu’un système de santé et un système éducatif de qualité, si, dès le début, je dispose d’un bon patrimoine chromosomique et génétique, je fréquenterai de meilleures écoles, j’obtiendrai de meilleurs résultats scolaires que mes compagnons qui jouiront à la naissance d’une condition naturelle et sociale moins favorable ; une fois sur le marché du travail, j’aurai plus de chances de trouver un emploi mieux rémunéré par le système méritocratique. Ainsi, au moment de prendre ma retraite, l’écart par rapport à mes concitoyens venus au monde avec moins de talents que moi se sera multiplié par 10, 20 ou 100.
Par conséquent, nous ne pouvons comprendre les raisons de l’augmentation actuelle des inégalités sans prendre au sérieux la racine du problème : la théologie méritocratique du capitalisme est en plein essor. De même, nous ne pouvons comprendre la culpabilisation croissante des pauvres, de plus en plus souvent considérés non pas comme malheureux, mais comme non méritants, si nous ne voyons pas que la logique méritocratique gagne du terrain sans être inquiétée. Car, si je conçois les talents que j’ai reçus (grâce à la vie ou à mes parents) comme un mérite, de là à considérer que les personnes dépourvues de tels talents n’ont aucun mérite et sont coupables, il n’y a qu’un pas, trop vite franchi. L’axe des mondes méritocratiques n’est pas le paradis, mais l’enfer et le purgatoire : les démérites sont les protagonistes des empires du mérite.
Avant d’être une théorie du mérite, toutes les théologies méritocratiques constituent une théorie et une pratique du démérite, des fautes et des expiations. Elles ont beau se présenter comme une forme d’humanisme, de personnalisme et de libération, elles se muent immédiatement en un mécanisme de fabrication de culpabilités et de peines à purger, produisant en masse des péchés et des pécheurs qu’elles gèrent et contrôlent grâce à un système complexe cherchant à réduire ces peines ici-bas et au ciel. Les univers méritocratiques sont habités par un très petit nombre d’élus et par une multitude de « damnés » qui, toute leur vie, espèrent une remise de peine. Alors que les nouveaux évangélisateurs de la méritocratie ont pris la place des prédicateurs pélagiens au sein des entreprises et partout ailleurs, alors que, dans leurs temples, ils recréent des « marchés des indulgences » très florissants, le moyen d’acheter sa place au paradis ou, du moins, au purgatoire, ce n’est plus l’argent, ni les pèlerinages à Saint-Jacques de Compostelle, mais le sacrifice de pans entiers de notre vie, de notre chair et de notre sang. Le contrôle sur les âmes s’exerce non plus dans les confessionnaux et dans les manuels à l’usage des confesseurs, mais dans les bureaux de coaching et de counseling et, surtout, grâce au mécanisme des contrats d’incitations, qui appliquent les récompenses et les peines conformément aux mérites et aux démérites, définis dans le menu détail par la divine entreprise et mis en place par ses grands prêtres.
Aujourd’hui comme hier, le seul grand ennemi des méritocraties demeure la gratuité, qu’elles redoutent plus que tout car elle fait voler en éclats les hiérarchies et libère les personnes de l’esclavage des mérites et des démérites. Seule une révolution de la gratuité, criée, désirée, vécue et donnée, pourra nous sauver de ce nouveau raz-de-marée de pélagianisme, à condition qu’en ces temps de servitude et de travaux forcés au service du pharaon, nous ne cessions jamais de rêver ensemble d’une terre promise.
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Par Luigino Bruni
publié dans Avvenire le 12/02/2017
« Le malheur est par lui-même inarticulé. Les malheureux supplient silencieusement qu’on leur fournisse des mots pour s’exprimer. Il y a des époques où ils ne sont pas exaucés. »
Simone Weil, La personne et le sacré
Le mérite est le grand paradoxe du culte économique de notre temps. L’esprit originel du capitalisme découle de la critique sévère de Luther contre la théologie du mérite ; or, cette « pierre écartée » est aujourd’hui devenue la tête d’angle de la nouvelle religion capitaliste jaillie du cœur de pays qui se sont construits justement sur cette vieille éthique protestante anti-méritocratique. Le salut obtenu par la « sola gratia », et non par nos mérites, devint le pivot de la Réforme. Il raviva également la polémique qui avait opposé saint Augustin à Pélage un millénaire auparavant (Luther avait d’abord été un moine augustinien). La critique antipélagienne représentait avant tout un dépassement de la très vieille idée selon laquelle le salut de l’âme, la bénédiction de Dieu et le paradis pouvaient se gagner, s’acquérir, s’acheter et se mériter grâce à nos actions. La théologie du mérite prétendait emprisonner même Dieu à l’intérieur de la logique méritocratique en l’obligeant à distribuer punitions et récompenses sur la base de critères que les théologiens lui attribuaient.
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Par Luigino Bruni
publié dans Avvenire le 05/02/2017
« Le capitalisme est une religion purement cultuelle, peut-être la plus cultuelle qu’il se soit jamais donnée. Il n’a de signification qu’en rapport immédiat avec le culte, sans dogme spécifique ni théologie. »
Walter Benjamin, Le capitalisme comme religion
Le capitalisme des XIXe et XXe siècles était animé d’un esprit judéo-chrétien, un esprit de travail, d’effort, de production. Or, nous ne pouvons plus comprendre l’esprit de notre capitalisme si nous continuons à le chercher dans le christianisme ou dans la Bible. Si la société de marché de ces dernières années s’apparente de plus en plus à une religion, les traits qu’elle adopte actuellement la font davantage ressembler aux villes du Moyen-Orient d’il y a trois mille ans, ou bien aux villes grecques et romaines des siècles qui ont suivi. Elle évoque leurs espaces publics occupés par de nombreuses statues, des temples, des stèles, des autels, des édicules sacrés, et leurs espaces privés remplis de gris-gris, de pénates et d’une énorme quantité d’idoles domestiques ; leurs multiples sacrifices autour desquels s’organisaient la vie, les fêtes et la mort. L’humanisme judéo-chrétien a tenté avant tout de vider le monde de ses idoles afin de le libérer des sacrifices ; une tentative réussie en partie seulement car, chez les hommes, la tendance à fabriquer des idoles à adorer a toujours été trop marquée.
[fulltext] =>Les prophètes et la tradition sapientiale (Qohélet), puis Jésus, ont lancé une révolution religieuse extraordinaire, entre autre par leur combat sans concessions contre les idoles. Ils ont essayé de chasser les idoles des temples et des églises afin de créer un environnement libéré de toute chose, où l’on pourrait écouter la voix de l’esprit, libre et libérée, sa « fine voix de silence ». Le christianisme a définitivement triomphé de la vieille logique sacrificielle puisqu’il a substitué au sacrifice des hommes offerts à Dieu le sacrifice et don de Dieu offert aux hommes, instaurant ainsi l’ère de la gratuité. Hélas, aujourd’hui, deux mille ans plus tard, le capitalisme est en train de réintroduire dans son culte des pratiques sacrificielles archaïques en combattant dans un premier temps la gratuité, puis en essayant de la commercialiser.
La culture sacrificielle du capitalisme se retrouve partout. Pensons, par exemple, à la récente transformation en spectacle de la nourriture et de la cuisine, à la télévision et dans les médias. Dans les différentes cultures, manger était une pratique fondamentale, toujours communautaire, inscrite au cœur des relations familiales et amicales, l’expression la plus élevée de la solidarité. On mangeait ensemble parce que la nourriture est la ressource première et décisive des communautés ; par conséquent, elle doit être partagée, « construite » socialement, et non pas livrée au jeu naturel de la force et du pouvoir des individus. La nourriture est le langage premier de la fraternité qui, à travers l’institution universelle de l’hospitalité, s’ouvre également à celui qui frappe à la porte. Pour cette raison, le lieu où l’on mangeait était la maison ou l’intimité d’une tente. La préparation de la nourriture était une affaire privée, confiée généralement aux femmes ; créatrices des plats, elles transformaient les rares produits de la terre en convivialité et les biens en biens relationnels. Lorsque l’on parlait de nourriture, on évoquait d’abord la confiance dans la personne qui cuisinait. Le buffet ne faisait pas que conserver les aliments : il était aussi le gardien de la confiance et de la bonne foi dans les relations entre les habitants de la maison.
Les repas en public, sur les places, se prenaient quant à eux lors des fêtes qui, dans le monde préchrétien, étaient associées aux sacrifices d’animaux offerts aux divinités. On cuisait, cuisinait et mangeait alors ensemble les animaux offerts en sacrifice. La civilisation chrétienne a transformé ces fêtes anciennes et, afin de venir à bout de la logique sacrificielle archaïque, elle a découragé l’usage consistant à cuisiner, à manger et à boire en public. Lors des fêtes chrétiennes publiques, on dansait, on chantait, on jouait, on faisait des processions et, surtout, on célébrait l’eucharistie : la bonne (eu) gratuité (charis), lors d’un repas différent, avec un autre pain et un autre vin. Cependant, on mangeait chez soi, et la préparation des repas restait une affaire privée réservée aux femmes. La grande transformation en spectacle de la nourriture et de la cuisine nous ramène en arrière, à la culture des sacrifices, aux banquets sacrés en l’honneur des idoles, à la cuisine sur les places. Car, si l’on veut comprendre cette véritable invasion de cuisiniers et de plats, il ne suffit pas de s’intéresser aux seuls aspects sociologiques (réapprendre à cuisiner ou manger sain) : il s’agit de percer à jour leur nature religieuse et sacrificielle. Les idoles ont beau manger sans cesse, elles ne sont jamais rassasiées.
Ces nouveaux rites, célébrés par des prêtres masculins, font perdre à la nourriture toute sa nature intime et familiale. La solidarité et le partage qu’elle véhicule s’effacent totalement au profit de la concurrence, des concours. Les bonnes paroles prononcées à la maison deviennent des insultes, on n’embrasse pas le pain tombé par terre mais on répond par un hurlement, l’acte de cuisiner n’est plus entouré des paroles bonnes et familières autour d’une même table : tout n’est que jeu, spectacle et business. Nous oublions et renions ainsi la règle fondamentale d’éducation que, durant des millénaires, les mères ont transmise à leurs enfants : « On ne joue pas avec la nourriture », car c’est quelque chose de trop sérieux, la chose la plus sérieuse entre toutes, sacrée. Or, ce sacrifice à la fois nouveau et archaïque de la nourriture ne rend rien ni personne sacré, nous faisant replonger dans un monde peuplé d’autels et de personnes sacrifiées : panem et circenses.
Cependant, sacrifice est également un mot clé des nouvelles grandes entreprises mondiales. Si nous voulons comprendre l’univers du « sacré » au sein des entreprises, nous ne devons pas nous arrêter à ses aspects les plus superficiels tels que la présence de coaches qui essaient d’imiter les pères spirituels d’autrefois, ni à l’usage d’expressions issues du langage spirituel, telles que « mission », « vocation », « fidélité » ou « mérite », aux faux rites d’initiation et aux pseudo-liturgies de marketing, ou encore au mépris envers le mot « vieux » désormais devenu un gros mot ou une insulte :« tu es vieux ! » (tous les cultes idolâtres glorifient la jeunesse). Car ce ne sont là que des symptômes épidermiques d’un phénomène bien plus profond et enraciné dans l’organisme du capitalisme.
Après avoir recouru, jusqu’à une date récente, au langage et aux métaphores de la vie militaire ou du sport, les grandes entreprises capitalistes s’aperçoivent aujourd’hui que, pour s’acheter leurs subordonnés, il leur faut un code symbolique plus fort, qu’elles empruntent à la sphère religieuse. Mais, là encore, le registre symbolique qu’elles utilisent ne provient pas de la culture religieuse judéo-chrétienne, ni même d’autres grandes religions (islam ou hindouisme). Ces grands humanismes spirituels sont trop complexes et résilients pour se laisser si facilement manipuler par le monde des affaires. Les entreprises font donc un bond de plusieurs millénaires en arrière pour revenir directement au totémisme et à ses sacrifices.
Le mot sacrifice occupe une place centrale dans le culte du business. Le sacrifice est la chose que l’on exige le plus des salariés des grandes entreprises : ils doivent sacrifier leur temps, leur vie sociale et familiale. Certes, le travail a toujours été synonyme d’effort et de fatigue et donc, dans un certain sens, de sacrifice. Pourtant, le sacrifice pratiqué par les entreprises du XXe siècle était parfaitement visible pour ceux qui le faisaient et ceux qui en bénéficiaient. Les mouvements syndicaux étaient parvenus à le contenir à l’intérieur de certaines limites politiques ; lorsqu’il dépassait ces limites, il n’était plus désigné sous le nom de « sacrifice », mais d’« exploitation ». De tout temps, nous avons su que, très souvent, derrière un travail se cachaient des « dieux » lointains qui vivaient de rentes grâce à nos sacrifices et à l’exploitation de notre travail aux champs et dans les usines, mais nous en étions conscients ; cela nous faisait beaucoup souffrir et nous nous sommes battus pour réduire, voire faire disparaître ces injustices. Or, aujourd’hui la manipulation sémantique réussit à nous présenter le « plus » que représente le sacrifice comme une forme de « don » volontaire. Nous sommes exploités davantage qu’hier par des dieux richissimes ; cependant, contrairement à hier, nous nous devons d’être heureux de faire des sacrifices, de les intérioriser comme un don. Les sacrifices imposés par les grandes entreprises à leurs salariés sont un acte nécessaire pour espérer obtenir les « faveurs des dieux » et faire ainsi carrière, gagner beaucoup d’argent, jouir de l’estime et de la reconnaissance de leur hiérarchie. Ceux qui, au contraire, refusent de faire ces sacrifices et s’emploient à maintenir une frontière entre l’entreprise et leur vie de famille, ceux qui n’acceptent pas de rester au bureau jusqu’à onze heures du soir, ne font pas partie des élus et, dans de nombreux cas, éprouvent de graves sentiments de culpabilité parce qu’ils sont des perdants.
En outre, de même que chez les Anciens, les offrandes et les vœux aux dieux et aux idoles n’éteignaient jamais la dette de ceux qui les faisaient, aujourd’hui, plus on donne de son temps et de sa vie aux entreprises, plus elles nous en demandent, jusqu’au jour où n’avons plus aucune offrande à leur présenter ; nos managers s’empresseront alors de nous proposer « gratuitement » le bon coach qui nous aidera à nous relever pour nous rendre de nouveau à l’autel et offrir d’autres sacrifices. L’idole ne se sacrifie pas mais peut seulement recevoir les sacrifices de ses fidèles. De plus en plus, les dieux invisibles et lointains ont un besoin vital de se nourrir des sacrifices des salariés. Or, ce capitalisme a réussi un coup de maître en enveloppant dans un « contrat » la structure sacrificielle du « marché du travail ». En réalité, ce que ces dieux nous demandent, c’est un sacrifice, qu’ils présentent cependant comme un contrat libre pour mieux dissimuler sa vraie nature. En versant de l’argent, les entreprises se détachent totalement de leurs fidèles et se montrent ingrates envers eux. Le jour où les opportunités de marché et de profit ne sont plus les mêmes, loin de se sentir redevables pour les nombreux sacrifices reçus, elles se tournent vers les paradis fiscaux ; dans la meilleure des hypothèses, avec quelques milliers d’euros elles remboursent le sacrifice d’une vie, de la vie. Dans les cultes anciens, le sacrifice devait être vivant : on offrait aux dieux des animaux, des enfants ou des vierges, plus rarement des plantes (libations) et jamais des objets. Les nouveaux dieux, quant à eux, continuent de demander des vies et prétendent nous les rendre en argent.
La nature sacrificielle de ce capitalisme ne constitue pas une caractéristique morale des personnes, mais concerne le système dans son ensemble. Ses premières victimes sont les chefs d’entreprise et managers eux-mêmes, qui sont à la fois grands prêtres et objets de sacrifice.
Le développement rapide de cette nouvelle idolâtrie qui migre peu à peu de l’économie vers la société civile, l’école et la santé, est le sombre scénario qui se profile à l’horizon de notre civilisation. Elle ne rencontre aucune résistance sur son chemin car elle recourt à des symboles religieux que notre culture n’est plus en mesure de saisir faute de critères de jugement. Qui veut comprendre et même diriger l’économie et le monde aujourd’hui, doit étudier davantage la philosophie et l’anthropologie que la finance.
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Par Luigino Bruni
publié dans Avvenire le 05/02/2017
« Le capitalisme est une religion purement cultuelle, peut-être la plus cultuelle qu’il se soit jamais donnée. Il n’a de signification qu’en rapport immédiat avec le culte, sans dogme spécifique ni théologie. »
Walter Benjamin, Le capitalisme comme religion
Le capitalisme des XIXe et XXe siècles était animé d’un esprit judéo-chrétien, un esprit de travail, d’effort, de production. Or, nous ne pouvons plus comprendre l’esprit de notre capitalisme si nous continuons à le chercher dans le christianisme ou dans la Bible. Si la société de marché de ces dernières années s’apparente de plus en plus à une religion, les traits qu’elle adopte actuellement la font davantage ressembler aux villes du Moyen-Orient d’il y a trois mille ans, ou bien aux villes grecques et romaines des siècles qui ont suivi. Elle évoque leurs espaces publics occupés par de nombreuses statues, des temples, des stèles, des autels, des édicules sacrés, et leurs espaces privés remplis de gris-gris, de pénates et d’une énorme quantité d’idoles domestiques ; leurs multiples sacrifices autour desquels s’organisaient la vie, les fêtes et la mort. L’humanisme judéo-chrétien a tenté avant tout de vider le monde de ses idoles afin de le libérer des sacrifices ; une tentative réussie en partie seulement car, chez les hommes, la tendance à fabriquer des idoles à adorer a toujours été trop marquée.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 29/01/2017
Toutes les passions ont un temps où elles ne sont que néfastes, où elles avilissent leurs victimes avec la lourdeur de la bêtise, et une époque tardive, beaucoup plus tardive, où elles se marient à l’esprit, où elles se « spiritualisent ».
F. Nietzsche, Le crépuscule des idoles
L’une des formes les plus puissantes de « destruction créatrice » du capitalisme d’aujourd’hui, c’est la destruction de la religion. L’économie de marché s’est développée et continue de se développer en empiétant sur le territoire sacré qui, n’étant plus consacré et ayant été transformé en espace profane indéfini et anonyme, s’est libéré pour les échanges commerciaux. Les marchands sont retournés dans le temple et le temple tout entier se transforme en marché ; même le saint des saints doit aujourd’hui rapporter.
[fulltext] =>Pour détruire une religion, il faut d’abord miner les communautés de l’intérieur et isoler les personnes en les transformant en individus, et le capitalisme y est parvenu à merveille. Les individus étant coupés les uns des autres, ils ne peuvent posséder la religio, une expérience réservée uniquement à ceux qui partagent et gardent ensemble quelque chose d’important. Lorsque l’espace commun de la communauté disparaît, l’expérience religieuse s’éteint inexorablement. Ou bien, elle devient un bien de consommation, comme cela s’est produit en Occident : en l’espace de deux générations, nous avons réduit en cendres un patrimoine communautaire et religieux construit sur plus de deux mille ans, et les individus dépourvus de toit et de racines sont devenus de parfaits consommateurs. Nous nous sommes laissé vider de sens pour nous faire remplir d’objets.
Ce vide et remplissage représente le dernier stade de développement de l’« esprit originel du capitalisme » qui concevait l’accumulation de biens comme une bénédiction de Dieu. Avec cependant une différence de taille : alors que, durant au moins deux siècles, cette expérience élitiste n’avait concerné qu’un nombre restreint d’entrepreneurs et de banquiers, au cours du XXe siècle elle s’est transformée en une religion de masse, le barycentre éthique du capitalisme s’étant déplacé de la sphère de la production vers celle de la consommation. La personne « bénie de Dieu » n’est plus celle qui produit, mais celle qui consomme (elle est louée et enviée lorsque et parce qu’elle a les moyens de consommer). Les personnes prédestinées sont aujourd’hui celles qui peuvent consommer des biens, et non plus celles qui les produisent par leur travail. Plus on consomme, plus on est béni. La figure sacrée de l’entrepreneur-constructeur a ainsi laissé la place au nouveau prêtre et messie, le manager-consommateur, qui est d’autant plus« béni » que ses bénéfices et, par là même, son niveau de consommation, sont élevés.
Le travail a ainsi été relégué au rayon des souvenirs quelque peu nostalgiques du passé et de ses utopies. Il est devenu un moyen d’augmenter la consommation, grâce à une finance de plus en plus amie avec la consommation et ennemie du travail, de l’entreprise et de l’entrepreneur travailleur. Le vieil esprit calviniste du capitalisme, axé sur la production et le travail, était encore un capitalisme essentiellement social. Le travail et la production sont des actions collectives, une coopération, une mutualité. Le travail est l’élément de base des communautés humaines. En déplaçant le centre du système économique et social du travail vers la consommation, la communauté a tout naturellement laissé place à l’individu. La consommation est devenue un acte individuel, perdant progressivement cette dimension sociale qui restait cependant liée à la sphère économique. Jusqu’à ces dernières décennies, même sur les marchés on se parlait. Aujourd’hui, l’acte de consommation parfait est l’achat en ligne, lors duquel l’objet désiré me parvient sans qu’aucun autre être humain ne serve d’intermédiaire entre lui et moi (dans certains cas, pas même le facteur). Ceci explique pourquoi le hasard dernière génération est l’emblème par excellence de ce capitalisme. De la grille du loto sportif ou des paris hippiques qui, bien souvent, étaient des expériences sociales, on est passé à la relation entre l’individu et la machine, où chacun « joue » (bien que ce ne soit pas un jeu) seul, totalement concentré et aspiré par son objet ; ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreuses machines à sous ont un aspect totémique : brillantes, pleines de couleurs et toujours gourmandes.
Le passage du travail à la consommation est aussi le résultat d’un dénigrement systématique de tout ce qui a un goût d’effort, de fatigue et de sacrifice. Nous aimons beaucoup consommer parce que nous n’en retirons que du plaisir : cela ne demande ni effort, ni souffrance ou sacrifice. On ne s’étonnera donc pas que la nouvelle frontière de la bataille civile se déplace aujourd’hui du « travail pour tous », le grand idéal du XXe siècle, vers la « consommation pour tous », qui est en passe de devenir le slogan du XXIe et a été rendu possible grâce à un revenu minimum permettant de se faire introduire dans le nouveau temple. Plus on consomme, moins on travaille et plus la bénédiction est grande. L’idolâtrie est toujours une économie fondée sur la pure consommation. Le totem ne travaille pas, et le travail fourni par ses adorateurs n’a de valeur que dans la mesure où il est orienté vers la consommation, l’offrande et le sacrifice. Plus une culture est idolâtre, plus elle méprise le travail et adore la consommation et la finance qui promet un culte perpétuel fondé sur la seule consommation sans effort.
Ce système anthropologique, social et sacré, qui a régi le capitalisme jusqu’ici, est pourtant inexorablement entré en crise. Les jours du capitalisme individualiste semblent être comptés, même s’il se trouve actuellement dans sa meilleure phase (les grandes crises commencent toujours au sommet de la réussite et se manifestent avec un retard de quelques années). Il est très facile de s’en rendre compte.
Tant que notre économie vivait une pénurie de marchandises, le culte du marché se contentait de trouver de quoi nourrir notre imagination et assouvir nos désirs. Or, la majeure partie de la société disposant à présent de biens à satiété voire plus, la religion capitaliste doit se repenser entièrement si elle veut continuer à se développer et à retenir ses fidèles, en oubliant au passage tous ceux qui n’ont pas de quoi vivre et frappent à la porte de nos banquets.
C’est en observant les changements à l’œuvre lors de cette nouvelle phase – le capitalisme de la post-satiété – que nous mesurons à quel point le système actuel est religieux et idolâtre.Pensons au rapport entre l’individu et la communauté. Les composantes les plus intelligentes de notre système économique perçoivent aujourd’hui que, si le culte capitaliste tient à conserver durablement sa puissance, il a besoin de communautés. Comme toute religion, la religion capitaliste ne peut qu’être communautaire. Toutes les religions sont un « phénomène éminemment social » (Émile Durkheim). C’est ainsi qu’à partir du centre du capitalisme est apparu peu à peu un phénomène impensable il y a encore quelques années. Alors que le processus d’individualisation de la consommation puis de disparition de la communauté atteignait son point culminant, cette même culture économique a engendré des enfants très semblables à la vieille religion et à la vieille communauté qu’elle avait tant méprisées et combattues comme ses principaux ennemis. La phase lors de laquelle le marché se développait en offrant des marchandises à des individus qui substituaient aux anciens cultes collectifs l’idolâtrie individuelle de nouveaux objets-totems, laisse en effet progressivement place à une nouvelle phase de consommation communautaire, donc plus religieuse. L’individu consommateur isolé, adorateur d’idoles qui le dévorent, ne sera pas le principal acteur sur les marchés des années à venir. Le marché du futur sera social et riche en histoires à raconter. Il nous est par exemple impossible de comprendre cette nouvelle époque, l’économie du partage ou, si l’on préfère, la « consommation collaborative », si nous ne la concevons pas à l’intérieur de cette nouvelle phase de la religion capitaliste qui est une autre forme de communauté (nous le verrons dans un prochain article).
Pensons au vaste phénomène de la narration de marketing et au fameux story telling, qui s’insèrent de façon croissante au sein des nouvelles entreprises à succès. La narration est un élément caractéristique des religions et des communautés, à tel point qu’elle constitue leur premier capital. Les religions sont avant tout un patrimoine d’histoires reçues et transmises. Il ne peut exister de religions sans narrations du début, de la fin, des pères, des libérations, des rencontres avec Dieu. On transmet une religion en racontant une histoire. Le nouveau marketing de l’ère post-pénurie ne présente plus les produits avec leurs caractéristiques techniques ou commerciales. Il nous enchante non pas en nous décrivant les propriétés des marchandises, mais en nous racontant des histoires, comme le faisaient nos grands-parents, comme le faisait et le fait encore la Bible. La nouvelle publicité s’apparente de plus en plus à une construction de récits employant le langage du mythe qui cherche à activer l’émotion du consommateur, son code symbolique, ses désirs, ses rêves, ni plus ni moins que ses besoins, en somme.
Alors, pour nous vendre leurs produits, les nouvelles entreprises nous font rêver en recourant à la force évocatrice du mythe, à l’instar des religions et des histoires qui ont façonné notre patrimoine religieux et social. Avec une différence fondamentale, cependant : les histoires des religions et les contes de nos grands-mères étaient plus grands que nous et entièrement gratuits. Ils avaient pour but de nous transmettre un cadeau, une promesse, une libération, en les faisant chaque fois revivre juste pour nous. Ils ne cherchaient pas à nous vendre quoi que ce soit, mais seulement à nous transmettre un héritage. Or, le story telling des entreprises du capitalisme d’aujourd’hui et de demain, qui jouent sur les émotions, n’a d’autre intention que de nous vendre quelque chose. Ces histoires n’ont rien de gratuit et sont plus petites que nous justement parce qu’il leur manque cette gratuité qui faisait la grandeur des autres histoires : les nouvelles entreprises nous content des histoires afin d’augmenter les profits de ceux qui investissent beaucoup d’argent pour les inventer et nous les raconter, alors que ces histoires ne sont rien d’autre que des plagiats et des imitations des grandes narrations religieuses qu’elles ont elles aussi reçues gratuitement et recyclent ensuite à des fins lucratives. Si les histoires d’hier et de toujours ont su nous enchanter, c’est parce qu’elles ne cherchaient pas à nous enchaîner. Au contraire, les histoires racontées à des fins lucratives sont toutes des variantes du conte du joueur de flûte magique : si ce « marchand » ne reçoit pas de salaire pour son œuvre, il retourne en ville et, pendant que nous sommes absorbés par nos nouveaux cultes dans les nouvelles églises, il enlève nos enfants à jamais, au son de la flûte enchantée.
Jusqu’ici, l’histoire des civilisations nous a enseigné que la gratuité utilisée à des fins marchandes n’a qu’un temps, car on a tôt fait de découvrir la supercherie. Or, la grande innovation du capitalisme de demain consistera peut-être à transformer même la gratuité en une marchandise, et il s’y prendra de façon telle que nous ne parviendrons plus à faire la distinction entre la gratuité truquée et la gratuité véritable. Nous viendrons malgré tout à bout de cette gigantesque manipulation, qui serait la plus grande entre toutes, à condition d’avoir su perpétuer les grandes histoires de gratuité dont les religions sont les garantes. Ou bien, d’avoir conservé la semence de la gratuité dans un recoin de notre âme que nous aurons évité de mettre en vente.
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Par Luigino Bruni
Publié dans Avvenire le 29/01/2017
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 22/01/2017
« Nous ne pouvons rien aimer que par rapport à nous. C’est l’intérêt seul qui produit notre amitié. »
F. de La Rochefoucauld, Maximes
La solitude de notre époque s’accentue parallèlement à notre désir de communauté, que nous cherchons à satisfaire en recourant à des instruments qui, trop souvent, augmentent ce désir. La société de marché, en mal d’individus dépourvus de liens puissants et de racines profondes, a les moyens économiques et politiques de les orienter toujours plus dans ce sens. Les personnes ayant développé de vraies relations interpersonnelles et une vie intérieure intense font toujours des consommateurs imparfaits et difficiles à contrôler.
[fulltext] =>Nous ne pouvons comprendre le succès extraordinaire que le marché capitaliste rencontre depuis deux ou trois décennies, sans nous arrêter longuement sur son principal dispositif : la destruction des biens libres, non issus du marché, remplacés par des marchandises qui, en tentant de combler le manque des biens originels (elles y parviennent à leur façon), continuent au contraire à l’alimenter. La nouvelle culture du travail et de la consommation engendre des individus aux relations de plus en plus fragmentées, et les multinationales proposent de nouvelles formes de communautés en réseau qui, tout en nous accompagnant dans notre solitude, ne font rien d’autre que multiplier notre nombre d’heures passées en solitaire au téléphone, devant notre ordinateur ou notre télévision. Le PIB n’augmente que grâce à notre tentative de remédier, grâce au marché, à la solitude générée par ce même marché. C’est ainsi que la part de revenu dépensée par les ménages en téléphones et en forfaits internet dépasse aujourd’hui les dépenses en nourriture.
Les conséquences de cette nouvelle forme de « destruction créatrice » – qui détruit les biens libres et crée des marchandises ayant un prix – sont gravement sous-estimées. Pensons à l’exclusion sociale et à la pauvreté. Les communautés traditionnelles étaient généralement des biens communs gratuits, accessibles y compris aux pauvres, parfois même principalement à eux, ce qui leur permettait de compenser leur peu de biens économiques par plus de biens relationnels. Souvent, les pauvres ne manquaient pas de tout : ils avaient des richesses communautaires et leurs fêtes qui adoucissaient leur pauvreté. Or, la grande tendance du troisième millénaire, c’est l’apparition de nouvelles pauvretés où l’on manque de tout. Par exemple, lorsque nous étions enfants, l’organisation sociale des villes et des campagnes nous empêchait (presque) de devenir obèses : tous nos mouvements étaient naturels et nécessaires. Aujourd’hui, nos villes et notre organisation économique et sociale produisent (presque) naturellement de l’obésité. Mais, grâce au génie collectif le plus impressionnant de notre époque, le capitalisme a inventé tout un business de salles de sport, de piscines, de centres fitness et d’aliments spéciaux destinés à combattre cette obésité que la société de marché crée – il suffit pour cela de payer. C’est ainsi que les enfants (et les adultes) les plus pauvres sont souvent les plus obèses, parce qu’ils ne peuvent pas accéder aux « soins » vendus par le marché.
S’agrandir et réaliser des profits en réparant les dégâts qu’il cause par ses autres profits (et ses rentes) est la grande « innovation sociale » du capitalisme de notre temps. Le mécanisme de cette destruction créatrice est radical et attaque principalement la communauté. Les communautés traditionnelles n’étaient que très partiellement électives : nous choisissions notre épouse, nos amis, et non pas nos parents, ni nos frères et sœurs, nos enfants, nos voisins ou les autres habitants de notre village. Tous ces compagnons étaient notre héritage, notre destin et, surtout, notre corps, notre chair, notre sang, avec les blessures et bénédictions qui leur étaient propres. Or, les communautés postmodernes sont exclusivement électives : nous choisissons presque tout, nous voudrions pouvoir tout choisir. Seuls les liens lâches, désincarnés et choisis nous conviennent. Nous en venons ainsi à oublier que les personnes sont vivantes et vraies parce qu’aujourd’hui, elles ne sont plus celles que nous avons choisies hier. Une vie épanouie consiste à rester fidèle à tout ce qui a changé, qui continue de changer et que nous n’avons pas choisi chez les personnes que nous aimons. Tout pacte de mariage est un oui réciproque à la fidélité à ce que l’autre deviendra, à une alliance scellée pour accueillir et aimer ce qui viendra (de soi et de l’autre), que nous ne connaissons pas et que nous ne pourrons contrôler. À l’inverse, les « tu as changé », « tu n’es plus l’homme que j’ai épousé », expriment nos abandons, comme si nous n’avions pas épousé aussi ce « changement » et ce « qui n’est plus ».
Le thème de l’authenticité occupe une place importante dans ce raisonnement. Au XXe siècle, l’authenticité – sincérité, pureté – constituait aussi une dimension du marché. Les entreprises, les coopératives, les magasins et les banques étaient des affaires tout à fait humaines, qui possédaient les vices et les vertus de la vie ; ils étaient donc authentiques comme la vie elle-même. Puis nous avons commencé à construire une culture d’entreprise et de marketing de plus en plus artificielle, à vanter des biens dont nous savons tous qu’ils ne sont pas les marchandises que nous irons acheter ensuite, à vendre des produits financiers totalement artificiels et faux, à entrer en relation avec nos collègues, nos clients, nos fournisseurs et nos supérieurs selon le protocole et les schémas des incitations. Une commedia dell’arte où chacun interprète son rôle en se couvrant d’un masque qui empêche de voir ses joues rouges et les larmes dans ses yeux. Certes, l’ethos du marché a toujours eu une part d’artificialité et de mensonge– quiconque fréquentait les foires et les marchés autrefois, entrait dans un monde de vendeurs séducteurs qui évoquaient les propriétés extraordinaires de produits miraculeux. Pourtant, nous en étions conscients : cette artificialité faisait partie du folklore et des rites de ce monde-là, de n’importe quel monde. Cette part d’artificiel était explicite, connue de tous, ce qui la rendait paradoxalement authentique et sincère. Nous jouions un peu tous aux « marchands de foire », mais nous le savions.
Or, à un certain moment cette culture de marché a été enflée et exacerbée par les multinationales et les sociétés mondiales de consulting. Elle s’est transformée en véritable idéologie et cette dimension saine et originelle d’artificialité dans les relations de marché a pris des proportions démesurées. Peu à peu, sans nous en rendre compte, nous avons oublié que de nombreuses pratiques manquaient d’authenticité, allant jusqu’à leur donner un aspect réel. La gestion du travail a pris une tournure technique, les personnes sont qualifiées de ressources humaines et le marketing est aujourd’hui une science étudiée dans les laboratoires de neurosciences. Le jeu est devenu réalité, et la sincérité originelle s’est perdue.
Encore une fois, le marché trouve la solution au mal qu’il a lui-même causé. La recherche d’authenticité au sein du marché est en effet l’une des grandes tendances les plus lucratives du capitalisme actuel. Les consommateurs sont en quête d’authenticité lorsqu’ils achètent un produit ou un service. Nous la réclamons pour les aliments, où rien ne vaut un goût authentique ; lorsque nous cherchons un restaurant à Naples ou à Lisbonne, nous le voulons typique. Même en pratiquant un tourisme « social », nous essayons de rencontrer des autochtones authentiques et des pauvres qui soient de vrais pauvres. Notre préférence va aux bières et glaces artisanales parce qu’elles sont porteuses de cette part d’authenticité que nous cherchons résolument. Un chef bien préparé ne nous suffit pas : nous attendons de lui qu’il croie vraiment en ce qu’il fait et demande de faire. Il en va de même d’un paysan qui cultive des produits bio : nous voulons le rencontrer au moment où il travaille aux champs et l’entendre nous parler dans son dialecte, afin de vérifier la sincérité de ses propos au sujet de sa marchandise.
Le prix des produits ainsi vendus est l’un des premiers effets collatéraux de ce phénomène intéressant. Cette authenticité est généralement associée à un prix élevé, parfois même très élevé, ce qui, là encore, exclut les pauvres. L’authenticité n’est pas seulement une caractéristique des produits : c’est aussi une dimension des personnes. Donc, à bien y regarder, nous nous rendons compte que nous demandons au marché la gratuité alors qu’il l’a justement exclue de ses bureaux, de ses magasins et de ses banques, notamment lors des dernières décennies.
Ce monde varié des marchés authentiques ouvre la voie à des scénarios futurs qu’il faudra suivre avec attention. L’un d’eux touche à l’expansion de nouvelles communautés de marché, où les personnes se réunissent sous de nouvelles formes de « tribus » autour de la consommation d’un produit ou d’une marque. Ce qui ne vaut aujourd’hui que pour quelques produits particulièrement identitaires (nourriture, musique, habillement, voitures, motos etc.), pourrait bien se transformer demain en un phénomène beaucoup plus répandu et généralisé. Au sein de ces tribus de consommateurs, c’est l’objet qui devient le socle de la « communauté ». On voit ainsi réapparaître des formes archaïques de culte totémique, où les relations entre personnes sont un effet collatéral du rapport de chaque individu à la chose. Les fidèles (ici, la foi-fidélité représente tout) offrent en sacrifice leur temps et leur énergie à quelque chose qui, par nature, n’a rien de gratuit : le produit a un prix de vente et engrange des profits qui ne vont pas à ses adorateurs mais aux propriétaires de la marque, ceux-ci exploitant gratuitement le travail et la promotion de leurs clients fidélisés. De nouvelles religions et formes d’idolâtrie, réduites à un culte, remplissent ainsi de fétiches une terre vidée de ses dieux.
L’humanisme de la Bible a combattu l’idolâtrie de son temps, entre autre, pour libérer l’homme de la dette originelle laissée par les cultes totémiques et païens des peuples voisins. L’Alliance avec un Dieu qui crée par un excédent d’amour avait aussi signifié la libération vis-à-vis du culte des objets, des totems et des tabous du monde ancien, où les objets envoûtaient et enchaînaient les hommes par leur magie et leurs pouvoirs occultes. Si le désenchantement du monde et la bataille contre l’humanisme judéo-chrétien à laquelle nous assistons aujourd’hui débouchaient au final sur un banal retour au culte totémique des objets, alors nous ferions face au pire échec de l’humanisme occidental, à la destruction de deux mille cinq cents ans de développement humain et spirituel.
Mais d’autres scénarios sont possibles : nous entrevoyons déjà des narrations différentes sur la ligne d’horizon de notre époque à la fois compliquée et très belle. Afin de les observer et de les comprendre, nous nous placerons « à la frontière et au-delà ». Nous installerons notre poste d’observation à la frontière entre la gratuité et le marché, entre les communautés et les personnes, entre les totems et la spiritualité authentique. Attendons-nous à tout, et bon voyage.
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Par Luigino Bruni
Paru dans Avvenire le 22/01/2017
« Nous ne pouvons rien aimer que par rapport à nous. C’est l’intérêt seul qui produit notre amitié. »
F. de La Rochefoucauld, Maximes
La solitude de notre époque s’accentue parallèlement à notre désir de communauté, que nous cherchons à satisfaire en recourant à des instruments qui, trop souvent, augmentent ce désir. La société de marché, en mal d’individus dépourvus de liens puissants et de racines profondes, a les moyens économiques et politiques de les orienter toujours plus dans ce sens. Les personnes ayant développé de vraies relations interpersonnelles et une vie intérieure intense font toujours des consommateurs imparfaits et difficiles à contrôler.
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